La guerre n’est jamais propre mais pour certaines personnes elle l’est encore moins. Ivana le sait, elle qui eut à vivre au cœur du conflit yougoslave au début des années 90. Elle porte en elle des séquelles que seule la mémoire peut rendre visible. Cette mémoire sera ravivée pour la jeune femme 16 ans plus tard lorsque Radovan Karadzic, est arrêté. Le début d’une longue traversée vers la vérité trop longtemps cachée…
Lorsque la guerre éclate en Bosnie-Herzégovine, conséquence directe de l’embrasement de l’Ex-Yougoslavie, la communauté internationale découvre avec stupeur que l’homme est capable d’accomplir des actes d’une sauvagerie sans limite. La guerre « nouvelle », filmée en direct, photographiée par des centaines de reporters sur le terrain, offre à nos regards incrédules une véritable iconographie de l’horreur : snippers tirant à vue sur quiconque entre dans leur champs de tir, charniers à ciel ouverts, viols ou violences faites aux populations civiles, tortures d’une barbarie quasi-inconcevable sont monnaie courante. Loin de réfléchir aux conséquences à long terme, la bestialité enfermée en chaque homme, se répand telle une coulée de boue, emportant tout sur son passage et notamment les derniers espoirs d’une vie harmonieuse entre communautés, d’une liberté retrouvée, ou de désirs d’indépendance. Ivana a payé son tribu dans cette guerre. Des parents morts dès le début du conflit, touchés par un éclat d’obus alors qu’ils s’étaient portés volontaires pour défendre la ville avec leurs faibles moyens, laissèrent la jeune femme seule entre les mains d’une grand-mère affectueuse mais ne pouvant remplacer le vide créer. Mais les souffrances d’Ivana ne s’arrêtent pas là. Alors qu’elle part chercher de l’eau potable, elle est la cible d’un snipper isolé qui se délecte de tirer à vue sur les personnes traversant le pont enjambant la Miljacka, rivière qui traverse la ville. Elle échappe de peu aux tirs et décide qu’à l’avenir elle empruntera un chemin moins risqué. Pourtant sans le savoir elle se jettera dans les griffes du diable incarné par trois tchetniks (soldats serbes) qui la violeront sans aucun état d’âme. De ce viol naitra une fille qu’elle devra abandonner faute de moyens suffisants pour l’élever. L’arrestation de Karadzic lui donne la force d’essayer de retrouver celle à qui elle a donné la vie… Mais rien n’est vraiment simple car le temps efface les traces… Tito propose ici un scénario qui dépeint avec une grande sensibilité le drame de cette guerre. Il décrit les mécanismes de la peur, du remord, de la déstabilisation avec finesse sans jouer sur la corde de la dramaturgie à outrance. Son personnage principal lutte pour déjouer les pièges de ce conflit. Porté par un trait fin et sensible le dessinateur excelle dans la manière de retranscrire les émotions des personnages qui traversent son récit. Dessin sobre au service d’un témoignage comme il en existe des centaines, oubliés, cachés ou tout simplement enfouis dans les inconscients des victimes civiles décidemment trop nombreuses…
Tito – Le choix d’Ivana – Casterman – 2012 – 15 euros