Ils nous transportent depuis presque quatre ans avec l’histoire d’Eco, cette petite fille qui, pour avoir offert à une mendiante, au lieu de les porter au Ministre, trois poupées confectionnées par ses parents, se verra frappée d’un étrange sort qui transforme irrémédiablement son corps. Ils nous surprennent par les mondes qu’ils construisent teintés d’onirisme ou de cruauté, d’un regard en tout cas attentif sur l’enfance, ses troubles, ses peurs et ses espoirs à conquérir. Ils, ce sont Guillaume Bianco et Jérémy Almanza. Ils nous livrent en ce premier semestre 2013, et dans l’attente du troisième volet d’Eco qui devrait sortir en septembre, de petits bijoux qui tiennent en main au point qu’il est difficile de les quitter…

Dans un monde onirique sur lequel se déverse un flot de couleurs tout droit sorties de quelques pots de peintures trop chargés pour ne pas en éclabousser les paysages alentours, nait un enfant, un petit garçon qui inquiète son entourage et interroge les docteurs de la contrée. Car s’il parait normal à première vue, personne n’arrive pourtant à entendre le moindre sursaut rassurant de son petit cœur. Le verdict tombera triste et irréversible : l’organe est de pierre. Ce malheur plongera dès lors ses parents dans des abysses de larmes au point qu’ils en oublieront de porter l’affection qu’ils doivent malgré tout à l’enfant. Au même moment nait à quelques pas de là une jeune fille souriante et joyeuse. Lorsque les docteurs portent leurs stéthoscopes sur son petit torse, ils y entendent une douce mélopée. La radio révèlera l’étrangeté de la chose, au demeurant pas si inquiétant que ça, la jeune fille possède un cœur d’artichaut et répand autour d’elle une joie et un bonheur qui se révèlent vite communicatifs. Un jour, par accident, ou peut-être pas, les deux enfants se croiseront au détour d’un chemin sinueux. La petite fille tombera amoureuse de ce garçon a priori si différent d’elle. Elle lui ouvrira son cœur pour en sortir le petit artichaut duquel elle ôtera une feuille pour la lui donner. Mais qu’en fera le petit garçon ?

Ce conte sombre porte un regard émouvant sur l’enfance et les différences qui s’opèrent sur des êtres encore fragiles qui, bien souvent, reflètent sur l’extérieur ce qu’ils trouvent au sein de leur foyer. Choyée dès sa naissance la jeune fille de ce conte resplendit et donne sur l’extérieur tout l’amour qui l’envahit. Au contraire, délaissé par ses parents, le garçon au cœur de pierre ne connait pas l’amour et, faute de cet apprentissage, ne possède pas les armes pour le comprendre, l’exposer ou le crier aux autres. L’histoire repose sur les différences, sur les perceptions, sur la souffrance qui parfois fait des ravages sur des enfants sensibles et peu armés pour comprendre le monde dur qui prend forme autour d’eux. Le conte laisse néanmoins une fenêtre d’espoir représentée par les quelques larmes qui s’échappent du garçon au cœur de pierre, comme si un renversement des choses paraissait toujours possible… Le dessin d’Almanza sublime ce conte en offrant une ambiance onirique au conte, en lui donnant aussi une perspective, un cadrage qui nous transportent dans l’intime de personnages qui reflètent ceux que nous fûmes peut-être, sûrement…

Gauthier & Almanza – Cœur de pierre – Delcourt – 2013 – 9,95 euros

Un coffret qui renferme trois petits livrets au format 24 x 17. Chacun contient une ou des histoires à ne pas mettre en toutes les mains, surtout pas entre celles de petits enfants sages. Non, car ces histoires sont destinées, depuis la nuit des temps, aux enfants dissipés qui pourraient un jour quitter un monde tendre et soyeux pour se diriger vers un autre plus cruel, plus dur dans lequel ils se perdraient. Bienvenue dans le monde de Billy Brouillard et des comptines malfaisantes !

Une petite fille qui défend bec et ongles son chat contre la faucheuse bien décidée à prendre une vie, un nez géant qui dépasse d’une plage et qui attire les curieux, un petit garçon perdu dans le noir de sa chambre ou d’ailleurs, un autre qui s’en va défier le bonhomme de la pluie, telles sont les quatre petites histoires, ou contes sombres, qui composent ce nouveau coffret de Guillaume Bianco. Le scénariste d’Eco excelle dans la description de ce monde étrange et parfois rugueux de l’enfance. Il joue avec les peurs, les angoisses, les rêves et les cauchemars de nos petites têtes blondes pour offrir un cadre à des histoires pas toujours tendres. A l’instar de nombre de contes traditionnels, Guillaume Bianco livre en effet des textes parfois acerbes, acides qui touchent par la fausse naïveté qui s’y développe. Il y ajoute son dessin à base de cabochons au trait simple qui illustrent et supportent le texte avec un regard décalé mais toujours à propos sur l’univers qu’il dépeint. Des histoires qui sont autant d’ouvertures sur des souvenirs, des réminiscences d’un passé pas si lointain, qui donnent aussi du relief et de la profondeur à cette période dans laquelle nous composons celui ou celle que nous serons demain, sage ou moins sage, en tout cas authentique… nous l’espérons tous !

Guillaume Bianco – Billy Brouillard, Les comptines malfaisantes T2 – Soleil/Métamorphose – 2013 – 29,95 euros