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La Vision de la guerre en BD (11ème volet) : Le fil de l’histoire (1)



Récits de guerres à travers les âges. Ce WE nous vous proposons de parcourir une des thématiques phares du neuvième art, la guerre et au-delà ses conséquences, ses drames et tragédies, le tout de front ou via le prisme de la petite histoire. Des récits documentés ou fictionnels, qui tirent des tensions d’une époque les leçons pour avancer en nous questionnant sur le fameux «  Et maintenant ? » Quel sera l’avenir de l’homme poussé dans les méandres de sa barbarie ? Pour ce premier volet nous partirons de la Guerre Antique avec le second volet de Troie sur un scénario de Nicolas Jarry, puis nous remonterons le cours de l’histoire pour naviguer entre moyen-âge et époque moderne avec une sélection d’aventures tirées de Two Fisted Tales. Nous finirons ensuite ce premier volet par la suite de La Bataille, l’adaptation du roman de Patrick Rambaud par Gil et Richaud…

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troieEn Egypte le prince Mériamon, fils du Pharaon Ramses III, apprend le maniement des armes. Trois soldats aguerris lui font face et le mettent à mal. De loin le souverain de ce riche royaume observe. Il est impossible de vaincre trois hommes à la fois en combat régulier, le pharaon le sait et toute sa technique, apprise de son maitre d’armes, consiste à vaincre les adversaires les uns après les autres en se servant, dans le combat rapproché, des corps de ses ennemis comme autant de boucliers. Le pharaon mettra en pratique cette théorie qui se révèle particulièrement redoutable. Peu après un messager de l’empire Hittite vient livrer un message au souverain égyptien. Il émane du Roi Suppiluliuma et évoque ce mal étrange qui touche l’Orient dans son ensemble, un mal qui prend la forme, d’une nuée noire qui répand la mort sur son passage sans que l’on puisse s’y opposer. Achille quant à lui prend la mer à destination de la Crète à la recherche du Talos. Il découvre alors avec ses compagnons d’aventure, dont le centaure Chiron, que l’île semble à l’agonie depuis que Minos est revenu des enfers. Hélène quant à elle doit se résoudre contre sa volonté à épouser Ménélas, le frère du roi Agamemnon, qui se révèle être plus qu’un goujat un véritable être habité de haine et du goût du sang qu’il repend tout autour de lui…

Le second volet de cette série initiée par Jarry laisse se mettre en place les grandes forces en présence sur la mer Egée et sur les bordures septentrionales de la Mer Méditerranée. Chacun avance ses pièces en usant au maximum de prophylaxie à l’instar du joueur d’échecs qui sait que la bataille repose non pas sur un engagement désorganisé des forces mais bel et bien sur un plan stratégique savamment pensé. Les tensions sont palpables aiguisées par les luttes d’influences et ce conflit des Dieux dont Cronos, fils d’Ouranos et de Gaïa, chassé de l’Olympe par Zeus, reste l’instigateur en causant bien des dégâts collatéraux qui auront un impact direct sur la géopolitique de cette région devenue une véritable poudrière… Le scénario dense demande une attention particulière pour saisir tous les enjeux, il est sublimé par un dessin à la force évocatrice réelle de Campanella Ardisha qui laisse flotter une ambiance de succulent péplum. A dévorer en attendant la suite pour être tout à fait rassasié !   

Jarry/ Campanella Ardisha – Troie tome 2 – Soleil – 2013 – 13,95 euros

Lire la chronique du premier volet ici 

  

two fistedAprès Frontline Combat publié par Akileos en 2011, l’éditeur bordelais revient avec un nouveau recueil d’histoires compilées par Harvey Kurtzmann au début des années 50 pour le compte de la maison indépendante EC Comic, Two-Fisted tales. Le principe est toujours le même, proposer des récits brefs (5 à 8 pages) autour de la thématique forte de la guerre. Si à l’origine les récits se voulaient embrasser tout le prisme de l’histoire américaine (conquête de l’ouest, guerre de sécession, puis la première et seconde guerre mondiale) on note un renouveau des thématiques avec l’entrée des Etats-Unis dans la douloureuse guerre de Corée. Même si la plupart des récits mettent en avant l’héroïsme du soldat américain face à l’adversité,  il est à noter qu’aucun ne se limite uniquement à ce cordeau un peu gros. Bien au contraire, chaque historiette présente les atrocités du conflit qu’il met en image, et c’est peut-être pour cette raison que, soixante ans après, ces récits restent plaisants à lire.

Et parfois noyés au milieu des récits « coréens » on retrouve de véritables pépites dédiées à un conflit, une guerre ou un évènement moins étudiés et donc relativement frais pour aiguiser notre curiosité. Ainsi et dans le désordre, ce premier recueil qui reprend des histoires écrites et dessinées entre fin 1950 et début 1952, aborde notamment l’Empire romain d’Afrique et sa décadence lente mais certaines, la victoire anglaise d’Azincourt sur des français trop sûr d’eux, des histoires maritimes aussi, dont un récit de corsaires à Barataria avec l’ombre planante d’un certain Laffite que n’aurait pas dénigré j’en suis sûr Franck Bonnet ou encore ce récit qui prend place durant les guerres d’indépendance ûr Franck Bonnet ou encore ce récit qui prend place durant les guerres d’indépendance américaines où le soldat anglais fier la tête haute connait aussi des déboires.

Two-Fisted Tales possède un attrait réel par ces chutes qui même répétitives montrent que la guerre et le sang que l’on sème peut aussi se retourner contre nous comme dans le récit d’ouverture dans lequel des conquistadors espagnols, sûrs de leur mainmise sur une cité forcément païenne à leurs yeux, se voient trucidés jusqu’au dernier… Un recueil plutôt agréable à lire !

Collectif – Two-Fisted Tales – Akiléos – 2012 – 27 euros

Lire la chronique de Frontline Combat ici

  

bataillePeut-être plus que n’importe quel souverain par le passé, Napoléon a cru en la force de ses armées au point de les sacrifier aux quatre coins de l’Europe. Les récits poignants de guerres ne manquent pas dans les annales et la fièvre qui secoua l’Europe entre les années 1799 – date à laquelle le lieutenant corse prend, par un coup d’état devenu célèbre, les rênes du pouvoir – et la débâcle de Waterloo quelques 16 ans plus tard, devait aussi sonner le vent de la tragédie pour une nation qui venait tout juste d’adhérer à l’esprit de liberté hérité de la Révolution. Une révolution dont les effets se faisaient sentir jusque dans les campagnes où le châtelain, petit nobliau sans envergure, se trouva bien souvent entre les mains vengeresses de paysans fortifiés par la disparition des privilèges.

Napoléon symbolisa donc un idéal, celui d’une nation libre, capable d’imposer sa vision sur le reste de l’Europe. Les victoires conquises de haute volée sont légions, telles Austerlitz en 1805, un an jour pour jour après le couronnement impérial de Bonaparte, d’Iéna, qui permettait à l’Empire de mettre à mal des Prussiens persuadés de disposer de la meilleure armée… mais peut-être pas des meilleurs stratèges, de Friedland en 1807 et enfin de Wagram en 1809. La bataille d’Essling, qui sert de trame au récit La Bataille de Rambaud et qui lui vaudra le prix Goncourt, montre pour la première fois l’armée française mise à mal par l’ennemi. D’un point de vue historique, difficile de dire qui sorti vainqueur de cet épisode sanglant mais dans l’esprit des nations européennes, cet épisode devait signifier que Napoléon pouvait ne plus se montrer aussi souverain sur le champ de bataille que par le passé. D’un point de vue psychologique, aussi bien pour l’ennemi que pour les rangs français, un renversement venait peut-être de s’opérer…

Dans ce deuxième volet de ce triptyque, Rambaud, Richaud et Gil abordent le conflit de front. Les combats font maintenant rages et si les plus chanceux s’en tirent avec quelques coupures dans les joutes rapprochées, d’autres ont moins de chances… Le service médical tourne à plein régime et les amputations se succèdent pour éviter que le mal ne se répande. Les beaux uniformes des premiers jours s’étiolent et deviennent des rebus de tissus froissés qui dénotent de la violence des combats. Dans ce magma humain, cette désorganisation, cette résistance de l’ennemi, le colonel Lejeune navigue entre les fronts se faisant informateur pour un empereur qui garde pourtant des décisions tranchées sur le devenir d’une bataille qui semble lui échapper malgré son haut sens de la stratégie. Le plus dur reste peut-être à venir. Le récit se poursuit en chapitres avec la même densité mais ce second volet vaut surtout pour le dessin de Gil qui excelle dans la retranscription des scènes de batailles d’un réalisme saisissant. Un album marquent dont nous attendons bien entendu le dénouement !

Rambaud, Richaud et Gil – La bataille T2 – Dupuis – 2013 – 15,50 euros

Lire la chronique du premier volet ici.