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La BD du jour : Le Sentier Lumineux, Chroniques des violences politiques au Pérou de Cossio/Rossell & Villar

Les dix années comprises entre 1980 et 1990 au Pérou ont données lieux à un affrontement sans merci entre le Sentier Lumineux, émanation du Parti communiste péruvien dans sa branche maoïste, et l’armée et la police d’un état très vite débordé. Trois auteurs péruviens présentent les faits pour replacer le contexte et décortiquer pour nous les conséquences dramatiques sur les populations civiles. Un album documentaire excellemment ficelé.

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Couv SL

Le Sentier Lumineux, Chroniques des violences politiques au Pérou de Cossio/Rossell & Villar – L’agrume (2015)

Le Pérou possède un riche passé pré-colombien qui se lit dans la puissance affirmée d’un empire inca qui attise encore aujourd’hui la curiosité des historiens. Placés sous le joug de conquistadors assoiffés de richesses, l’empire devait se liquéfier peu à peu jusqu’à ce que José Gabriel Túpac Amaru vienne bouleverser un état espagnol puissamment installé sur son territoire. L’homme, métis espagnol-indien, devait lever dans les campagnes une armée de 50 000 hommes volontaires mais peu habitués au combat. La lutte livrée aux descendants des conquistadors s’acheva dans une véritable boucherie et Túpac Amaru fût écartelé en place publique en 1781. Malgré l’échec de la reconquête l’esprit de la révolte été pourtant né. Et Tupac Amaru devint le héros des oppressés. Un héros qui donna son nom bien plus tard à plusieurs écoles sendéristes. A proprement parlé le sentier lumineux s’est forgé au début des années 70 dans les allées de l’Université Nationale de San Cristóbal de Huamanga où enseigne, dans le département de philosophie, un certain Abimael Guzmán, futur Presidente des Sentiers Lumineux. L’homme possède un charisme certain et parvient à enrôler dans son mouvement de nombreux étudiants et hommes du peuple usés par une pauvreté galopante. Le Sentier conquiert ainsi patiemment plusieurs conseils étudiants de différentes facultés. L’idée d’un communisme « actif », qui s’oppose au parti officiel jugé trop tendre et pas assez revendicatif, progresse incontestablement au milieu des années 70. Il se renforce par la création de nombreuses écoles publiques dans la région d’Ayacucho, qui permettent d’endoctriner dès le plus jeune âge les futurs révolutionnaires. Au début des années 80 le Sentier Lumineux et ses cadres posent les prémisses de ce qui deviendra très vite la lutte armée. A deux jours des élections, le 17 mai 1980 des hommes envahissent le village de Chuschi et brûlent les urnes et les listes électorales. Le mouvement est en marche…
Si Le Sentier Lumineux, Chroniques des violences politiques au Pérou s’attache à décrire avec précision la période de dix années qui s’étend de 1980 à 1990 et qui correspond à l’activité principale du Sentier Lumineux, il le fait en plaçant les faits au cœur d’un récit qui ne prend pas partie mais tente avant tout de démontrer tout le gâchis humain engendré par la violence portée à son extrême. Jesus Cossio, aidé sur la première partie de l’ouvrage de Luis Rossell et d’Alfredo Villar, présente donc les faits principaux de cette lutte entre le Sentier et les forces policières et militaires d’un pays dépassé par les évènements sous la forme de chapitres construits comme des mini-récits à l’intérieur de la trame principale. Les hommes (grands leaders du parti ou politiques) ne sont ainsi pas spécialement mis en avant car il ne s’agissait pas pour les auteurs de dresser le portrait des acteurs de ce conflit mais bien d’en faire ressortir les conséquences sur les populations pauvres notamment celles de la région d’Ayacucho. Le bilan de la lutte armée entre le Sentier et le gouvernement péruvien fait état de plus de 70 000 morts dont les trois-quarts sont issus de la population indienne et paysanne. Les auteurs, tout en exposant les atrocités perpétrées par les deux camps placent donc la population civile au cœur du récit. Les victimes étaient souvent des personnes sans armes, des enfants, des femmes, parfois âgées qui vécurent la présence du Sentier comme une menace permanente contre leur communauté. Les drames engendrés par la peur et la paranoïa collective, par la faim aussi qui se faisait prégnante lors des Retirada (fuite des populations dans les montagnes ou des lieux protégés) montrent qu’il était bien souvent difficile de vivre normalement durant ces dix années. Au final si la Commission Vérité et Réconciliation, dont le but premier était de dresser le bilan des exactions commises par les deux camps, affirme que 54% des crimes émanaient du Sentier contre 46 % des forces militaires et policières du pays, la portée du message de Jesus Cossio, de Luis Rossell et d’Alfredo Villar et bien ailleurs, dans cette volonté de non pas donner crédit à la version officielle, mais de se rapprocher encore plus de la vérité de terrain, qui même crue et dure à replacer au cœur du débat, pourrait enfin permettre aux populations les plus pauvres et les plus touchées d’accomplir le deuil d’une époque encore trop présente dans les esprits…

Cossio/Rossell & Villar – Le Sentier Lumineux, Chroniques des violences politiques au Pérou – L’agrume – 2015 – 22 euros


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