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Les sombres heures du fascisme italien au travers des balillas…

Angoulême reste un formidable moyen de rencontrer en peu de temps tout un lot d’auteurs de BD, qu’ils soient scénaristes ou dessinateurs, et donc de pouvoir aborder avec eux leurs travaux récents et à venir. Un moyen pour nous de vous proposer quelques news, beaucoup de fraîcheur dans les réponses spontanées des auteurs qui se livrent sans arrière-pensées. Bref un moment privilégié pour parler 9ème art et parfois bien plus que cela… Aujourd’hui nous vous proposons une chronique qui lève un voile sur la période sensible de la dictature italienne de Mussolini, au travers des balillas, cellule d’enrôlement massif des jeunes garçons…

 

L’album s’ouvre sur une scène d’un quotidien sans relief comme il peut en exister tant d’autres dans l’Italie de la fin du XXème siècle. Un homme d’un certain âge, qui se nomme Ignazio, vivant avec sa mère de 102 ans lui annonce qu’il va se marier avec Eugénia sa bien-aimée. Son de cloche et félicitations en vue, si ce n’est que nos deux tourtereaux repoussent cette cérémonie depuis près de quarante ans car celle-ci ne convient pas à la vieille mère aigrie. Lui, ancien médecin, devenu colombophile, entendez par là qu’il élève des pigeons, va pourtant susciter l’intérêt d’un journal local. Au début le jeune reporter en herbe doit réaliser une interview du colombophile pour évoquer une pratique qui se perd. Une fois arrivé sur place, il va pourtant découvrir quelque chose de bien plus intéressant et digne d’intérêt pour un jeune journaliste : Ignazio, ancien médecin légiste possède chez lui un moulage du corps de Mussolini. Un mystère bien épais que le reporter va essayer d’élucider ce qui permettra de revenir sur les années sombres du fascisme italien durant lesquelles le dictateur menait son pays d’une main de fer et se faisait fort de pratiquer un endoctrinement massif à l’attention des jeunes garçons enrôlés très tôt dans les balillas, mouvements de jeunesse fascistes…

Nathalie Baillot dont cet album représente le premier essai purement BD arrive à nous happer par une histoire simple en surface qui recèle bien des portées symboliques et des réflexions à mener. Une des questions qui se pose en substance dans Balilla, les enfants du Duce est celle de la manipulation. Manipulation historique, qui agit sur le sens de notre devenir et en altère sa compréhension future, manipulation de la presse, qui décide de révéler ou pas des faits susceptibles de modifier notre vision sur un sujet majeur de société, manipulation des hommes, dans Balilla celle d’un dictateur qui se veut inculquer le culte de l’image avec le souhait d’imposer une nation forte, car soudée, autour d’une jeunesse manipulée dès le plus jeune âge, biberonnée pour aller dans le sens de desseins sombres qui prône la nécessaire domination et l’asservissement des hommes et au-delà des peuples. Nathalie Baillot offre donc, même s’il ne s’agit pas de son intention première, un regard sur l’histoire. Elle analyse, en se plongeant dans l’intimité d’un homme, le processus d’enrôlement et ses conséquences à court, moyen et long terme. Le récit qui se veut décalé par ce souhait de mêler Histoire et fiction(s), ouvre en nous des questions essentielles telles le devoir de mémoire, la force de l’histoire, science mouvante qui expose des faits et en tire des interprétations non pas fermées sur elles-mêmes mais sujettes à des éclaircissements au regard des sources nouvelles qui lui parviennent, du temps qui rattrape souvent l’oubli ou ce qui se cache dans l’ombre, la responsabilité collective et individuelle qui nous préoccupe tous et enfin l’appréhension de cette donnée fragile que représente la vérité. Est-elle ce que l’on voit ou bien ce que l’on essaye de nous faire voir ? Vaste sujet donc, traité admirablement par un dessin qui sert son propos et lui donne toute sa sève. Passionnant !

Nathalie Baillot – Balilla, les enfants du Duce – Des ronds dans l’O – 2013 – 19,50 euros

Interview de Nathalie Baillot

 


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