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HeBDo BD # 19 – La place faite aux femmes (1ère partie) : Goupil ou face, Louise Michel, Mia & Co, Amelia première dame du ciel, Martha & Alan, La fille sans culotte…

Les héroïnes sont peut-être moins nombreuses que leurs homologues masculins même si je me plais à penser que la tendance n’est plus aussi franche que par le passé. Femmes modernes, fortes, fières d’afficher leur féminité, la beauté de leur corps et de leur esprit. Femmes en souffrance, malades, sensibles. Les héroïnes ressemblent peut-être, plus que les héros, aux femmes que l’on peut croiser dans nos quotidiens. Même si le fantasme de la bimbo aux formes généreuses et avide de plaisirs à partager fait toujours recette, nous découvrons, au fil des ans, des personnages plus subtils, plus fins, plus ancrés dans nos réalités, qui présentent aussi et surtout une facette de nos sociétés que l’on voudrait parfois masquer. Si le passage de l’adolescence insouciante à l’âge adulte préoccupe, un sujet majeur trop longtemps en souffrance a été de savoir quelle place se devait d’occuper la femme dans la société, comme si des droits et des devoirs découlaient du sexe de la personne. Dans ce contexte sociétal parfois nauséeux qui voit des idéologies triompher contre l’intérêt général et surtout celui des femmes, faut-il voir une régression inéluctable où la nécessité de se battre encore et toujours pour la cause féminine ? Quoiqu’il en soit la BD se laisse porter de plus en plus par des propos réjouissants qui donnent à la femme et à la condition féminine une reconnaissance réaffirmée. Alors ne boudons pas notre plaisir que de découvrir ces quelques récits qui leur sont consacrés !

Louise Michel, la Vierge rouge

Coïncidence ou non, lorsque Charlotte Perkins Gilman débarque à Paris en ce mois de janvier 1905, elle assiste à la marche funèbre rendue en l’hommage de Louise Michel surnommée la Vierge Rouge. Une figure de la Commune parisienne, porteuse sa vie durant de messages forts pour la liberté des hommes, l’égalité des droits et un vrai progrès social. A une époque où la révolution industrielle commence son travail de sape qui verra l’homme asservi pour le plus grand bonheur de riches marchands et industriels, les harangues dont la jeune femme  se fait la spécialiste captent l’attention du peuple et leur donnent de nouveaux espoirs. Charlotte Perkins Gilman a connu ce brin de femme animée de pensées utopistes et se souviens notamment de cette soirée au cours de laquelle elle lui donna un châle pour faire face au froid d’un hiver rigoureux, châle qu’elle retrouvera le lendemain sur les épaules d’une aide de cuisine de sortie. Si les pensées politiques des deux femmes étaient divergentes, elles se retrouvaient toute deux sur le terrain du féminisme qui anima une grande partie de la vie de la Vierge rouge.
Dans cette biographie très documentée, qui se complète par des notes fouillées en fin d’album, Bryan et Mary M. Talbot livrent un portrait riche de Louise Michel. Ils mettent ainsi en avant les divers combats que mena la jeune femme et ce souhait permanent de vivre pour ses idées en refusant de bénéficier de son aura pour améliorer son sort sur le dos du peuple soumis aux famines et aux cadences de travail inhumaines. Des barricades de Paris en passant par la Nouvelle-Calédonie où elle sera déportée, Louise Michel avait ce message d’espoir pour les populations affaiblies qui fait qu’elle était respectée et écoutée de tous. A une époque qui manque sérieusement de compassion pour les plus faibles, oubliés en périphérie du wagon de richesses accumulées par des capitalistes gourmands avides de se remplir toujours plus la panse, le message délivré il y a plus d’un siècle pourrait au moins donner du grain à moudre à nos dirigeants qui ont oublié que servir leur pays ne pouvait pas se résumer à vivre coupé de ceux qui en constituent la base. Le dessin charbonneux rehaussé de rouge se fait pleinement immersif. Il porte un récit très bien mené qui se doit d’être lu et relu, pour ne pas oublier qu’il est encore et toujours possible de rêver…
Bryan et Mary M. Talbot – Louise Michel, la Vierge rouge – La Librairie Vuibert – 2016 – 19,90 euros

Goupil ou face

Alors qu’elle est en passe d’entrer dans l’âge adulte Lou perçoit comme une sensation étrange en elle, une sensibilité exacerbée sans raison apparente qui va pourtant déboucher sur une gêne réelle qui allait l’entraîner vers un mal être profond. La jeune femme n’avait pas de prédisposition à la dépression et son jeune âge ne plaidait pas forcément pour ce genre de vase clôt où l’échappatoire semble vain. Elle va alors consulter un généraliste, puis tout un tas de spécialistes pour tenter de se remettre sur les rails. Elle en vint à consommer des antidépresseurs pour chasser sa zone intérieure sombre. Elle se dirigea ensuite vers un psychiatre puis une psychothérapeute. Sans succès, elle retourne chez le généraliste, puis chez un autre psychiatre et enfin chez une psychologue spécialisée dans les thérapies cognitives et comportementales qui diagnostique enfin ce dont souffre la jeune femme : un trouble de l’humeur, autrement appelé cyclothymie ou trouble bipolaire…
En parlant de son cas personnel Lou Lubie livre un témoignage fin et sensible sur une maladie méconnue et difficilement diagnosticable. Elle le fait en acceptant de se livrer entièrement, des moments d’euphorie que produit la maladie aux moments beaucoup plus sombres au cours desquels le renard tapi en elle ressurgit pour influer directement sur sa vie. Si la dessinatrice se fait critique sur le corps médical, incapable d’isoler ce dont elle souffre, son témoignage vaut surtout pour la vulgarisation dont il fait preuve pour décrire avec précision les états émotionnels qui peuvent nous envahir et les dérèglements que l’on peut percevoir parfois qui nous éloignent de la moyenne émotionnelle constaté chez les personnes « saines ». Elle présente, schémas et courbes à l’appui ce qui différencie les malades bipolaires entre eux, en fonction de l’étendue du mal sur chacun. Si l’ouvrage fait montre d’une clarté significative, la dessinatrice décline son récit sans virer dans le côté sombre du malade en perpétuelle souffrance. La jeune femme souhaite avant tout se sortir des passes difficiles, ou tout du moins apprendre à vivre avec sa maladie. Cela donne sur la forme un récit plutôt agréable à lire avec pas mal d’humour et beaucoup d’émotions partagées. Un album essentiel pour tous ceux qui souffrent de cette maladie ou leurs proches souvent démunis pour les aider mais qui sera apprécié bien au-delà.
Lou Lubie – Goupil ou face – Vraoum – 2016 – 15 euros

Mia & Co

Contrairement à ce que pourrait laisser penser le bulletin scolaire de la jeune Mia en dernière page de cet album, la bande de copains que nous allons suivre sévit dans la cour de récré du collège. Mia, et ses potes Gauthier, Louka et Zouzou partagent tout et depuis pas mal de temps maintenant. Nos quatre amis vont même jusqu’à constituer une cagnotte avec leur argent de poche pour s’acheter le dernier jeu vidéo de baston à la mode. Nous suivons, au travers d’un récit assez simple plutôt destiné aux ados, la vie de ce petit groupe, l’ennui de la classe et des devoirs, la musique qui vient doper l’humeur de chacun, les jeux vidéo donc mais aussi les premiers émois amoureux. Pour Mia, le coup de foudre vient de cette rencontre chez Wilfried – un garçon qui bénéficie des largesses d’un grand-père enfermé dans son grenier toute la journée pour organiser sa vie dans les étages inférieurs de la maison – du troublant Nils ou Nels, un scandinave surnommé simplement Le Viking. Pour Gauthier, c’est la belle brune Lulla qui fait battre son cœur et malgré les maladresses des premiers émois, les deux tourtereaux vont finir par un petit coup de pouce par se rapprocher. L’équilibre de notre petite bande, sa cohésion et ses perspectives futures s’en trouvent dès lors modifiés…
Avec un regard assez juste sur le monde de l’adolescence, Vanyda livre un récit où il ne se passe a priori pas grand-chose mais qui pourtant nous rappelle à pas mal de souvenirs. La vie d’un adolescent qui voit son corps et ses émotions changer peu à peu se trouve bouleverser à l’approche du lycée. Les jeux d’enfants et de pré-ado laissent place progressivement à des questionnements qui dépassent parfois le plaisir à jouer et à poursuivre les activités passées. Mia possède une sensibilité et un regard sur le monde qui l’entoure peut-être plus ouvert. Elle manque par contre sérieusement d’intérêt pour les devoirs et l’école en général. Elle sait que sa vie va bientôt changer, qu’elle va devoir composer avec l’éloignement progressif de ses potes. Elle-même d’ailleurs aurait tendance à accélérer le processus qui la rapproche du monde adulte. Le dessin de Nicolas Hitori De se fait très dynamique et totalement en phase avec les sentiments et les émotions qui viennent percuter nos héros. Il participe, par des cadrages parfois très serrés à rapprocher le lecteur de la vie de Mia et de ses potes. Un peu comme si nous étions les grands-frères ou les parents de ces jeunes qui apprennent à grandir avec leur temps et leurs émotions…
Vanyda & Hitori De – Mia & Co – Dargaud – 2016 – 14,99 euros

Amelia, première dame du ciel

Le nom d’Amelia Earhart ne dira pas grand-chose à la plupart d’entre vous. Pourtant cette femme d’une grande modernité pour son époque devint une figure adulée aux Etats-Unis et fût respectée dans le petit monde de l’aéronautique naissant pour ses exploits retentissants. C’est au début des années 20, alors qu’elle assiste avec son père à un meeting aérien, que la jeune femme décide que sa vie sera consacrée à l’aviation. Elle décidera de devenir pilote et mettra tout en œuvre pour y arriver. Des années d’apprentissage en passant par les nombreux records mondiaux qu’elle établit, cet album plutôt bien construit, qui ne se laisse pas prendre au piège de la biographie trop documentée, va à l’essentiel en mettant en relief le destin de la jeune femme au regard des mentalités de l’époque. Si elle était pilote reconnue, la jeune femme ne se reposait pas sur son aura mais se lançait des défis toujours plus risqués. Elle manqua plus d’une fois perdre la vie, mais s’accrocha à sa bonne étoile. Militante pour la cause des femmes elle affirmait haut et fort qu’il ne fallait, pour les jeunes filles, jamais épouser trop tôt de mari, pour tenter de conserver le plus longtemps possible son indépendance. Elle-même se maria pourtant à un homme qu’elle respectait et qui géra sûrement mieux ses affaires qu’il ne l’aima ou la protégea. Un album très bien rythmé, au service de la carrière en trajectoire de comète d’une femme hors du commun !
Arnü West – Amelia, première dame du ciel – Steinkis – 2016 – 18 euros

Martha & Alan

Avec Martha & Alan, Emmanuel Guibert poursuit sa grande œuvre ouverte il y a plus de quinze ans maintenant avec le premier volet de La guerre d’Alan. Ce nouvel opus revient sur un épisode de la vie d’Alan Ingram Cope vécu dans sa plus tendre jeunesse, une amitié forte avec la petite Martha qui trouble le jeune garçon âgé de cinq ans à peine au point de se transformer en premier amour. Dans ce témoignage raconté avec beaucoup de pudeur par le dessinateur, Alan s’ouvre à cet épisode éphémère de sa vie au cours duquel il s’amusait avec la jeune fille du même âge, montant aux arbres, crapahutant ici ou là dans la petite bourgade qu’ils habitaient alors. Les deux gamins dont les mères étaient devenues amies devinrent ensuite enfants de cœur, chantant dans l’église du village et en dehors, pour accompagner les paroissiens dans leur dernier voyage. Une enfance douce et paisible qui marque le jeune garçon. Mais voilà la mère d’Alan meurt très jeune et son père décide de se remarier très vite avec une femme bien plus jeune que lui et à peine plus âgée qu’Alan. Une femme qui décidera de couper Alan de Martha par bien des façons, mais pour celui qui est devenu maintenant un jeune homme, l’image de la jeune Martha, ce premier amour, reviendra en tête au point qu’il tentera, bien des années plus tard de reprendre contact avec elle. Les deux ont construit leur vie, loin des souvenirs d’enfance, pourtant ces instants de pur bonheur et d’insouciance reviennent dans les têtes et les cœurs de Martha et Alan…
Ce récit simple d’un primo-amour, subtilement mené par Emmanuel Guibert se lit d’une traite, assez rapidement, le texte n’envahissant jamais les planches ou double planches mais rythmant le récit avec cette idée de prendre des pauses, de renforcer certains instants pour les exhumer d’un passé vécu avec beaucoup de bonheur ou au contraire pas mal de tristesse et de nostalgie. La guerre n’apparait que comme un épisode qui traverse la vie d’Alan. Le récit n’opère donc pas de jonction mais se lit comme un épisode à part, des souvenances d’un passé marquant retranscrites de main d’orfèvre par un Emmanuel Guibert qui jouent avec les codes du neuvième art, laissant ici de côté les cases pour livrer un livre illustré qui marque les esprits.
Guibert – Martha & Alan – L’association – 2016 – 23 euros

La fille sans culotte

Un homme photographe amateur aime prendre des clichés de sa femme dans des contextes et des lieux différents. Alors qu’il vient d’effectuer des réglages après avoir posé et ajusté son trépied, il demande à sa belle de venir le rejoindre dans le jardin de leur nouvelle maison. La jeune femme débarque vêtue d’un unique tee-shirt moulant révélant le reste de son anatomie, ce qui ne semble pas perturber leur voisine âgée qui a même des idées sur les prises de vues. Une jeune fille qui se défini comme étant une « chaudasse » parcours le bitume vêtue d’un mini-short ultra-moulant qui révèle une paire de fesses divine qui attire forcément les regards. La jeune fille ne comprend pas d’où elle a pu hériter ses gènes, en tout cas pas du côté de sa mère qu’elle qualifie de « frigidaire » et qui pourtant semble bien cacher son jeu… Un homme dans un bar se dit qu’il est enfin sur un bon coup en voyant cette femme sexy dans une robe à faire léviter mais verra ses espoirs vite brisés. Un garçonnet à l’air triste affole sa mère qui se rend chez un pédiatre spécialisé en analyse du comportement. Son fils semble replié sur lui-même sans que rien ne vienne éclaircir ses journées… Les personnages dessinés par El Don Guillermo dans La fille sans culotte possèdent tous des pulsions ou des fantasmes cachés ou (encore) inavouables. Ils se questionnent sur leur pouvoir de séduction, leur capacité à charmer, la stimulation de leur désir avec cette idée que rien n’est finalement si simple ou limpide qu’il n’y parait et qu’il faut parfois gratter la surface des choses. Le côté sexy de cet album trouve son prolongement dans un fantastique subtil qui accentue les situations et leur procure une ouverture nouvelle. Le texte fait souvent mouche porté par un dessin qui va à l’essentiel accentuant ce qui se voit suggérer, comme pour stimuler le lecteur sur chaque situation et contexte qu’il découvre au fil des pages. Un album à l’attraction étrange qui se doit d’être lu…
El Don Guillermo – La fille sans culotte – Misma – 2016 – 18 euros

La petite fille et la cigarette

Dans ce Paris étrange une loi bien ancienne précise que tout condamné à mort peu demander une dernière volonté avant son exécution. Généralement cela se passe pour le mieux et, tout à la fois le condamné, qui savoure une inespérée dernière liberté, et la partie civile, qui voit par la sanction appliquée la justice rendue, y trouvent leur compte. Mais que pourrait-il se passer si la dernière volonté d’un condamné était rendue inapplicable ? Cela viendrait à bousculer l’ordre des choses, voire à remettre en question la sanction prévue. Cette situation improbable se produit pourtant lorsqu’un certain Désirée Johnson demande à fumer une dernière cigarette avant de partir sur la chaise électrique. Grâce ou à cause de son avocate un brin incompétente, notre larron accroc à la nicotine va échapper à son exécution et se verra gracié par le Président. Une trajectoire improbable, comme peut l’être à contrario celle de Benoît, fonctionnaire ambitieux promis à de hautes fonctions qui va, en raison d’un enchaînement de faits malheureux et d’un quiproquo manifeste, connaitre une véritable descente aux enfers. En cause, cette cigarette fumée en cachette dans les toilettes de la Mairie où il est surpris par une jeune fille qui pousse sans savoir la porte des toilettes où notre jeune homme pensait s’être enfermé. La parole d’un enfant et d’or, et Benoît ne pourra pas longtemps faire croire à son innocence. D’une petite fumette en cachette pantalon baissé (mais caleçon relevé) dans les toilettes de la cité administrative, il va se voir accusé de « crime contre l’enfance » et de perversion aggravée. Pas de quoi lui assurer le bel avenir dont il rêvait secrètement…
C’est à partir du roman éponyme de Benoît Duteurtre que Sylvain-Moizie livre son nouveau récit qui flirte avec l’absurde dans un monde où les enfants ont pris le pouvoir. Kafkaïen tout du long le récit nous expose une société qui pousse jusqu’au bout les travers de celle dans laquelle nous vivons. Pour nous alerter en quelque sorte sur ce qui pourrait advenir si nous nous laissions enfermer dans des systèmes de pensée étriqués. Sous fond de société pervertie aux reality shows, l’auteur dénonce ainsi les tares du système que nous connaissons tous, des problèmes qui se résument dans les grandes lignes en un mode de vie qui se fout de l’écologie, de la culture, du respect de l’autre et qui ne perçoit pas le danger de tout cela. Une société nauséeuse dans laquelle tous les basculements sont possibles… pour le meilleur et pour le pire !
Sylvain-Moizie – La petite fille et la cigarette – La Boite à bulles – 2016 – 24 euros

Le problème avec les femmes

C’est bien connu les femmes se fatiguent vite à penser car leur cerveau reste plus petit que celui des hommes. Certains annoncent un volume bien plus étroit tandis que d’autres affirment avec assurance qu’il ferait 140 grammes de moins. Ainsi le rôle des femmes dans la société se doit d’être adapté à ce qu’elles savent le mieux faire : le ménage, s’occuper des enfants, coudre ou autres menues tâches réalisées dans la sphère domestique. C’est tout du moins ce qu’affirment, théories étayées à l’appui, la plupart des penseurs établis des dix-huitième et dix-neuvième siècles, à savoir les éminent Darwin, Rousseau, Schopenhauer, Kant, Maupassant et consorts. La disposition des femmes à la culture, la science et tout ce qui met à contribution leur cerveau reste bien évidemment à proscrire pour ces messieurs soucieux du rôle des femmes et de leur bien-être. Bien-être car effectivement il serait admis à cette époque que s’adonner penser pour une femme pourrait nuire à sa beauté. Calvitie précoce, pousse de barbe, seins flétris, épuisement accéléré… quand la tenue en main d’un stylo pourrait de surcroît entraîner une chlorose qui affaiblirait le débit sanguin avec des conséquences pouvant s’avérer fatales…
Avec Le problème avec les femmes, son septième recueil de dessins commentés, Jacky Fleming met en lumière avec une dérision constante, ce que pouvait être la vision de la femme il n’y a pas si longtemps. Une femme qui se verrait cantonnée à des tâches domestiques exercées dans une sphère close sur elle-même. Une femme ne peut se compromettre dans un quelconque art ou dans une éducation poussée qui lui infligerait des dégradations physiques qui nuiraient à sa beauté. Message édifiant pourtant encore et toujours d’actualité à notre époque qui navigue à vue dans une vague réactionnaire sans précédent. Le siècle des lumières portait en lui des messages d’espoir sur la capacité de l’homme à composer avec son époque aidé par la science. Le rôle de la femme se trouvait pourtant étrangement confirmé dans des barrières bien trop étroites. Des barrières qui ne se sont pas forcément encore totalement ouvertes à notre époque…
Fleming – Le problème avec les femmes – Dargaud – 2016 – 12 euros   

Azadah

Lorsque Azadah apprend un peu par hasard qu’Anja son amie photographe mandatée par l’ONU s’apprête à partir par la prochaine navette en direction de l’Occident, la jeune fille traverse la ville en courant pour tenter de la convaincre de l’amener avec elle vers un avenir meilleur. Le triste sort réservée aux filles dans ce villages musulman traditionnaliste ne séduit pas Azadah qui souhaite au contraire s’ouvrir à la vie, côtoyer des gens, s’ouvrir à la culture et à la science. Avant un départ déchirant la photographe laisse à la petite fille son sac à dos dans lequel sont contenus tout un tas d’objets hétéroclites mais qui réunis pourraient s’avérer être une vraie chance de s’extraire du sort qui lui est promis.
Avec beaucoup de sensibilité, en dosant les mots pour qu’ils pèsent de tout leur poids, Jacques Goldstyn livre un récit dédié à la jeunesse qui aborde de front plusieurs sujets dont celui du rapport de l’enfant à l’adulte mais aussi dans le contexte du récit le choc des cultures. La petite Azadah s’est construit un imaginaire de ses discussions avec Anja. De doux rêves qui ne trouvent pas de voies possibles dans le village intégriste où elle réside dans lequel le sort des femmes, qui portent la burqa, n’est pas promis à un bel avenir. Avec beaucoup de justesse, des dessins minimalistes mais ô combien expressifs, le dessinateur fait indéniablement mouche. Il pose son regard critique en permettant pour la jeune Azadah de croire encore aux possibles. Une espérance salutaire dans un climat peu propice à l’épanouissement.
Jacques Goldstyn – Azadah – La Pastèque – 2016 – 15 euros 


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