Les œuvres dystopiques qui s’inspirent de l’eugénisme sont légion. Huxley, Orwell, Barjavel pour la littérature. Lucas, Fleischer, (et même !) Michael Bay pour le cinéma. Mais d’ailleurs, quid de l’eugénisme ? Pour citer le Conseil d’Etat (chassez la juriste, elle revient au galop), « L’eugénisme est l’ensemble des méthodes et pratiques visant à améliorer le patrimoine génétique de l’espèce humaine. Il peut être le fruit d’une politique délibérément menée par un État. Il peut aussi être le résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de « l’enfant parfait », ou du moins indemne de nombreuses affections graves. » Vaste programme ! Si elle est un peu longue, cette définition a toutefois le mérite d’être claire. Mais pour ceux qui préfèrent les images aux mots, voici deux films reprenant ce thème.
Bienvenue à Gattaca
Dans une société du futur hautement technologique, l’eugénisme est le maître mot. Il est en effet possible de choisir le génotype de ses enfants à naître. Comment ? En triant et sélectionnant les gamètes des parents afin de concevoir des enfants ayant le plus d’avantages et le moins de défauts possibles.
Les parents de Vincent Freeman ont fait le choix de concevoir leur enfant « naturellement », c’est à dire sans avoir recours à cette technologie, laissant la nature et le hasard faire son oeuvre. Un test génétique révèle dès la naissance de Vincent que celui-ci – en plus de son capital génétique imparfait dû à sa conception naturelle – aura une espérance de vie limitée. Devenu adulte, Vincent se retrouve cantonné à des emplois subalternes. Les entreprises et employeurs ayant pour habitude de sélectionner leurs employés au moyen de tests ADN, son handicap génétique ne lui permet pas d’accéder à ce à quoi il aspire. Jusqu’à ce qu’il tente de déjouer le système…
L’homme est à la recherche constante de la perfection. Ici, cela passe par la manipulation génétique qui – d’une façon moins prononcée que dans Le Meilleur des Mondes de Huxley – engendre un système de castes où les plus « capables » (selon les tests ADN) sont destinés aux fonctions les plus hautes, tandis que ceux disposant d’un patrimoine génétique « imparfait » sont relégués au second plan. Autrement dit, une « race » à l’ADN supérieure en domine une autre. Cela ne vous rappelle rien ? C’est en tout cas tout ce qui fait la force de ce film qui, bien qu’ayant un scénario éloigné de la question, nous renvoie aux heures les plus sombres de notre Histoire. Sans aller jusque là, Bienvenue à Gattaca – sous ses allures de thriller d’anticipation (pas si éloigné de la réalité actuelle cela dit) – semble n’être au fond que le reflet de notre société moderne. Une société où la compétitivité est le mot d’ordre. Et qui pratique le racisme sous toutes ses formes.
Bienvenue à Gattaca, réalisé par Andrew Niccol. Avec Ethan Hawke, Jude Law, Uma Thurman, Alan Arkin, … (Sorti en France le 29 avril 1998)
Equilibrium
2070. Le monde a été victime d’un holocauste nucléaire, annihilant une grande partie de la population. Dans la citadelle de Libria, les survivants ont cherché un remède à l’inhumanité ayant mené le monde à sa déchéance. Certains ont alors pensé que ce qui a poussé l’homme à ces extrémités était sa capacité à ressentir des émotions, à désirer, à aimer, et à haïr. Depuis ce constat, les hommes vivent sous Prozium, une substance ayant pour effet de neutraliser l’ensemble des sentiments, mauvais comme bons, sacrifiés pour les besoins d’une société plus harmonieuse. Est alors instauré un système dans lequel toute culture est dorénavant interdite, et où ceux qui refusent de se soumettre aux lois de Libria – notamment en prenant leur dose quotidienne de Prozium – sont traqués et éradiqués par les individus considérés comme les plus doués de Libria : les ecclésiastes.
Si la question de l’eugénisme est ici abordée moins frontalement que dans Bienvenue à Gattaca, elle n’en reste pas moins présente. Elle est seulement développée sous un autre angle, celui du Prozium qui conditionne les êtres en les modifiant chimiquement. De façon moins prononcée est également soulevée la question des capacités de chacun : les plus doués intégreront le corps prestigieux des ecclésiastes tandis que les autres seront relégués dans des activités inférieures.
Toutefois, ce qui suscite l’intérêt dans cette dystopie (totalement éclipsée par Matrix à l’époque car sortie au même moment) est cette question du sacrifice des libertés sur l’autel de la sécurité. Une question qui trouve une résonance de plus en plus forte dans nos sociétés actuelles animées par un seul et même leitmotiv : « La sécurité est la première des libertés ». Et qui justifie la limitation de certaines libertés individuelles…
Equilibrium, réalisé par Kurt Wimmer. Avec Christian Bale, Sean Bean, Taye Diggs, Emily Watson, … (Sorti en France le 9 juillet 2003)