Quand le mystère des templiers se trouve lié à un récit contemporain c’est toute une saveur qui exhale ses parfums les plus captivants. Un récit de Daniel Hulet, parfois considéré comme le Bilal belge, qui se relit avec un plaisir réel…
Daniel Hulet fut, durant toute sa carrière un auteur aux univers foisonnants doté d’une intelligence et d’une érudition rares. Trop tôt disparu en septembre dernier, il laisse une bibliographie de premier plan dont Extra Muros qui dénote de son intérêt pour le mélange des périodes et des genres. Des périodes puisque le Moyen-âge incarné par les moines-soldats templiers côtoie notre époque ; des genres car sur le récit historique se greffe un déroulé contemporain mêlant lui-même aventures, intrigues et magie noire. Passé au shaker de Daniel Hulet cela donne un récit détonnant dans lequel la richesse du propos et des rebondissements se trouve accentuée par un dessin qui soutien et prolonge l’intrigue.
A l’aube du XIIIème siècle un groupe de templiers se voit bailler des terres sur lesquelles il va élever une commanderie. L’endroit offert par le seigneur local n’est pas anodin, tout du moins il ne l’est pas entièrement, car sur ces contrées règne le malin. Symbolisée par le Calvaire des anges chus, la Griffe du diable, lopin de terres inhospitalières couvent un secret qu’il n’est pas forcément bon de redécouvrir.
De nos jours un village existe encore sur ces terres. Il a conservé les traces des siècles passés. Les ruines de la commanderie s’élèvent encore dans la forêt qui jouxte la bourgade et deviennent, pour quelques amateurs de Jeux de Rôles grandeur nature, un terrain propice à l’assouvissement de leur passion de reconstitution théâtrale improvisée. En se rendant au village pour se rafraîchir, ils vont croiser un étrange personnage, ivrogne notoire détenteur d’un secret. Celui de ces terres… Des terres qui intéressent aujourd’hui les promoteurs. Car la richesse du terroir mêlée à celui d’un passé encore préservé donne des idées saugrenues à ceux qui ne jurent que par la couleur de l’argent. Maquettes, projets délirants et argent réussissent apparemment à convaincre un maire véreux du bien fondé de la dénaturation du territoire qu’il administre. Mais ces promoteurs avides d’argent ne cachent-ils pas d’autres desseins ?
En mêlant les intrigues, Daniel Hulet réussit à bâtir un scénario troublant qui joue sur les rythmes tantôt lents et pesants, tantôt vifs et inattendus. Les templiers et leur secret inavouable sont au cœur de l’intrigue qui s’alimente de peur et de magie noire. Extra Muros symbolise ce monde hors les murs, celui sur lequel des rites ancestraux, un désir de puissance et de pouvoir se lient pour offrir un récit qui nous transporte véritablement. Le dessin de facture classique dans son découpage se teinte de modernisme dans les enchaînements et dans les mises en avant des sections (voir notamment La chute des anges rebelles T2).
Les trois tomes de ce cycle ouvert en 2003 chez Casterman ont donné lieu à une réédition sous coffret luxueux en 2005 accompagné d’un enregistrement sonore d’Empusae (Nicolas Van Meinhaeghe). Essentiel !
Daniel Hulet – Extra Muros (3 tomes sous coffret + un CD musical) – Casterman – 2005 – 34,40 euros (prix de lancement)