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Le coin des vieilles feuilles : Muret 1213 de Bézian et Nortier

Parfois, en cherchant une BD dans nos étagères il nous arrive de mettre la main sur un récit que l’on avait un peu oublié mais qui nous avait procuré par mal de plaisir à sa lecture. Parfois encore on retrouve par accident, chez un soldeur, sur un marché ou ailleurs, un récit rare ou méconnu d’un auteur que l’on apprécie et la curiosité nous pousse à l’acheter. Le coin des vieilles feuilles, votre nouveau rendez-vous du lundi mettra en avant ce type de récit. Avec pas mal de surprises à la clé !

Et quoi de mieux que de commencer par une petite histoire, celle qui m’aura permis de mettre la main sur un récit quasi-introuvable de Frédéric Bézian ? Ceux qui me suivent depuis un certain temps le savent déjà, je travaille depuis quelques mois, pour la maison d’édition PLG, à la rédaction d’une monographie consacrée à l’auteur de l’incontournable Adam Sarlech. Pas évident, ce type d’exercice suppose de maitriser l’ensemble de la production d’un auteur, de pouvoir en faire la synthèse en s’attachant à comprendre les influences, l’évolution du style et des intentions, de pouvoir aussi contextualiser l’œuvre au regard d’une époque. Avec l’aide très précieuse du dessinateur toulousain, j’ai donc attaqué ce projet avec l’idée de proposer une lecture de l’œuvre tout à la fois chronologique, œuvre par œuvre, mais aussi et surtout thématique, car une œuvre comme celle de Bézian répond de la part de son auteur à des aspirations et des intentions précises, parfois aussi à un vécu personnel qui se transcrit dans les planches proposées.

Concrètement la première partie de la carrière de Bézian (1980 – 1993) se divise en trois parties distinctes. La première concerne les travaux d’étudiant alors que l’auteur en devenir en était encore à cirer les bancs de Saint-Luc (L’étrange nuit de Monsieur Korb et Ginette, Martine, Josiane), la seconde, celle qui nous sépare du premier volet de sa trilogie Adam Sarlech qui voit le jour en 1989, comprend les récits inspirés du décadentisme littéraire, une période de profonde recherche qui flirte avec le gothique et le macabre (Fin de siècle, Totentanz – La danse des morts), la troisième donc celle de la trilogie Adam Sarlech.

Au milieu de cette période un petit récit, commande de la mairie de Muret près de Toulouse, voit le jour, Muret 1213, la bataille. Il prend la forme d’une plaquette de 20 planches dessinées, avec l’aide de Viviane Nortier au récit. Y est contée la célèbre bataille de Muret qui devait mettre aux prises le monde cathare représenté notamment par Pierre II d’Aragon et Raymond VI à la volonté de Rome et d’Innocent III de mettre fin à une hérésie jugée inacceptable. En ces temps-là le pouvoir du Comté de Toulouse et des états voisins, est loin d’être anecdotique et, pour le roi de France Philippe Auguste, soutenir la fronde contre le catharisme ne pouvait que lui permettre de poser son influence sur des territoires qui lui échappent depuis trop longtemps. Les combats seront confiés à Simon de Montfort, dont l’armée, bien que très nettement moins dense que celle du comte de Toulouse, du Roi d’Aragon et de leurs alliés, devait déjouer les prévisions les plus folles.

Dans la carrière de Frédéric Bézian ce récit qui prend place entre Fin de siècle et Totentanz, reste éloigné des préoccupations du moment de l’auteur. Commande nous l’avons dit de la Mairie de Muret, ce récit est introuvable partout. D’abord car il a été produit en dehors du circuit traditionnel (pas d’ISBN, donc pas de référencement possible notamment en bibliothèque) et que ses intentions affichées n’étaient pas foncièrement d’inscrire ce récit dans la production de bande dessinée de l’époque, mais bien plus de mettre en scène, avec toute sa dramaturgie, cet épisode de l’histoire de la Ville. Le trouver n’a donc pas été mince affaire, même s’il m’aurait été plus simple de demander à Frédéric Bézian qu’il me fournisse des copies des planches. Déformation professionnelle, l’ancien archéologue que je fus dans une autre vie, aime chercher, fureter, débusquer par lui-même les choses les plus rares. Merci profondément à la personne qui m’a permis de mettre la main sur un exemplaire de cette plaquette, alors que la résignation commençait à gagner du terrain dans mon esprit.

Car même si le récit n’épouse pas la logique de l’œuvre en construction de l’auteur toulousain, qu’il détone presque dans sa bibliographie (seul récit historique de sa production) Muret 1213, la bataille laisse apparaître la touche de Bézian, dans un récit qui louvoie, qui suggère plus qu’il ne montre. De cette bataille, comme le souligne le sous-titre de la plaquette, on ne voit presque rien. Seule une planche (la seizième) laisse apparaître des affrontements directs entre les différents protagonistes de ce fait de guerre (des mouvements et charges de cavaliers apparaissent toutefois en planches 13 et 14). Le récit s’attarde par contre, à lire, à documenter les moments qui précèdent la bataille, avec toute la dramaturgie de l’instant, des tensions palpables, des peurs et de l’errance des esprits envahis par le doute. Pour dépeindre cela le trait vif, incisif, nerveux, sinueux de Bézian sert le propos pour donner à voir des visages qui se crispent face aux combats à venir et des corps fatigués par les efforts déjà consentis. Si ce projet reste un ovni dans la carrière de Bézian, il possède pourtant pas mal d’intérêt, au moins pour nourrir mon travail monographique.

Nortier & Bézian – Muret 1213, la bataille – Mairie de Muret – 1986


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