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La BD du jour : La chambre de Lautréamont de Edith et Corcal

Les chants de Maldoror furent censurés en France à leur publication. Le livre se vendit sous le manteau et ce n’est pas son auteur, mort peu après, qui put porter et défendre cette œuvre singulière de la littérature. Alors lorsque la voix de l’auteur traverse les murs pour venir frapper les oreilles de Rimbaud, on se dit que la portée chimérique de cette œuvre trouve un écho dans le réel. Mais de quel réel s’agit-il ?

Paris 1871. Auguste Bretagne s’illustre comme feuilletoniste dans une gazette à fort tirage. Rien de bien stimulant a priori, la routine d’une plume calibrée et formatée mais qui possède l’avantage de nourrir son homme. Chose à ne pas négliger dans cette France à peine remise des mouvements politiques et militaires qui l’ont agitée quelques mois plus tôt. Devant ce manque de création et d’ambition manifeste le cercle zutiste qu’il fréquente ne manque pas de lui faire savoir. Bretagne reçoit ainsi très régulièrement des plis contenant des têtes de mort en cire et autres objets macabres. Car on ne plaisante pas avec l’Art, avec l’idée de l’Art, de la création dans tout ce qu’elle possède de risque et de dénuement pour leurs auteurs – souvent incompris – qui s’enivrent, dans une flambée romantique, d’excès et de délires assumés. Mais qu’importe, Bretagne reste toléré dans ce cercle restreint et là est l’essentiel. Il y croise Verlaine, Charles Cros, et le jeune Rimbaud qui n’hésite pas à flanquer de véritables roustes aux zaka zaka – entendez par ce terme des tenants de l’académisme… – qui viennent prêcher leur bonne parole conventionnelle dans le repère du cercle. Mais Baudelaire est passé par là avec ses idées et ses perversions à explorer… Rien ne sera peut-être plus comme avant. Adieu gloire, adieu les chaires promises aux meilleures plumes et vive la vie de bohème, les déambulations dans le Paris pré-fin de siècle des bars enfumés par les effluves de toute sorte dont celle, pourquoi pas, du peyolt, sorte de petit cactus aux effets hallucinogènes notoires, par les querelles aussi sur l’esthétique de l’art et cette envie qui germe dans les esprits de vivre dans l’instant – prémisses s’il en faut du décadentisme -, car la fin de siècle approche avec son lot de superstitions… Dans ce Paris très bien restitué par Edith et Corcal, les auteurs de cet album, nous verrons Bretagne s’amouracher de la jeune poétesse Emily. Il lui ouvrira les portes de sa chambre, celle-là même où un auteur ignoré, Isidore Ducasse plus connu sous le nom de comte de Lautréamont, a composé les sulfureux et sombres Chants de Maldoror… Le scénario qui gravite autour de Bretagne emprunte des tournures fantastiques. On y découvrira un chant oublié, rédigé sur un mur de la chambre et révélé par le feu, un piano qui répand des sons venus d’outre-tombe, des délires alimentés par nombre de  substances hallucinogènes, et bien d’autres choses encore. Un récit dense, qui aurait pu être un récit oublié, mi-fable, mi-autobiographie, d’un auteur méconnu ou inventé, qu’importe ! En tout cas un album qui tisse sa toile jusqu’à envelopper ses lecteurs…

Edith et Corcal – La Chambre de Lautréamont – Futuropolis – 2012 – 20 euros


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