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Focus FFF : Le sens définit-il la direction ?

Les univers imaginaires nous portent toujours plus vers des ailleurs foisonnants qui alimentent bien souvent notre machine à rêve. Fantastique, Fantasy et Fable déclinent ainsi leur potentiel pour faire de nous, l’espace d’un récit, le témoin d’une aventure vécue de l’intérieur. Observateur de ce qui se joue devant ses yeux stimulés par un dessin qui repousse toujours plus loin son expressivité, le lecteur qui décide de se laisser happer dans le monde parallèle qui se dresse devant lui peut sans peine envisager les stimuli procurés par le grand voyage à venir. Un voyage qui ne le laissera pas totalement indemne, qui le rapprochera peut-être aussi de cet entre-deux dangereux et pourtant ô combien attirant… Merci à mon ami Tof qui m’accompagne sur ce dossier et me propose aujourd’hui sa lecture de Percy Jackson, le tome 3 de la série éditée par Glénat !

Percy home 

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Le Sens de Marc-Antoine Mathieu – Delcourt – 2014

Un homme déambule dans un espace sans fin. Peu ou pas de repères, aucune direction indiquée si ce ne sont ces flèches qu’il croise régulièrement et qui matérialisent un sens, une orientation dont il ne peut vraiment se libérer. Et de toute façon, dans un monde sans repère, pourquoi ne pas choisir finalement le seul qui nous est proposé ? Dans un désert d’anonymat, là où l’homme porté par son ombre suit cet unique sens, qui le mènera sûrement là ou là, en tout cas ailleurs, dans un monde peut-être identifiable, peut-être plus palpable, peuplé d’autres hommes et d’autres femmes qui cherchent eux-aussi un sens, il est finalement question de choix. Les choix à faire pour sa propre (sur)vie, pour affirmer son identité, crier haut et fort ses désirs et ses aspirations profondes. Sans ces choix, sans la possibilité de proposer une autre alternative à celle rassurante qui se présente à nous sans effort, l’homme ne peut vraiment exister. Dans cet amas d’incertitude, dans cet univers lissé, là où les possibles ne semblent pas pouvoir et devoir trouver de socles solides susceptibles d’affirmer leur existence, notre homme s’interrogera. Il traversera des océans troublés, s’approchera de mirages et de Monts fantomatiques, de ciels lunaires, s’accrochera au vide, transcendera sûrement ses peurs sans jamais plier. Peut-être car il affirmera toujours sa croyance en cette direction qui se propose à lui. Quand aucune autre option n’est proposée, suivre la direction indiquée, même si elle nous pousse parfois à des retours en arrière, peut s’avérer pourquoi pas salutaire, ou non. Tout dépendra de quoi la fin du chemin sera faite. A supposer qu’elle existe…
Marc-Antoine Mathieu n’en finit pas de repousser les limites du média dans lequel il s’exprime depuis presque trente ans. Dans son précédent opus un décalage (qui donne son titre à l’album) opéré dans l’espace-temps nous donnait à voir un album débutant par le milieu et finissant quelque part plus loin dans une page quelconque. Il jouait ainsi à désorienter son lecteur, à le questionner sur son propre rapport à l’espace. Il poursuit aujourd’hui l’aventure avec ce livre qui ne possède pas de titre sauf cette flèche matérialisée en noir qui nous invite à tourner la page cartonnée qui lui sert de couverture. Et, dès le début, le dessinateur nous interroge. Une page noire s’affiche et laisse apparaître progressivement une flèche qui se fait de plus en plus blanche. Cette flèche n’est autre que le trou de serrure d’une porte qui ouvre l’univers dépeint par l’auteur. Puis tout s’enchaîne sans qu’aucun dialogue, aucun pavé narratif, nous expose les tenants de cette déambulation sans fin. De fait Marc-Antoine Mathieu nous immerge dans un monde impalpable, auquel il semble impossible de nous rattacher vraiment. Si nous choisissons de le suivre, peut-être que des réponses à certaines questions émergeront, des questions bien sûr toujours existentielles, qui font appel à notre liberté de choix, à notre capacité à accepter (ou pas) les repères que la société nous propose dans nos vies. Les quelques 256 pages proposées par le dessinateur peuvent se lire comme autant de choix à opérer. Suivrons-nous, nous aussi, le sens de lecture qui affiche son déterminisme et efface de fait notre libre-arbitre ? Les réponses sont autant dans cet album qu’en nous. En cela Marc-Antoine Mathieu parvient encore à nous séduire !

Marc-Antoine Mathieu – Sens – Delcourt – 2014 – 25,50 euros

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Percy Jackson – Le sort du Titan de Venditti & Futaki

Percy, Thalia et Annabeth sont en mission à Westover Hall. C’est un collège militaire qui retient prisonnier deux sangs-mêlés, Nico et Bianca Di Angelo. Seulement sur place, Percy se retrouve confronté à Thorn, le principal adjoint qui se révèle en fait être un manticore, mélange improbable d’un lion et d’un scorpion. La créature doit livrer les deux enfants à un mystérieux commanditaire. Nos amis arrivent à contrecarrer ses plans, à l’aide d’Artemis et de ses chasseresses mais, dans l’affrontement, Annabeth disparaît avec la créature diabolique. De retour à leur QG de toujours, ils apprennent qu’Artémis a disparu aussi en traquant un mystérieux monstre. Tout cela commence à être inquiétant, le manticore a parlé du réveil des monstres et les incidents de multiplient un peu partout dans le monde. Une équipe est envoyée à la recherche d’Artémis et Percy n’en fait pas partie. Mais, comme vous le savez, personne n’empêche Percy Jackson de se mêler de tout. Le voilà reparti pour les ennuis.
Encore une fois, on nous plonge dans une sorte de mythologie moderne, vous connaissez la recette. Cette fois nous allons marcher dans les pas des titans. La BD s’adresse définitivement à un public assez jeune, on y retrouve tous les ingrédients indispensables : aventure, amitié, amour, pouvoirs,… De ce point de vue-là, le travail est bien fait, le dépaysement est assuré, les personnages vont exciter l’imagination des lecteurs. Ce qui nous a moins plu, c’est le côté décousu de la narration. C’est assez compliqué de suivre l’intrigue, de comprendre les relations entre les personnages. Il y a tellement de détails, de références diverses qu’il est parfois difficile de remettre les pièces du puzzle en place. Cela dit, l’aventure est plaisante, on voyage dans l’espace et dans le temps ce qui est loin d’être désagréable.

Robert Venditti & Attila Futaki – Percy Jackson, Tome 3, Le Sort Du Titan– Glénat – 2014 – 13,90 euros

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L’Encyclopédie des débuts de la terre d’Isabel Greenberg – Casterman – 2015

Un jeune homme rencontre, alors qu’il sillonne les mers du sud à bord de son canoë, une jeune femme dont il tombe éperdument amoureux. Un sentiment partagé par celle qui fait chavirer son cœur. Sauf que, par un terrible coup du sort, une puissance étrangère et mystique s’oppose à leur rapprochement physique, semblable à la force de deux aimants répulsifs. Plus le temps passe plus l’éloignement se matérialise et se fait irréversible. Une malédiction difficile à comprendre et à accepter… Lui c’est l’enfant de l’Ile d’Eté, du nom du lieu où il a été abandonné juste après sa naissance. Recueilli par trois sœurs que le temps a rendu vorace de jalousie, il passe ses premiers temps de nourrisson balloté entre l’une et l’autre. Une situation qui ne pouvait perdurer. Les trois femmes décidèrent alors d’aller à la rencontre de l’Homme médecine, un grand sage qui saura sans peine trouver une solution à cette situation peu acceptable. Alors qu’elles se retrouvent toutes trois sous la tente de l’Homme-médecine, une des sœurs lui demande l’impossible : Nous sommes de bonnes mères, chacune à notre façon. Faites de lui trois bébés. Divisez son âme. Et donnez à chacune la partie dont elle s’occupera le mieux. Un défi que relèvera le sage. Deux garçons seront dissociés du premier pour donner corps à trois beaux bébés. Chacune des sœurs partira avec celui qui correspond le mieux à son caractère. Une seule donne se devra d’être respectée : Les garçons ne devront jamais se rencontrer. Un jour, alors qu’ils sont devenus jeunes hommes, ils se retrouvent et décident de se réassembler. Le jeune homme qui avait gardé la mémoire de ses trois expériences de vie devint un conteur hors pair. Mais, malgré l’équilibre qu’il venait a priori de retrouver, le jeune homme restait inapaisable. L’homme-médecine lui avoua en effet voir égaré une partie de son âme vers les territoires du Sud, au-delà de la Mer Gelée. Le conteur décida alors de tout faire pour regagner cette partie manquante de lui… 
L’Encyclopédie des débuts de la terre. Le titre en lui-même pourrait paraître un brin prétentieux, d’autant plus que son auteure, une jeune londonienne de vingt-six ans, signe là son premier opus. Pourtant, une fois ouvert cet épais album, force est de reconnaitre sa force d’attraction. Isabel Greenberg nous propose de mêler à des éléments fictionnels une relecture documentée de contes ancestraux, de légendes nordiques, de magie, de la Bible elle-même, des contes des Mille et une nuits et de tout un folklore mythique et mystique. La dessinatrice ne s’est pas foncièrement facilité la tâche. Elle flirte parfois avec l’absurde, se laisse aller à des dérives formelles, offre, de par ses entrées multiples, qui, même liées entre elles, pourraient paraître un chouia foutraque, un sentiment de récit « décousu ». Si l’on ajoute à cela que le texte prend parfois une part prépondérante au détriment du dessin, nous pourrions sans peine douter de ses intentions premières ou de sa capacité à les exprimer. Tout ça n’est fort heureusement qu’un leurre, car à la lecture du récit proposé nous nous retrouvons vite enveloppés d’un doux cocon, un de ceux qui nous pousse à tourner goulument les pages. Par curiosité puis par envie d’en savoir plus, d’accompagner le destin de ce conteur malheureux au passé déchiré. Et la magie opère, implacable. Du grand art !

Isabel Greenberg – L’Encyclopédie des débuts de la terre – Casterman – 2015 – 24 euros


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