Mars 2009 – septembre 2012, c’est le temps écoulé entre les deux derniers albums d’Alexis HK. Un temps nécessaire à renforcer des convictions, des exigences, des façons de conjuguer le temps, avec cette idée que le mieux n’est jamais de vivre dans le passé, le futur ou le conditionnel mais dans le présent, avec simplicité et loyauté envers soi-même et envers les autres…
Le rendez-vous est donné dans un petit troquet coincé entre deux angles de rues en plein cœur du 20ème arrondissement. Alexis HK est là pour répondre à de nouvelles questions depuis notre rencontre quelques mois plus tôt lors de la fin de la tournée des Affranchis. Un laps de temps plus tard, le temps de recharger les batteries après une tournée harassante, le temps aussi d’écrire cet album, mais pas que, nous voici de nouveau devant l’auteur du Dernier présent diffusé honorablement sur les ondes.
Le dernier présent insiste sur les préoccupations de l’homme coincé dans un monde qui se dérègle et au sein duquel il faut savourer chaque instant. Que nous réserve demain ? Que faut-il voir dans cette lente dissolution/altération du présent ? L’auteur n’est pas là pour nous montrer une voie, nous donner des leçons de vie, il parle avec modestie d’écrins de vies fragiles, d’où chaque instant mérite d’être vécu avant que tout ne disparaisse dans un chaos incontrôlable. D’où vient ce sentiment de chaleur qui transparait à l’écoute de cet opus ? Peut-être du fait que le Dernier présent réunit de façon prégnante l’artiste et l’homme, devenus de plus en plus indissociable. Nous savons tous qu’un auteur parle mieux de ce qu’il connait, de ce qu’il est. Chez Alexis HK cela transpire sur chaque couplé posé comme autant de mises à nues qui nous font pénétrer dans son intimité.
Les chansons pourraient paraître anachroniques à celui qui y chercherait des moyens d’évasion immédiats et finalement volatiles; peut-être que le verbe d’Alexis HK agit dans le temps, de manière prophylactique, pour chasser de nos esprits nos sombres rêves ou nos craintes. Les paroles restent, marquent nos esprits sans les marteler, avec la justesse qui sied aux grands classiques des chansons à textes. Le chanteur avoue qu’une chanson est avant tout un texte. Les arrangements, minimalistes, ne sont là que pour soutenir le flot de poésie qui s’écoule de sa voix grave. La simplicité n’est donc pas faiblesse mais bien une force, un emblème qui possède son unité, sa voie, sa cohésion. Album de la maturité ? Le Dernier présent pose une nouvelle pierre dans une biographie déjà respectable, il donne à entendre un auteur dans toute la noblesse du terme, qui accepte de prendre le recul nécessaire pour, tel un troubadour des temps modernes, entonner des histoires de vie, des vies où nous pouvons tous nous assimiler. Car la grande force du Dernier présent réside dans le fait que l’album nous parle. Alexis HK y conjugue le passé, le présent et le futur avec l’idée que chacun de nos actes participent au grand ordonnancement ou dérèglement du monde, le nôtre et au-delà celui des êtres qui nous entoure. Donc essentiel.
Alexis HK – Le dernier présent – La Familia – 2012 – 10,99 euros
Pour aller plus loin…
A noter que pour Le dernier présent Alexis HK a chaussé une nouvelle casquette, celle de scénariste de bande dessinée. Monsieur le Maire et ses révolutionnaires, publié dans la collection Zik&bulles (Viltis BD – ACCFA), a été écrit sur des dessins de Marie de Monti. Il nous offre la vision d’un monde lui aussi malade. Elu lors de chaque élection dans son village dont il connait chaque habitant, Le Maire essaye d’éveiller le sens civique de ses administrés. Il les pousse à accomplir la belle et grande révolution, une révolution qui doit surtout permettre à tous de sortir de ce grand endormissement qui les pousse vers une inéluctable fin mais rien n’y fait, ni les spectacles qu’il propose, ni le show-rock du curé de la paroisse, rien. Et ce qui devait arriver arriva, les animaux, longtemps sous-fifres des hommes prennent le pouvoir. Tout pourrait très bien se passer, l’alternance peut se concevoir dans un monde fondé sur la démocratie, mais force est de constater que pour la peine une nouvelle oligarchie se met progressivement en marche asservissant les hommes et les poussant vers de viles tâches. Notre Maire essaiera de s’extirper de ce piège tendu, et mettra toutes ses forces dans le rétablissement d’un monde plus respectueux de chacun. Album plutôt déjanté, qui complète merveilleusement Le dernier présent, Monsieur le Maire et ses révolutionnaires aborde des thématiques chères au musicien, écologie, respect de l’autre, engagement… Le tout accompagné des dessins simples et directs de Marie de Monti qui font mouche. Une belle surprise sans prétention qu’il serait dommage de ne pas découvrir en écoutant l’album !
Marie de Monti & Alexis HK – Monsieur le Maire et ses révolutionnaires – Viltis BD – ACCFA – 19,90 euros (avec Le dernier présent)
Interview d’Alexis HK