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Lancelot en Tirage de Tête, un cadeau à offrir et à s’offrir ! L’interview d’Alexe

Lancelot, les chevaliers de la table ronde. La légende fascine. Même si elle a été mainte et mainte fois développée sous diverses formes (cinéma, séries TV, œuvres musicales, BD, spectacles), elle peut encore nous émouvoir. Lorsqu’Olivier Péru engage en 2008 une collaboration avec une jeune auteure encore méconnue, Alexe, il s’engage sur une pente glissante car les comparaisons sont légions. Le projet vit pourtant sa vie, avec un talent qui explose au fil des planches, celui de sa dessinatrice exigeante et qui se remet sans cesse en question. Le projet donne aujourd’hui lieu à un tirage spécial… Un tirage en lice pour le Grand Prix des lecteurs 2014 !  

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Lancelot comme la plupart des projets élaborés par l’association Les Sculpteurs de Bulles, bénéficie d’un espace particulièrement dense pour exposer le talent du dessinateur, graphiste, créateur d’univers. Pour ce nouveau défi, l’éditeur de para-bd propose un livre plutôt épais (ils le sont tous, celui-ci peut-être plus qu’un autre). A l’intérieur on y retrouve tout ce qui fait le plaisir de l’amateur du neuvième art. Dessins inédits, recherches de couvertures, story boards, crayonnés divers, éléments du scénario fournis par Olivier Péru qui expose aussi le travail d’appropriation du projet par la dessinatrice nantaise. La cerise sur le gâteau reste bien entendu la reproduction intégrale en noir & blanc des quatre opus qui composent cette série initiée en 2008. Le lecteur peut y dénicher l’évolution du style de son auteure, avec un travail plus affiné/affirmé notamment sur l’expressivité des personnages, la recherche du ton juste, de la densité graphique par le soin porté aux détails. Si les deux premiers volets qui composent la jeunesse et l’apprentissage de Lancelot sont reproduits en vignettes (quatre planches par page), le troisième volet qui ouvre la partie adulte est présenté en pleine page. Le dernier volet quant à lui, qui clôt la série est proposé avec story board intégral et scénario détaillé d’Olivier Péru. Un projet qui forme un tout. Suffisamment riche de surprises pour l’amateur de cet univers, et suffisamment soigné dans sa forme, avec couverture molletonné sobre et efficace qui donne tout de suite l’envie d’entrer dans le sujet, exigence d’un papier épais de qualité et bonus en couleur, bref ce Tirage de tête fait honneur à la para-bd, qui, même si elle reste encore l’affaire de fans et se veut donc confidentielle par les coût élevé de fabrication, démontre qu’elle peut trouver une voie dans sa mise en valeur du neuvième art !

Alexe/Péru – Lancelot intégrale – Les Sculpteurs de bulles – 2014 – 175 euros en version classique (225 euros en version Exclusive avec un dessin original et unique d’Alexe au format A4)

 

Interview d’Alexe 

Couve_Trichro_OriginalComment as-tu été approchée par Les Sculpteurs de Bulles et que connaissais-tu, avant de travailler sur le Tirage de tête Lancelot, de cet univers parallèle qu’est la para-bd ?
J’avais vu quelques-unes de leurs productions sur Facebook. En fait ce sont mes lecteurs sur BDGest qui leur ont demandé de faire un Tirage de tête (TT) sur Lancelot. J’ai de la chance, ça a pris de suite !

Pour ce projet tu as été amenée à travailler certains aspects, notamment des illustrations supplémentaires. Peux-tu nous dire en quoi a consisté ton travail sur ce projet éditorial ?
Il a été un peu plus complexe que ça, déjà il a fallu décider de ce qu’on voulait mettre dedans, au début je ne voulais pas du tome 1. Comme les tomes 1 et 2 sont liés, cela conduisait à n’en publier aucun des deux. Et puis les lecteurs ont insisté auprès des Sculpteurs pour avoir une intégrale, et j’ai finalement accepté. Voilà pourquoi les planches apparaissent en petit format dans le TT. La qualité des pages du tome 1 ne méritaient pas à mon sens un grand format N&B. Dans la lecture de Lancelot il y a vraiment deux époques. Les tomes 1 et 2 évoquent la jeunesse, et les tomes 3 et 4 la période adulte, bien plus sombre… On ne pouvait donc pas les séparer. Ensuite j’ai dû me replonger dans tout le matériel de la série depuis 2006 (date du début de l’album). Les Sculpteurs ont choisi certaines choses que j’ai refusé en bloc, trouvant ça mauvais, ou pas assez bien pour le TT, j’ai donc rajouté 2/3 nouvelles illustrations, du story, de la genèse des planches… J’y ai mis ce qui m’intéresse vraiment dans la conception d’albums. Olivier Péru a écrit un poème pour l’illustration de Viviane, bref des choses nouvelles. On a aussi décidé de mettre le script car on trouvait ça intéressant. Bref tout ça a évolué sur plusieurs mois. Mon retard nous a permis finalement de réfléchir et d’optimiser la maquette à fond. Et le résultat est bien meilleur que si on avait tout plié en deux semaines. D’une manière général, je n’aime pas travailler à la va-vite.

IMG_2388Ce projet reprend l’intégralité de la série publiée aux éditions Soleil dans sa version encrée pour les tomes III et IV avec la reprise des story-boards. Même si le tirage reste confidentiel considères-tu ce projet comme une vitrine pour exposer ton travail graphique ?
Oui tout à fait. Egoïstement, au moins je peux présenter mon travail complet… de cette époque. Pour moi c’est important. Ca va bien au-delà des pages, et puis au moins on voit le travail N&B. A la base depuis le tome 3, Lancelot est pensé pour le N&B… parce que j’aime ça.

Es-tu quelqu’un qui attache de l’importance au livre-objet, au contenant autant qu’au contenu et que penses-tu de cette volonté (et cette dévotion) affichée par certains micro-éditeurs de proposer des projets de ce type ?
J’adore les livres. J’adore leur odeur, j’ai un rapport charnel avec. J’aime les belles bibliothèques… les livres qui ont leur vécu… Et effectivement, j’étais très attachée au choix de matériaux, et je dois dire que les Sculpteurs n’ont pas lésiné sur les moyens pour ce TT. Je trouve que c’est un bel objet, sans parler du contenu. Je voulais un livre beau et classe, pas de couverture dessinée, et là-dessus on a été sur la même longueur d’onde…

L2_Couve_N&B_V1Lancelot a occupé une partie de ta vie d’artiste depuis 6/7 ans. Peux-tu nous dire si, tout au long de ce travail, tu es passée par des périodes de doutes ?
Je suis le doute incarné. D’ailleurs ça tape sur le système de mes proches et des lecteurs fidèles qui me suivent ! Mais j’aime le doute, la remise en question. J’ai une peur viscérale de tomber dans l’excès de confiance… J’aime progresser, apprendre, améliorer, j’aime que mon travail soit en perpétuelle évolution. Le fait de se satisfaire de ce que l’on fait est, à mon sens, une régression créative. Lancelot est une série particulière, car au moment où je dessinais, j’ai vécu moi-même des phases très difficiles de maladie coup-sur-coup, décès de ma mère, santé défaillante de mon père, ça m’a suivi tout au long de ces huit ans de création. Donc le mal-être de certains personnages, notamment au tome 3, était une sorte de mimétisme, de transfert, on s’en ai servi Olive et moi. C’est aussi une bonne source de création. Mais je vis intensément ce que je dessine, d’une manière générale, même si aujourd’hui tout cela est bien derrière moi !

En tant que jeune artiste penses-tu que cette série construite dans la durée a permis de peaufiner ton style graphique et d’affiner tes choix techniques ?
C’est évident. J’ai commencé Lancelot, je ne savais rien faire ou quasiment rien. Jean-Luc me faisait les story-boards car j’en ignorais tout… J’ai commencé au crayon étant bloqué sur l’encrage. Puis au tome 2 Olive m’a mise en confiance et m’a appris à faire les story, je suis passé du crayon à la Cintiq, j’ai commencé à assumer réellement ce que j’aimais faire et mon « style ». Donc mes techniques et mes envies, changent tout le temps, ça permet, encore une fois d’apprendre. Là je suis sur La Geste des chevaliers dragons, et j’ai encore changé, je suis enfin revenu au tradi et au pinceau pour l’encrage, pour la première fois…. Je n’imagine pas une vie entière de création en faisant toujours la même chose techniquement parlant. Je suis curieuse et avec moi faut que ça bouge sinon je m’ennui…

L4_ n&b_P33(32)L’édition des Sculpteurs de bulles offre le scénario d’Olivier dans son intégralité avec les détails qu’il te communiquait sur la réalisation de chaque case. Considères-tu cela comme un confort de travail ou un frein à ta propre vision du projet et à ta création ?
Non au contraire, ça n’est pas un frein, car quand je veux changer, si c’est probant, je change. Vous savez la BD c’est la narration, le scenario et le story-board. Tout doit concorder à la narration et à la lisibilité de l’histoire. Je suis là au service de l’histoire, je fais mes story en fonction de ce que veut Olive, de ce qu’on discute et de la vision que j’en ai… J’apporte ma propre dimension émotionnelle sur laquelle il va rebondir sur les pages d’après. On n’a pas le scenario d’un coup et tant mieux. On connaît les grandes lignes mais ça doit évoluer en vases communicants… pour être réellement adapté.

La para-bd est un milieu réservé essentiellement aux bédéphiles prêts à se faire plaisir sur des livres-objet d’un certain prix. Quels retours as-tu eu du public sur ce projet (lors des dédicaces notamment) ?
Le para-bd est très cher malheureusement, et vu les coups de fabrication, il est difficile de baisser les prix. C’est pour cela que, quitte à en faire un, autant qu’il soit le plus nickel possible pour que les gens soient contents… Et de ce qu’on a pu me dire, ils ont l’air content !

Si un éditeur de Tirages de tête te sollicitait pour réaliser un nouveau projet sur une série à venir signerais-tu tout de suite ?
Ca dépend qui et pour quoi. Vous savez c’est long, et j’aime bosser en étroite collaboration. Un TT ça se pense et ça doit se justifier. Faire une intégrale pour la fin d’une série c’est bien… Je verrai bien en temps et en heure venue, je ne suis pas forcément pour faire un trop plein de sorties de para-bd, je préfère la qualité à la quantité !

Que retiens-tu de cette expérience ?
Intense, plein de rebondissement, et un vrai apprentissage, et au final la satisfaction des lecteurs c’est vraiment plaisant ! Et puis les Sculpteurs ont fait un très bon travail dessus, ça clôture vraiment bien ma première série !