Lorsqu’Ovide part à la recherche de son frère Gédéon dont il a perdu trace depuis plus d’un mois, il ne s’attend pas à vivre une aventure déroutante dans laquelle il manquera à plusieurs reprises de perdre la vie. Le Mangeur d’âmes nous vient du Québec dont il garde les grandes étendues neigeuses. Mais même dans le froid le plus rigoureux peuvent se dérouler des récits épiques et fantastiques !
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Alors que l’hiver touche à sa fin Ovide, grand gaillard québécois, part à la recherche de Gédeon son frère jumeau disparu alors qu’il chassait. De sentiers enneigés en chemins impraticables, le jeune homme, en s’aidant de Picou, le chien de son frère, suit une piste le menant vers un lac considéré comme maudit le Lac-à -l’Ombre. Ce sinistre lieu possède en effet la particularité d’alimenter la légende quant à nombre de disparitions dans la région depuis les temps les plus reculés. Il est dit en effet qu’un monstre sévirait dans les eaux du lac… mais puisque personne n’en a vraiment réchappé, personne ne peut témoigner de son existence et de sa nature. Lorsqu’il arrive sur le site, Ovide profite du gel des eaux pour longer les berges lorsqu’il est interpellé par la voix d’une jeune femme venant des étendues glacées. Lorsque celle-ci découvre le visage d’Ovide elle semble surprise de le voir marmonnant un étrange : « Vous ! c’est impossible (…) Excusez-moi je vous avais confondu avec un autre ». La jeune femme lui dit être une sirène prisonnière des eaux et d’un monstre dénommé Shoshaminissipeshimini. Du dialogue échangé Ovide déduit que la sirène a du croiser son frère et qu’elle doit en savoir un rayon sur le lieu où il peut bien être. Considérant cela le fringant canadien décide de prendre du recul pour analyser la situation. Il reviendra auprès de la sirène à la nuit tombée et conclura avec elle un marché plutôt honnête, la libérer contre le récit de ce qui est arrivé à son frère Gédéon…
Le mangeur d’âme réussi cet heureux mariage de légendes amérindiennes et celtiques, tout en revisitant le mythe des sirènes et des dragons. Vous me direz que tout cet amas d’influences aurait pu nuire au récit. Que nenni ! Mené tambour battant en alternant les scènes de combats, de réflexions sur la nature de l’homme, avide de pouvoir et d’argent au point d’en oublier son… âme, cet album respire la fraicheur des grandes étendues neigeuses. Et puisque nous évoquons l’âme, il n’est rien de dire que celle des hommes possèdent une certaine fragilité au point de devenir vaporeuse lorsqu’elle est tentée par maints et maints appâts représentés ici par la sirène, superbe femme dénudée qui attire les hommes dans les pièges dressés contre eux ou celui des richesses à accumuler qui, dans les campagnes pauvres et reculées du Québec, sonnent comme de vrais rayons de soleil vivifiant. Dans ce contexte de déraison, le malin s’étant glissé entre les flocons de neige, les hommes perdront de leur superbe et seuls ceux qui ne feront pas appel à leurs instincts les plus primitifs réussiront peut-être à sauver chèrement leur peau. Cet album a été édité une première fois chez Glénat Québec en 2011. Le récit nous est proposé cette année avec sa suite qui forme le second volet d’un triptyque plutôt efficace. Les mythes et légendes se fondent dans cette histoire qui est dopée tout du long par un humour omniprésent. Le dessin semi-réaliste sert quant à lui son propos. Patrick Boutin-Gagné arrive en permanence à densifier l’action notamment dans les scènes nocturnes de combat du premier volet ou dans cette façon de suspendre les spectres sur les terres maudites sur lesquelles se déroule l’action de cette histoire dans le second tome. Les hommes finiront par tuer la bête tapie au fond des eaux mais au lieu de se voir fortifiés par leur action vont découvrir que le plus dur reste à venir, protéger le lieu défendu par le dragon Shoshaminissipeshimini, car il est dit que les dragons sont les ultimes gardiens de grottes ou autres emplacements stratégiques dans lesquels il faut parfois ne pas vouloir trop s’aventurer…
Lapierre & Boutin-Gagné – Le mangeur d’âmes T1 & 2 – Vent d’Ouest – 13, 90 euros l’un