La case du Mardi propose de parcourir une œuvre à partir d’une case ou d’une planche qui résume un des points essentiels développés dans un récit. Un moyen de découvrir une œuvre différemment en s’attachant parfois à des détails qui en disent beaucoup…
Une jeune femme qui se prénomme Louise prend place dans un avion et se remémore des instants passés des plus troublants. Des instants où elle croit deviner, dans le regard des gens, leur mort à venir. Elle détecte dans les yeux des futurs trépassés, un voile dont le premier avait été lu dans le regard de sa grand-mère mourante. Louise possède ainsi un don sur lequel elle ne peut hélas pas intervenir pour influer sur le cours des événements à venir. Là un ami de la famille, là encore un professeur ou une connaissance de bureau. Louise détecte la mort comme si elle était greffée en elle au point de la retrouver dans la vision des personnes qu’elle croise. Mais qu’adviendra-t-il lorsque le pire sera à venir pour la jeune femme ? Lorsqu’elle apercevra la mort pointer à sa propre porte ?
Nous connaissons tous Clarke pour son travail de longue haleine sur la série Mélusine (26 tomes parus à ce jour depuis 1995) éditée chez Dupuis. Depuis 2005 et Luna Almaden paru chez Dupuis dans la collection Aire Libre sur un scénario de Denis Lapière, le dessinateur s’essaye à des récits réalistes qui lui offrent la possibilité de travailler une autre facette de son talent. Suivront quelques autres projets adultes assez sombres, tels Nocturnes (2010) où il se fait auteur complet, ou plus proche de nous Dilemna (2016 – Le Lombard). Depuis 2015 il s’essaye à un autre registre, celui des histoires courtes sombres, développées dans sa série Réalités obliques, dont il nous propose le troisième opus avec Rencontres obliques. Comme le thème et les titres de ces trois albums le laissent entrevoir, les récits naviguent dans un no man’s land difficile à cerner, une troisième ou quatrième dimension dans laquelle, si des repères à notre monde sont toujours présents, pas mal d’ « accidents » viennent perturber le réel.
Des accidents qui entrainent la plupart du temps les héros de ces brefs récits dans des situations difficiles voire mortelles. Le dessinateur s’impose en défi de développer chaque histoire en quatre planches de quatre cases soit seize cases pour introduire son récit, laisser planer le suspense et en proposer une chute radicale. Exercice de style qu’il semble maitriser parfaitement après deux premiers opus contenant 25 histoires. Pour ce troisième rendez-vous Clarke a demandé à des scénaristes qu’il apprécie de composer un scénario qu’il illustre ensuite avec les mêmes exigences narratives et graphiques. Vehlman, Kid Tousaint, Dugomier, Safieddine, Zidrou, Foerster, Andreas, Aimée de Jongh, Raoul Cauvin ont ainsi écrit chacun une brève histoire qui se fond totalement dans l’esprit du projet. Les histoires de ce troisième album jouent, comme les précédentes, sur des décalages permanents avec la réalité qui voit son unité de temps, d’espace, de dimension sévèrement mis à mal. Une réussite parfois glaciale qui rappelle de mauvais rêves ou ceux que l’on ne voudrait jamais faire !
Clarke – Rencontres obliques – Le Lombard – 2018