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La BD du jour : Ornithomaniacs de Daria Schmitt (Casterman)

Une jeune fille dont le dos laisse apparaître deux petites ailes va prendre son destin en main pour ne plus servir les desseins de sa mère. Elle va pour cela se rendre dans une improbable clinique pour rectifier son anomalie… ou apprendre à vivre avec…

Comme un oiseau en cage, la jeune Niniche vit aux côtés d’une mère insupportable qui veut prouver à la terre entière que sa fille possède une caractéristique unique qui la singularise de tous, une petite paire d’ailes. Difficile à expliquer, ces excroissances a priori inertes que la jeune fille cache sous un petit sac à dos d’écolière, vont lui valoir d’être exposées aux yeux du monde comme une bête de foire. Aidée par son amie Tina, elle va rejoindre un institut médical qui pourra lui ôter toute trace de cette malformation pas forcément souhaitée. Un institut tout à fait particulier perdu dans un entre’monde singulier qui n’attire franchement pas de l’extérieur. Mais Niniche n’a pas le choix. Si elle veut enfin pouvoir vivre comme les autres filles de son âge, elle devra se résoudre à franchir le pas des appréhensions légitimes et frapper à la lourde porte de bois qui se dresse devant elle… A l’intérieur un squelette du nom d’Icare lui ouvre la voie et la dirige vers un professeur du nom de Balaeniceps Rex, qui n’est autre que le nom scientifique du Bec-en-sabot du Nil, un massif échassier à l’énorme bec. Les deux hôtes des lieux tombent presque à la renverse lorsque Niniche, pas forcément démontée par le contexte, expose ses petites ailes aux plumes alertes. Rien ne sera désormais plus comme avant pour le jeune fille…   

Dès la lecture des premières planches de l’album le lecteur sait que l’univers construit par Daria Schmitt va s’imposer par sa singularité, sa densité et son mystère. Travaillé en noir et blanc tout en hachures, le dessin possède une exceptionnelle définition, un luxe de détails qui questionne et interroge. Il est possible de faire le parallèle entre Niniche et d’autres héroïnes en quête, tout comme le parallèle avec les œuvres de Tim Burton, Schuiten, Poe, Villiers de L’Isle-Adam et quelques auteurs fantastiques de la seconde moitié du dix-neuvième siècle se lit dans l’atmosphère âcre laissée par la dessinatrice. De cette littérature la jeune auteure conserve le souci d’une écriture où chaque mot pèse son poids, où chaque cadre, chaque scène dépeint un univers à la fois poétique et sombre, marqué par des non-dits lourds de sens qui dévoilent toute leur portée avec parcimonie et délicatesse. Un univers qu’il faut bien sûr d’abord domestiquer et dans lequel il faut accepter de se laisser prendre pour en saisir toutes les intimes parcelles. Sur le fond le message de l’acceptation de soit transparaît, mais n’est pas l’unique moteur du récit qui aborde aussi la thématique de la confiance en soi et surtout en l’autre. Cet autre, inconnu quelques heures, quelques jours auparavant, et à qui l’on va laisser le soin de sculpter son propre destin. La galerie de personnages humains et animaliers séduit tout comme ce sens inné du cadrage qui étire la planche et tisse un univers riche et sensitif. Un des albums marquant du premier semestre 2017 par son exigence et la brillance avec laquelle son auteure parvient à nous prendre dans ses mailles.

Schmitt – Ornithomaniacs – Casterman


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