Les chats d’Ulthar était l’une des nouvelles favorites de H.P. Lovecraft. Ecrite en 1920, elle met en scène l’animal fétiche, voire totem de l’auteur de L’appel de Cthulhu, le chat. Mais dans la nouvelle, l’animal se fait… des plus inquiétant. Rien de plus pour donner à Gou Tanabe (dont nous avons à maintes reprises vanté le mérite de ses adaptations) l’envie de le mettre en scène…
Bon, vous allez dire que je fais une fixette sur Lovecraft, mais à mon corps défendant, je n’y suis pour rien si le maître de Providence jouit en ce moment même d’un regain d’intérêt comme peu vu ailleurs chez un autre auteur. Alors que le troisième volet de L’Abomination de Dunwich vient de sortir en septembre 2024, Ki-oon, annonce la parution pour fin janvier 2025, soit moins de quatre mois plus tard, d’un recueil de trois nouvelles comprenant Les chats d’Ulthar, texte publié pour la première fois en novembre 1920 dans la revue Tryout. Si je vous en parle, c’est que j’ai pu lire en avant-première ce nouveau titre et je mesure, une fois refermé l’opus, le treizième si je compte bien depuis la parution en octobre 2018 du premier tome des Montagnes hallucinées, le privilège qui m’a été offert. D’abord parce que j’avoue avoir eu quelques réserves sur L’Abomination de Dunwich, à mon sens trop étiré en trois tomes, avec pour conséquence une perte d’impact narratif dû à un rythme plus lent.
Alors que dire des Chats d’Ulthar ? Et bien tout simplement que de basculer, après les trois tomes de Dunwich, sur un recueil de trois textes courts, textes nichés dans la bibliographie de Lovecraft dans Les contrées du rêve, permet de regoûter à la magie Gou Tanabe. Les chats d’Ulthar, pour ceux qui ne connaitraient pas le récit, évoque comment le chat est devenu l’animal le plus puissant et craint d’une communauté rurale reculée, a priori sans histoire. A vrai dire c’est le « a priori » qui change tout, car, en périphérie du cœur de la bourgade sévit un couple qui capturerait et tuerait tout félin s’approchant un peu trop près de sa bicoque. Une loi s’instaurera à Ulthar, après l’histoire qui nous est offerte et qui débute par un incipit sur fond noir qui happe d’entrée le lecteur : « On raconte qu’à Ulthar, au-delà du fleuve Skaï, nul n’a le droit de tuer un chat… Si cette loi a été instaurée, c’est évidemment pour une bonne raison ». Dans ce recueil de trois texte, Gou Tanabe propose Les autres dieux, texte lié aux chats d’Ulthar par le jeune Atal qui recherche, en début de nouvelle, son chat disparu, et que l’on verra plus grand dans Les autres dieux. Le dernier texte Celephaïs – qui en fait est le premier ici – possède peut-être moins d’importance. Il raconte l’histoire d’une ville fictive créée dans le rêve d’un romancier ruiné et sans reconnaissance. Alors que dire de l’opus dans son ensemble ? Tout simplement que le mangaka fait ici preuve d’une efficacité redoutable, chaque planche, chaque case participant de la mise sous tension, sans étirements des temps. Certains dessins se font presque hypnotiques, comme celle de l’enfant vagabond Menes (en page 100), qui m’a tout de suite fait penser à la photographie de Jean Dieuzaide, elle-aussi hypnotique, de la jeune fille au lapin. Au final, un titre sur les chats, dont un (et même plus) noir, treizième volume de la collection… Superstitieux s’abstenir !
Gou Tanabe – Les chats d’Ulthar – Ki-oon
Visuel : © Gou Tanabe 2024/KADOKAWA CORPORATION