Seconde moitié du XIXème siècle. Dans de grands hangars surchargés les scientifiques s’affairent autour de projets plus ou moins fous. L’époque industrielle, poussée par une envie de savoir sans borne favorise toutes les extravagantes recherches. Dans ce contexte la recherche de l’éther, qui agite la communauté scientifique depuis l’antiquité, fait office d’une véritable attention et parfois des plus sournoises…
Nous sommes en 1868, ère de l’industrie triomphante. Les chercheurs et scientifiques de tous poils tentent par tous les moyens de faire reculer les limites de notre savoir, de s’aventurer en des territoires inconnus capables de révéler ce qui deviendra peut-être incontournable demain. Dans ce contexte d’agitation permanente, l’imaginaire des chercheurs possède au moins autant de valeur que leurs connaissances pures. Un nouveau monde s’offre ainsi à celui qui repousse sans cesse ces no man’s land inconnus sur lesquels flottent parfois les plus vifs obscurantismes.
C’est dans ce contexte que Claire Dulac prépare son dirigeable, vérifie son brûleur et son équipement avant d’effectuer un grand voyage dans les airs à plus de 11 000 mètres du sol. Son but est simple prouver l’existence de l’éther, cette matière impalpable dans laquelle les ondes lumineuses sont censées se percuter, se chevaucher, se répande à grande vitesse. Si elle y parvient elle entrerait définitivement dans l’histoire des sciences là où d’autres, tels Descartes, Newton, Thomas Young, Ampère ou Augustin Fresnel se sont cassé les dents. Mais le pari est risqué, et personne n’est allé jusqu’à ce jour aussi haut en dirigeable, qui plus est alors que la météo ne semble pas des plus favorable. La jeune femme, et malgré l’insistance de son époux, lui-aussi chercheur, et sous le regard de son jeune fils Séraphin, va pourtant prendre les airs mais ne retrouvera jamais le sol terrestre. Un an plus tard Archibald Dulac reçoit une lettre anonyme dans laquelle il est invité en Bavière. Le carnet de sa femme, dans lequel elle couchait les résultats de ses observations aurait été retrouvé. Le point de départ d’une aventure palpitante au long cours…
Sur le fond Alex Alice parvient à nous replonger en enfance. On peut retrouver dans ce projet des souvenirs d’histoires extraordinaires à la Jules Verne ou Albert Robida, avec le lot de mystères attachés à ces récits, des rebondissements savoureux qui nous poussent à tourner les pages pour connaitre la suite du récit, un léger voile fantastique qui entoure cette épopée sur des terres lointaines et encore préservées, une histoire où la technique, les inventions alimentent aussi la trame du récit. Bref on salive à chaque planche et ce n’est rien de le dire tant le travail d’Alex Alice est abouti. Réalisé en couleurs directes qui accompagnent un trait subtil et expressif, chaque planche offre ainsi son lot de surprises par l’intermédiaire d’un rythme impulsé au fil des cases ou de pauses qui permettent de développer des paysages grandioses que l’on parcours de long en large.
Sur la forme le Château des étoiles publié en trois volets de 24 pages sur les mois de mai, juin et juillet fera l’objet d’une édition classique au format BD et d’une édition spéciale dans la même veine que l’édition du Horla de Guillaume Sorel paru chez le même éditeur. On retrouve donc avec un plaisir non dissimulé le principe du feuilleton en journal grand format, comme nous avions pu le découvrir en son temps avec le projet L’Etrangleur de Tardi. Cette maquette en A3 proche du format des planches originales de l’auteur permet non seulement de se plonger véritablement dans l’histoire avec nos mirettes qui sillonnent les double-planches sur toute leur hauteur et toute leur largeur mais elle autorise aussi l’ajout d’une partie « journal », faite de nouvelles et faits divers ayant un lien direct avec l’épopée de nos héros ou le contexte historique qui se développe sur la partie dessinée. La suite l’année prochaine avec le second opus de ce Château des étoiles plein de promesses… Mention spéciale à l’éditeur Rue de Sèvres qui réalise avec ce projet une communication ludique qui ne peut que ravir les grands enfants que nous sommes encore.
Alex Alice – Le château des étoiles T1, 2 et 3– Rue de Sèvres – 2014 – 2,95 euros l’un.