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Quand la BD se veut friponne (5ème partie) : la collection Erotix de Delcourt

L’érotisme en BD a longtemps souffert d’une mauvaise image de marque. Les éditeurs spécialisés peinent à trouver leur public. Une des principales raisons est à trouver dans des projets qui manquent parfois (voire souvent) d’originalité pour brasser un plus large public. La collection Erotix de Delcourt déjoue avec brio ces pièges en privilégiant les rééditions ou éditions d’auteurs devenus des classiques du genre comme Crepax ou Frollo et en nous surprenant parfois avec des titres qui relèvent un tantinet le niveau entraperçu ailleurs. Des textes riches en symboles, des dessins qui ne virent jamais au vulgaire pur mais se nourrissent de métaphores ou d’un onirisme salvateurs, telle pourrait se définir la recette de cette collection qui a un bel avenir devant elle…
Trois références parues sur le premier semestre 2013 méritent d’être présentées ici, Fantasmes de Stefano Mazzotti, qui propose des histoires courtes ou l’humour et la dérision sont parfois moteurs, Les infortunes de Madame de Beaufleur de Giovanni Venturi où l’érotisme se glisse dans un récit de cape et d’épée, et enfin le très poétique La fleur amoureuse de Cadelo qui mêle l’érotisme à une fable végétale des plus inspirée… Retour sur une collection à suivre !

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fantasmes_1_les_copines_de_classe_couvertureLes fantasmes trouvent toujours leur raison d’être dans cette envie de pimenter un quotidien qui pourrait se lisser avec le temps. En exacerbant nos polissonnes pensées nous arrivons ainsi à défier le présent, à le dompter pour qu’il n’ait plus de prise sur nous – ou si peu – et qu’il éclaircisse un tant soit peu notre futur.

Il est bien connu que personne n’aime vraiment aller chez le dentiste. L’idée de la roulette, même maniée avec dextérité, ne peut en rien se définir comme un bon moment à passer. Le bruit strident de l’instrument travaillant nos dents avec vigueur ne participe pas à nous réconcilier avec la pratique. Alors, lorsque le rédacteur en chef d’un journal à scandales découvre qu’un cabinet dentaire ne désemplit pas malgré les tarifs exorbitants qu’il pratique, il se décide à envoyer l’un de ses meilleurs journalistes, entendons par là celui dont les dents méritent à n’en pas douter un beau ravalement de façade. Chico, c’est le nom de l’heureux élu pour cette mission, s’exécute donc non sans que ses dents n’en grincent d’avance… Et pour cause, lorsque le journaliste s’assied sur la chaise de torture, une certaine paralysie de la face vient le frapper lui empêchant d’ouvrir la bouche… Le praticien, au fort accent allemand – ce qui n’arrange rien dans la situation présente – ne semble pas pour le moins désarçonné et sort son joker royal, son assistante, qui va réussir à revivifier notre patient de fortune et le décontracter dans ce dur moment à passer. En un tour de main la belle rousse dégrafe sa blouse pour laisser apparaître une formidable poitrine proéminente qui réveille notre malheureux malade. La belle ne s’arrête pas en si bon chemin, elle fait ensuite glisser le long de ses jambes sa culotte en dentelles et se penche sur le patient à qui le dentiste prodigue avec facilité les premiers soins. Notre belle poursuit alors sa tâche avec ferveur en faisant glisser le pantalon du journaliste qui révèle un dard particulièrement en phase avec la situation. La suite nous la devinons sans peine…  De retour au journal Chico présentera sa note de frais au rédacteur en chef mais ne sortira pas d’article, refusant de faire le buzz sur ce cabinet dentaire d’un mode nouveau dans lequel il semble décidé à poursuivre les soins…

La première nouvelle proposée par Stefano Mazzotti pose d’entrée le cadre. Les fantasmes se forgent particulièrement bien dans les lieux qui nous font peur ou dans lesquels nous n’aimons pas nous rendre. Peut-être que notre imaginaire se trouve stimulé pour mieux nous faire passer la pilule à venir. Le dessinateur italien enchaine les contextes avec souvent pas mal de surprises. Là le coup de l’homme pris dans l’ascenseur par deux belles plantes, là encore des fantasmes de galipettes au bureau avec des collègues ou des rapprochements soudains dans le compartiment d’un train. Des histoires sont parfois tragiques comme Sexyphone où une ménagère qui pratique le téléphone rose se trouve tuée par son flic de mari qui, revenu chez lui à l’improviste, la surprend à gémir en la croyant dans les bras d’un autre lorsqu’il entre arme en main dans la chambre conjugale. Néanmoins les histoires gardent une ligne directrice qui fait mouche, explorer certains fantasmes en réservant des chutes parfois surprenantes. Seul bémol, des couleurs un peu décalées ou fades qui masquent parfois un dessin talentueux et expressif et qui nous fait dire que le noir et blanc aurait peut-être été à privilégier…

Stefano Mazzotti – Fantasmes – Delcourt – 2013 – 17,95 euros

  

les_infortunes_de_madame_de_beaufleur_couvertureEn plein cœur du XVIème siècle il est difficile pour une fille de petite condition d’accéder à un sort moins austère. L’ascension sociale n’est pas de mise dans ce monde où les courbettes nobles font leurs effets à la cour. Mme de Beaufleur s’affiche comme le contre-exemple parfait de cette rigide règle. Elle le doit à son physique chavirant, à sa capacité à se fondre dans un milieu qui lui est inconnu et à manipuler un tant soit peu les hommes pour arriver à ses fins. De petite condition donc son nom deviendra l’un des plus prononcé à la cour du roi… Lorsque débute notre histoire la jeune femme est pourtant dans des beaux draps au propre comme au figuré. Au figuré car un médecin l’accuse d’avoir assassiné son père et son époux un riche noble hautement estimé, au propre car dans le lit conjugal elle console bien vite son veuvage récent en facilitant l’accès à l’ensemble de ses orifices à un certain Sir James Hastington, le neveu de l’ambassadeur d’Angleterre en France. Le cadre est posé. Recherchée pour ce crime dont elle ne peut vraiment se défendre, la jeune femme se verra déambuler à gauche et à droite, protégée par tel ou tel ami compatissant. Elle sera ainsi tout d’abord accueillie dans la maison de l’ambassadeur d’Angleterre, un homme charmant qui a hélas perdu ses attributs lors d’un combat et qui se console en reluquant ses hôtes féminines se faire prendre dans tous les sens derrière un miroir sans tain. Alors que les mousquetaires chargés de la retrouver démasquent sa cache, elle partira vers le sud avec le garde du corps de l’ambassadeur. Mme de Beaufleur n’est pas au bout de ses surprises…

Avec cette histoire érotique placée dans un cadre de cape et d’épée Giovanni Venturi arrive à nous captiver d’entrée. Le contexte de la riche héritière confondue comme empoisonneuse n’est pas un fait nouveau dans l’histoire de France. Ici l’auteur italien en tire des éléments qui nourrissent son histoire avec en toile de fond la description de l’univers des courtisanes de la cour. Le dessin plutôt efficace et séduisant parvient à crédibiliser l’ensemble notamment dans la description des lieux ou villes traversées dont les monuments sont richement dépeints. Mme de Beaufleur elle respire la jeunesse à pleine dents. Ses envies de sexe n’ sont en rien rassasiées par ses nombreux partenaires qui se félicitent tous des ardeurs de la belle et de sa capacité à prolonger le plaisir. Un album plutôt agréable à découvrir !

Giovanni Venturi – Les infortunes de Madame de Beaufleur – Delcourt – 2013 – 13,95 euros

 

la_fleur_amoureuse_couvertureMélanie n’a que 16 ans lorsque son père, jardinier de son office dans une grande demeure bourgeoise, lui offre la graine d’une plante afin que celle-ci l’accompagne toute sa vie durant. Symbole de maturité la fleur deviendra aussi un compagnon à part entière, capable de percevoir ce qui se passe, d’entendre les voix et de ressentir des émotions. La plante se développera avec le temps. Un jour où Mélanie fait l’amour dans sa chambre avec un jeune homme elle semblera s’animer comme si la pulsion et les parfums de sexes mêlés avaient déclenchés en elle quelque chose de troublant et d’assurément étrange. Le pot qui retient ses racines tombera sur le sol en se fracassant. Quelques temps plus tard alors que Mélanie dort la plante, parvenue à sa taille adulte, sera prise d’une pulsion inexplicable envers la jeune femme au point de l’enivrer de ses parfums et de la pousser à vivre avec elle des ébats amoureux. Au petit matin alors qu’elle gît nue sur le sol de sa chambre la jeune femme prend conscience de ce qui vient de se passer. La peur occasionnée par cette perte passagère de contrôle poussera Mélanie à se séparer définitivement de la plante qui trouvera refuge sur le balcon de la chambre de la maitresse des lieux. Dans ce nouvel univers la plante poursuivra son apprentissage des sens et de l’amour. De son côté Mélanie entrera dans une période difficile comme si quelque chose lui manquait…

Véritable fable florale La fleur amoureuse éditée en 1990 chez Albin Michel trouve aujourd’hui une nouvelle lumière dans la collection Erotix de Delcourt. Silvio Cadelo livre avec cet album un récit étrange qui peut se lire de plusieurs manières, par l’image et les dialogues entre les personnages, par l’image et la voix off (la plante, narratrice), voire par la seule image qui dégage comme le texte une pincée d’onirisme mêlé de poésie. Le parallèle entre la fragilité des êtres face à l’amour trouve son point d’expression ultime dans les dernières pages et à vrai dire l’album repose sur ce final haletant qui peut décontenancer. Le récit pose aussi le thème du regard à l’autre, cette idée d’échange, ici illustrée par les sens, l’amour et le sexe. Une excellente découverte !

Cadelo – La fleur amoureuse – Delcourt – 2013 – 13,95 euros


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