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Destins croisés, destins en bleus : biographies d’hommes au service du jeu (1ère partie)

Le rugby peut-être plus qu’un autre sport ne peut s’exprimer que par un collectif rôdé, huilé qui fait des hommes non pas des individualités qui sortent d’un collectif, mais des hommes au service de ce même collectif. Si les trois-quart brillent et inscrivent des essais de grande classe, cela est souvent la résultante d’un travail de sape, et de l’ouverture d’espaces par leurs avants qui se sacrifient pour mieux faire briller leur partenaire et arriver au but ultime : la victoire. Mais pas n’importe quelle victoire celle d’une équipe, de vingt-deux hommes ayant tout donné durant le temps de leur présence sur la pelouse. Si le rugby s’exprime dans un collectif, des hommes sortent pourtant de l’ombre. Pas uniquement par leurs qualités techniques, leur vision du jeu mais plutôt par ce qu’ils apportent au jeu, à la théorie d’un sport qui se renouvelle sans cesse. Pierre Villepreux, ancien joueur et entraineur du Stade Toulousain, ancien sélectionneur des bleus, en fait partie, tout comme Fabien Pelous, capitaine de l’équipe de France à 42 reprises et recordman de sélection (118). D’autres athlètes ont brillés par leur vista, comme Xavier Garbajosa, meilleur marqueur du championnat français en 2001, 2002 et 2003 ou comme Sébastien Chabal, qui de par sa popularité « démocratise » ce sport. Autant de destins, autant de parcours humains qui ont donnés lieu à l’écriture de biographies essentielles. Essentielles, car elles permettent pour chacun d’entre nous de passer de l’autre côté du miroir pour découvrir de l’intérieur non pas un sport, mais une façon de penser et de vivre.   

Pierre Villepreux a souvent été considéré comme l’un des grands théoriciens du rugby français et l’est sans aucun doute encore. Joueur du Stade Toulousain qu’il participa à relever à la fin des années 60 alors que les rouges et noirs brillaient plus par leur glorieux passé (champion de France en 1922, 1923, 1924, 1926, 1927 et 1947) que par leurs résultats du moment, le jeune arrière deviendra ensuite entraineur de cette même équipe, entraineur de l’équipe de France et, avant cela, de celle d’Italie. La biographie qu’il nous offre en ce début d’année (édition Hugo et Cie) n’en est que plus savoureuse au regard de l’homme d’exception qu’il a été et qu’il est toujours. Pierre Villepreux dans ce gros pavé de plus de 400 pages va revenir sur près d’un demi-siècle de rugby français à partir de son point de vue de joueur et d’entraineur émérite qu’il a été. Tout commence pour Pierrot alors qu’il n’a seulement que 7 ans. Son instituteur d’alors fait écouter à ses élèves sur une radio les matches de l’équipe de France. Né dans une terre de rugby, Pompadour, au nord de Brive, et non loin de Tulle, toutes deux réputées pour leur club de rugby redoutable dans les années 60, Pierre Villepreux quittera après avoir fait ses « classes » au CA Brive, ses terres natales pour venir intégrer le Stade Toulousain. Non pas pour le challenge sportif, même s’il y en avait bel et bien un, mais en raison de ses études (CAPES de sport) qui le portent vers la ville rose. L’ancien international, revient dans cet ouvrage, qu’il nomme sobrement Intercalé, sur la période de sa vie qui va de 1951 à aujourd’hui et qui embrasse les plus grands épisodes de ce jeu en France. Bourrés d’anecdotes, comme celle de la tournée de 1971 en Afrique du Sud, durant laquelle pour marquer son opposition à l’apartheid, le président de la FFR imposera dans la sélection bleue un joueur de couleur, Roger Bourgarel, dit la flèche noire, l’ouvrage brille surtout par l’humanité et la simplicité de son auteur. Loin d’être racoleuse, cette biographie participe à une meilleure compréhension du jeu et de ses coulisses. Celui qui, aujourd’hui encore, s’investi dans de nombreuses actions visant à développer le jeu, que ce soit avec l’International Rugby board, dont il est membre, ou Lille, club de Fédérale 1 auquel il apporte ses conseils éclairés, apporte un message simple visant vers toujours plus de jeu. Un livre d’une rare intelligence qui se doit d’être lu, surtout en cette année si particulière de coupe du monde !   

Pierre Villepreux – Intercalé – Hugo et Cie – 2010 – 19, 50 euros

 

Rares sont les sportifs qui échappent aux blessures dans leur carrière. Si certains passent au travers de gros pépins, d’autres, fragilisés par une première fracture ou lésion, accumulent les durées d’indisponibilité. La carrière de Xavier Garbajosa a été exemplaire à plus d’un titre. Ailier doué et redoutable – il est le meilleur réalisateur d’essais du championnat français en 2001, 2002 et 2003 – il n’a pourtant pas été épargné par la malchance. Très tôt touché au genou droit lors de ses années juniors, il va, au fil des ans, connaître une avalanche de problèmes physiques qui le pousseront à l’arrêt de sa carrière en 2008.

Tout a véritablement commencé pour l’athlète alors qu’il intègre la section sport-étude du lycée Jolimont (Toulouse), l’antichambre des joueurs de haut niveau par laquelle sont passés une multitude de futures stars du Stade Toulousain ou des clubs de l’élite. Il y fera une rencontre essentielle avec Claude Debat qui a été pour Garbajosa comme un tailleur de pierres car il m’a vraiment « façonné » pendant deux ans. Je suis arrivé un peu brut de décoffrage et grâce à lui, j’ai vraiment progressé dans mon jeu de rugbyman. Alors qu’il est encore à Jolimont, le père du sportif rencontre par hasard Robert Labatut, responsable du recrutement au Stade Toulousain, alors qu’il est en voyage en Guyane. Il lui fera intégrer l’équipe des rouges et noirs. Le rêve de carrière au plus haut niveau se réalise… Là, il se liera d’amitié avec Thomas Castaignède, participera à ses premiers « gros » matches, deviendra double champion de France Juniors en 1994 et 1995, champion du monde juniors en 1995 avant d’intégrer progressivement l’élite du rugby senior à partir de 1997. En 1998, l’ailier fait sa première apparition chez les bleus à l’occasion du tournoi des V Nations. Il inscrira ses premiers essais. La carrière se poursuivra ensuite avec le succès que l’on connaît.

Si le sportif revient sur les différentes étapes de sa carrière, les moments forts vécus avec ses « potes », les chambrages et « déconnades » propres aux jeunes de son âge, les parties qui retiennent notre attention sont  celles où le joueur évoque avec une réelle émotion ses premiers gros pépins physiques qui annoncent, aussi surprenant soit-il, le début de la fin alors qu’il n’a que 27 ans. C’est en effet lors de l’année 2003 que le tournant s’amorce pour Garbajosa. Sélectionné pour la coupe du monde 2003 il doit se résigner à quitter, en Australie, ses camarades du XV de France : Je quitte Sydney, l’Australie et le XV de France pour rentrer à Toulouse le 27 Octobre 2003. Je suis terriblement déçu de ne pas participer à cette épreuve et particulièrement inquiet concernant mon genou. Dès mon retour, je consulte le Pr Michel Boussaton qui m’annonce que je n’ai guère qu’une chance sur mille de rejouer. Je me rends également à Saint-Jean-de-Luz pour rencontrer le Pr Saillant qui était en vacances dans la région et qui me fait le même diagnostic que son confrère. Je prends ses verdicts médicaux comme des coups de massue car je ne veux pas croire que je suis fini pour le rugby.

En février 2004 il subit une opération difficile (ostéotomie) suivie d’une période de rééducation. Il se blesse de nouveau en octobre 2004 dans un match contre Bourgoin. Cette fois-ci c’est le genou gauche qui ne suivra pas. Au fur et à mesure les blessures le font sortir de l’équipe une ; d’autant plus que le Stade Toulousain, en tant que grosse « cylindrée » du championnat, fourmille de jeunes talents très prometteurs. Garbajosa vit mal cette période mais reste très lucide : je me rends compte que l’on ne fait appel à moi que pour des rencontres sans réel suspens. Ce fut une période assez douloureuse, mais cela fait partie des choses de la vie sportive. Le vent avait tourné. Après l’euphorie des victoires et des sélections au plus haut niveau, après plusieurs années dans la lumière, je me trouvais dans l’ombre…  La fin de sa carrière et ses quatre matches disputés avec Bayonne n’en sont plus qu’anecdotiques.

Avec cette biographie Xavier Garbajosa nous plonge dans ce que le sport a de plus terrible : les périodes durant lesquelles les doutes envahissent l’athlète. Plus qu’un témoignage sur une carrière, ce livre s’impose comme une confidence, saisissant et poignant, d’une humanité rare.

Xavier Garbajosa – Mon sang est rouge et noir – Edition Grimal – 2010 – 16,90 euros


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