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La BD du jour : Mattéo, cinquième époque de Jean-Pierre Gibrat (Futuropolis)



Le conflit espagnol reste l’un des plus documentés. Les études historiques, les reportages ou photographies n’ont cessé de paraître notamment depuis la mort de Franco. Pour autant, les zones d’ombres restent immenses. Gibrat parcourt un pays désolé avec ses héros dans un récit choc.

Il n’avait pas été difficile de s’engager dans le conflit espagnol pour Mattéo qui avait déjà connu les tranchées quelques années plus tôt. Mais dans la Catalogne aride de cette seconde moitié d’année 1936 se jouait une tragédie toute autre symbolisant le mal être européen qui allait conduire le monde vers le second conflit mondial. La guerre d’Espagne est d’abord une guerre sociale. Dans un pays tirant ses ressources de la terre, la société des années 30 s’apparente plus à un système féodal entretenu par de riches propriétaires terriens qu’à une Espagne solidaire et juste souhaitée, et gagnée dans les urnes par Manuel Azaña et le front populaire.

Le conflit éclate très vite, cinq petits mois après l’annonce des résultats. Si le mutisme des grandes nations à défendre la liberté et l’espoir fait froid dans le dos, de nombreuses voix vont s’élever contre cette guerre et de nombreux soldats improvisés, hommes ou femmes, vont venir prêter main forte aux armées sous-équipées de la République. Mattéo, Robert et Amélie, les trois amis en cavale seront de ceux-là. Dans le premier tome de ce diptyque espagnol, Gibrat avait axé une partie de son récit dans cette confrontation entre son héros et un vieil homme tenant de l’ancien régime. Nous regardions le même paysage sans y voir la même Espagne. Cette phrase placée en fin d’album résume à elle seule toute la société espagnole des années 30. Une société qui souffre depuis longtemps d’une misère sans précédent et qui ne trouve pas les moyens de réunir les hommes entre eux autour d’un projet commun.

Le second volet de ce cycle espagnol débute par un échange de prisonniers. Amélie d’un côté, aux mains de la Phalange, le curé d’Alcetria de l’autre, tombé dans l’escarcelle de Mattéo et de ses hommes. Tout ne se passera pas comme prévu. Si les combats proprement dits n’occupent pas les pages de ce volet, Gibrat creuse en revanche les relations entre les personnages. Cette relation entre Mattéo et le vieil homme ou encore celle entre les deux femmes de ce récit. Car derrière les chiffres et les batailles, il y a des morts et des vivants ballotés, fuyants une Espagne qu’ils ne reverront jamais. Un travail remarquable.

A noter que vous pouvez lire notre chronique du Tome 4 de Mattéo ici.

Jean-Pierre Gibrat – Mattéo cinquième époque – Futuropolis – 2019