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La Case du mardi : Mattéo T4 de Jean-Pierre Gibrat (Futuropolis)

Nouveau rendez-vous de la rentrée, La case du mardi propose de parcourir une oeuvre à partir d’une case ou d’une planche qui résume un des points essentiels développés dans un récit. Un moyen de découvrir une oeuvre différemment en s’attachant parfois à  des détails qui en disent beaucoup…

Mattéo aura été de tous les combats. Celui des tranchées dans la boue et dans la peur lors de la boucherie de la Grande guerre et celui des révolutions dans une Europe qui n’a jamais autant manifesté sa soif de liberté. Pour le quatrième opus de sa série, le dessinateur et auteur Jean-Pierre Gibrat mène ses héros sur les chemins d’une guerre ô combien tragique, celle qui devait mettre aux prises les Républicains espagnols, tenants et défenseurs de la liberté conquise par le élections de février 1936, aux franquistes, rebelles, contestataires envers un régime, celui de la seconde république, qui devait transformer en profondeur une société ancrée dans le passé.

La Seconde République tiendra tant qu’elle pourra, mais, faute d’armes en nombre suffisant et de soutiens logistiques efficaces, au contraire du camp franquiste appuyé par l’Italie de Mussolini et le IIIème Reich d’un certain Hitler, devait céder trois ans plus tard. La non-intervention de la France et de l’Angleterre, qui choisirent la politique de l’autruche, refusant de venir en aide à une République légitime, expliquent en grande partie les raisons de la défaite du gouvernement mis en place par le président Manuel Azaña. Pour autant la portée symbolique de ce conflit devait agiter la sphère intellectuelle de gauche de l’époque et des arrivées massives de soldats venus de tous les horizons allaient permettre la formation des brigades internationales, qui, même si ses membres n’étaient pas « rodés » aux combats, apportaient un espoir nouveau pour des soldats espagnols divisés entre eux et fatigués par les premiers combats.

Dans le quatrième tome de sa série Mattéo, Jean-Pierre Gibrat donne à voir l’engagement de son héros et des amis qui l’accompagnent, Robert et Amélie, dans ce conflit tragique. Le dessinateur y développe en substance les difficultés d’organisation du camp républicain, le rôle de l’église en soutien aux forces rebelles de Franco, la soif de liberté, de justice, et d’espoir d’un monde meilleur de la part d’un peuple qui a longtemps souffert d’un ordre organisé pour le bien de riches propriétaires terriens et des classes aisées d’un pays quasi-féodal.

La case que l’on peut voir ici prend place en fin d’album. Il s’agit d’une case-planche, qui dit énormément en une simple image et en une phrase : « Nous y regardions le même paysage sans y voir la même Espagne. ». Explications : Mattéo, et des hommes de sa brigade viennent de réquisitionner la propriété d’un riche industriel après avoir libéré le village d’Alcetria de l’emprise des phalangistes et d’un curé plutôt habille de la gâchette. La planche dessinée par Jean-Pierre Gibrat résume à elle seule tout le conflit espagnol. En bas le riche industriel représente cette Espagne d’avant la République, une Espagne qui profite à quelques-uns, enfermés dans une histoire séculaire qui se répète infiniment. Une Espagne engluée dans ses principes, à l’instar de la terrasse fermée sur laquelle le riche homme a pris place qui ne permet de percevoir qu’une partie du paysage. En haut, à l’étage supérieur, Mattéo observe lui-aussi les terres au loin. Sa terrasse ouverte le laisse libre d’observer l’horizon dans toute sa dimension. Les deux hommes portent leur regard dans la même direction mais perçoivent deux Espagne bien différentes. D’un côté l’espoir d’un monde qui fait de la liberté sa valeur fondatrice, de l’autre le maintien de main de fer d’un ordre passéiste. D’un côté le passé figé dans ses principes, de l’autre un futur plus respectueux des droits de chacun qu’il s’agisse des travailleurs ou des femmes. Une simple image pour un conflit. Merci Gibrat !

Jean-Pierre Gibrat – Mattéo tome 4 – Futuropolis – 2017


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