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La BD du jour : Blanche de Day & POG et Ici reposent tous les oiseaux de Drillon et Freiss

Dans une société du fragile voir la naissance d’une nouvelle collection de livres illustrés ne peut que nous réjouir et pour cause la diversité joue encore son rôle, l’indépendance et la folie créatrice aussi. Les Editions Margot lancent donc une nouvelle fenêtre pour alimenter nos rêves. De somptueux ouvrages grand format que l’on aime tenir en main, manipuler, lire bien sûr et reparcourir plus tard, pour nous rappeler au plaisir de la première lecture. Découvrons les deux premières références de cette collection à placer définitivement entre toutes les mains !

 Blanche

blancheDans un pays froid qui s’étend très loin à l’est un homme d’un âge certain rentre dans sa chaumière après avoir passé sa journée au dehors à couper du bois. La maison isolée du reste du hameau semble perdue au milieu de nulle part. Le vieillard y rejoint sa femme à qui il propose de construire des poupées de neige. Des poupées de neige ? Pourquoi pas ! le couple décide d’enfiler un chaud manteau, des gants épais et de sortir au dehors pour compacter la neige qui s’étend à profusion. Une  poupée est vite façonnée mais il lui manque peut-être ce qui la distinguerait des autres : une âme. L’homme a recueilli deux petites pierres bleues au pouvoir magique. Sitôt posées sur la poupée de neige celle-ci s’anime. Elle deviendra Blanche. Sera adoptée par le couple en mal d’enfant, mais aussi par tout le village à qui elle apporte une fraicheur renouvelée. Mais rien n’est plus fragile qu’une poupée de neige et notre couple de vieillard le sait hélas fort bien…

Alexandre Day et Pog nous convient à un voyage vers un ailleurs aux contours mal définis. Loin de tout académisme ils livrent un récit qui tient du conte contemporain rédigé en vers. Les mots sont lourds de sens, de sous-entendus, ils tissent surtout un volet fantastique qui se lit comme une parabole sur la fragilité du temps qui passe et son irrémédiable côté éphémère. Un temps fragile donc dans lequel pourtant tous les possibles ont droit de cité. Ici un vieux couple dompte les ans en retournant bien des années auparavant. Rien n’est figé mais toute chose a une fin. Cruelle bien souvent comme pour rétablir un certain équilibre dans l’ordre des choses. Le dessin d’Alexandre Day restitue à merveille cette ambiance cotonneuse, qui fait penser irrémédiablement à un rêve éveillé qui dégage des effluves d’onirisme. Ses dessins en pleine ou double page racontent une histoire. Dans chaque scène dépeinte on se plait (ou se perd, ce qui au final revient au même) à lire un avant et un après. Le fil du récit épouse ainsi les possibles déroulés qui naissent dans nos esprits, pour peu que ceux-ci aiment à divaguer vers des no man’s land nébuleux qui alimentent la machine à rêve. On lit dans le regard du couple tout à la fois une tristesse, une mélancolie qui s’affiche criarde et tout à la fois une joie de l’instant présent. Comme de grands enfants le couple revendique son droit au rêve, à cette matière volubile et improbable qu’est l’espoir. D’un point de vue formel l’album se développe dans un grand format toilé qui permet la respiration du texte et de l’image, les deux pouvant se lire de façon concomitante ou séparée. Un album qui se doit de trôner dans toute bédéthèque qui se respecte !

Alexandre Day/POG – Blanche – Editions Margot – 2013 – 19,90 euros

 

Ici reposent tous les oiseauxLe murmure des oiseaux a toujours bercé les matinées lascives de mes vacances d’été. Comme une minuterie réglée de manière scientifique les doux cui-cui viennent chatouiller mes oreilles pour m’indiquer le lever prochain du soleil. Une nouvelle journée se prépare elle se fera au rythme des sons qui, si nous y somme sensible, peuvent nous révéler bien des indices sur ce qui se trame. Mais voilà que serait une journée sans ses repères sonores ? que serait une journée sans oiseau, sans observation de leur vol et de leur manière d’interagir les uns par rapport aux autres. Lorsqu’il débarque sur une île isolée perdue dans le recoin d’un vaste océan, Ernest Sémaphore ne s’attendait peut-être pas à rester seul, sans autre compagnie que celle des pierres, du sable et des espèces végétales qui s’y trouvent fort heureusement. Lui le scientifique, le bricoleur fou va bouleverser l’ordre des choses et construire ses propres oiseaux à partir des amas de détritus, de tôle, de vis, plaque d’acier, machine à laver, van, aspirateur, mécanismes et engrenages divers qu’il trouve flottant aux eaux ou dans les zones reculées de l’île. A force d’imagination, avec le sens de la dérision, une certaine folie due peut-être à cette aliénation au réel, Ernest Sémaphore parviendra à faire voler ses premiers modèles. On y dénombre des pigeons voyageurs, un hululeur nocturne, un colibricoleur, un faucon pèlerin, un pélican à vapeur, une motruche et bien d’autres espèces qui donnent vie à cette île déserte par leurs doux cui-cui et leur vol plus ou moins maitrisés…

Construit à la manière d’un carnet de voyage ou plutôt d’un journal dans lequel Ernest Sémaphore consigne avec précision la manière dont il est parvenu à donner vie à une nouvelle espèce mécanique, Ici reposent tous les oiseaux fait office d’ovni dans le milieu de l’illustration. Avec pas mal d’humour marqué par les jeux de mots incessants, Anne-Fleur Drillon construit un monde décalé à souhait dans lequel nous pourrions trouver les déraisons propres à l’homme abandonné sur une île déserte, telle Robinson en son temps. Pour ne pas perdre la raison, son héro Ernest Sémaphore construira les espèces qui manquent à l’île, les oiseaux qui lui donneront la force de survivre et de nouveaux repères. Par le truchement de ce cahier de notes d’un scientifique un brin singulier l’auteure entend nous rappeler à l’observation du monde. Peut-être ne sommes-nous pas attentifs à ces repères naturels qui annoncent les changements à venir, ces bouleversements qui viennent percuter, sans que nous le voyions vraiment, notre société, trop occupée que nous sommes à essayer d’y survivre, ballotés à gauche et à droite. Le dessin d’Etienne Friess, sert son propos. En donnant forme aux espèces décrites par le savant fou il illustre la fragilité de notre monde qui n’est plus qu’un amas reconstitué de bric et de broc. Peut-être que notre nature sera un jour privé de ses repères structurants, peut-être aussi que tout cela est déjà en cours, mais rien ne nous empêchera d’oublier les doux bercements de notre enfance, ces roucoulements, glapissements, chuintements, pépiemenst, croassements, craquètements et autres hululements qui nous sont encore et heureusement familiers.

Drillon/Friess – Ici reposent tous les oiseaux – Editions Margot – 2013 – 19, 90 euros

 


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