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La BD du jour : Ma guerre de Tiburce Oger et Guy-Pierre Gautier (Rue de Sèvres)

La seconde guerre mondiale aura marqué les esprits autant que la boucherie qui l’a précédé quelques années plus tôt. À la différence près que le nombre de victimes civiles a été sans commune mesure avec aucun conflit par le passé. Des témoignages de l’horreur ont vus le jour, l’album Ma guerre de Tiburce Oger, composé avec les propos recueillis de son grand-père Guy-Pierre Gautier, en est un et pas des moindres…

Guy-Pierre est jeune, très jeune lorsque la guerre éclate, il décide très tôt de s’engager dans une résistance active. D’abord en distribuant des tracts puis en commettant quelques actions de sabordage pour perturber le bel ordre des troupes allemandes en territoire occupé. Un jour qu’il se rend à Matha (Charente-Maritime), il se fait surprendre à la sortie du train par des hommes de la gestapo. Ce 22 octobre 1943 la vie de Guy-Pierre va être changée à jamais. Et tout s’enchaîne très vite. D’abord les interrogatoires musclés menés par une police qui ne recule devant aucune torture pour débusquer ceux qui prennent une part active dans la lutte contre l’occupant. Puis un transfert vers Eysses près de Villeneuve-sur-Lot où il prend part à une mutinerie qui lui vaudra la déportation en Allemagne dans le camp de concentration de Dachau. Début de l’enfer…

Difficile de sortir des camps, d’échapper à une mort qui guette chaque parcelle de vie jusqu’à l’intersection du moindre baraquement. Après avoir vécu le pire, les réprimandes amusées de soldats sans le grade, les humiliations des plus gradés, les privations qui amaigrissent constamment les corps décharnés, la mort du gars qui pieute dans le lit d’à-côté, les fausses espérances et les vraies souffrances, il reste encore à affronter le regard terrible et froid de ceux qui ont échappé à l’enfer. De ceux qui viennent en libérateurs et maintiennent encore les privations qui répondent à un souci sanitaire évident. De ceux qui, une fois retourné dans les villes ou les villages, laissent planer un regard douteux sur cette vie devenue suspecte, car échapper au carnage ne peut s’entendre qu’au travers d’un « commerce » avec l’ennemi. De ceux qui composent la propre fratrie du déporté, et de celle, enfin, qu’il aimait avant-guerre et qui a refait sa vie sans attendre de savoir le sort qui lui était réservé. Peu de déportés auront laissé à l’histoire le témoignage de vies reconstruites avec la même intensité et la même passion qu’avant-guerre. Les espérances passées et les croyances en un monde meilleur écornées à jamais ne peuvent accoucher de sommeils calmes et réparateurs. La vision de toute les infamies ne peut se guérir complètement avec la patine du temps et d’ailleurs faut-il complétement oublier l’horreur ? Gommer de nos esprits la vision insoutenable des corps amoncelés comme du bétail en des tas édifiants ? Oublier les yeux ronds et exorbités des survivants à la recherche d’un peu de cette compassion qui a tant manqué ? Les wagons de la mort chargés à bloc sans air, sans eau ?  

Cette description-témoignage très fine de la vie en déportation de l’aïeul de Tiburce Oger vient admirablement compléter Le carnet de Roger (Sarbacane) offert par Florent Silloray au travers du récit écrit et dessiné par son grand-père, lui-aussi déporté, plus loin dans un camp de travail en Prusse Orientale. Le compléter car le traitement effroyable réservé aux deux hommes diverge, et donne la preuve irréfutable que l’horreur peut revêtir plusieurs manteaux et se nuancer à l’infini. Pour construire son récit Tiburce Oger fait appel à la mémoire de son grand-père qui en devient le narrateur. Tiburce, lui, rend compte de cette vie marquée au fer rouge, avec une remarquable capacité à décrire l’insoutenable. Avec une force d’expressivité il parvient à faire croître la tension, à se placer aussi à cette place peu enviable de déporté. La mise en couleur maitrisée participe à dimensionner un récit essentiel pour ne pas oublier…

Tiburce Oger & Guy-Pierre Gautier – Ma guerre – Rue de Sèvres


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