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Les BD du Mercredi : Les grands espaces (Dargaud), Eldorado (Futuropolis) et Roucou (çà et là)

Le mercredi c’est désormais trois albums sur lesquels nous portons notre attention. Trois livres qui font l’actualité, trois conseils de lecture, dans une diversité de genre et de format, pour aiguiser la curiosité de chacun !

Après les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015, Catherine Meurisse avait éprouvé le besoin de s’éloigner un peu de l’agitation médiatique pour se retrouver, faire un point sur sa vie personnelle et artistique, retoucher à l’essence de l’art et du beau. Cette période de « respiration » intellectuelle donna lieu à un album paru chez Dargaud en 2016, La légèreté. Elle nous revient deux ans plus tard avec Les grands espaces, un récit qui trouve une résonnance à ce précédent opus dans cette manière de toucher aux choses essentielles, fondatrices. Ici c’est son enfance qu’elle met en scène. Une enfance passée avec ses parents dans une campagne française stimulante par ce contact direct qu’elle offre avec les choses et cette invitation à chercher dans la nature les beautés du monde.

Le récit porte en lui la distance des évènements de 2015 avec le développement d’un ton plus léger et humoristique qui touche au plus près de l’enfance de l’auteure. Le côté nostalgique qui transpire de chaque planche s’immisce au cœur même du paradis perdu de la demeure et du vaste jardin entretenus patiemment au rythme des saisons par des parents soucieux de respecter la nature dans sa grande diversité. On peut voir dans ce récit tout un questionnement sur la transmission, une invitation aussi à prendre le temps pour observer le monde qui nous entoure, devenu, au fil du temps, plus fragile, tout comme ce rapport à l’art qui lie les deux projets La Légèreté et Les grands espaces, à savoir l’art. Dans son nouveau projet Catherine Meurisse met en scène une visite qu’elle a effectuée avec sa sœur au Louvre pour découvrir des tableaux inspirants. Les jeunes filles s’attardent sur deux œuvres d’Hubert Robert, d’abord le Projet d’aménagement de la Grande Galerie du Louvre dans lequel tout un lots de peintres travaillent à copier des œuvres exposées au Louvre et Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines, qui dépeint la même scène après que le Louvre soit devenu vestige d’un passé que l’on suppose riche et glorieux. Pour Catherine Meurisse cette scène sonne comme la reconstruction à accomplir. Les ruines possèdent une valeur de respect attachée aux grandes civilisations, comme un repère, une balise qui doit nous inviter à penser et repenser le monde, à comprendre son évolution et les futurs possibles sur lesquels il est parfois bon de se questionner pour les construire à l’image que l’on souhaite d’eux. Un récit stimulant construit au crayon, pour rappeler l’enfance et le travail sur la matière qui façonne l’œuvre et libère son naturel.
Catherine Meurisse – Les grands espaces – Dargaud – 2018

 

Etats-Unis au début du vingtième siècle. La révolution industrielle a modifié la donne sociale avec, pour conséquences, un asservissement toujours plus fort du monde ouvrier au bon vouloir de patrons plus préoccupés par leurs dividendes que par le bien-être de leurs employés. Dans ce contexte trouble se fomentent les grèves les plus dures, celles encore capables d’infléchir, même de façon symbolique, les décisions prises dans des bureaux aux portes capitonnées. Marcello, fils d’immigrés italiens, fait partie des syndicalistes les plus radicaux. Il tente, dans des discours toujours plus passionnés, de reconduire et de durcir le mouvement de grève amorcé il y a deux semaines déjà dans l’aciérie qui l’emploie. Mais la grève use les ouvriers qui n’ont que peu de marge financière pour accepter des jours de salaire en moins. Chez Gino, le bar où pas mal d’ouvriers se retrouvent en fin d’après-midi, un homme brandit haut un journal ventant le travail très bien rémunéré offert par la société qui construit, quelque part en Amérique centrale, un gigantesque canal, L’Eldorado. Certains vont céder à la tentation mais pour Gino, qui souhaite épouser la belle Louisa, l’enjeu est ailleurs, dans la lutte sans merci contre ses actuels patrons. Sauf qu’un jour où il a trop bu, il se voit embarqué de force sur le navire qui le mène vers L’Eldorado… avec, comme tout solde de départ, la dette du trajet à rembourser.

Le jeune Damien Cuvillier, remarqué pour son travail sur Nuit noire sur Brest, s’attaque avec Eldorado à un projet ambitieux. De par sa pagination dense de 176 pages denses et par la nature même du récit qui repose avant tout sur son dessin qui fait passer toutes la palette d’émotions de ses personnages là où le texte et les dialogues se font plus rares. La maitrise de l’aquarelle qui se dévoile dans ce projet montre que Damien Cuvillier possède l’étoffe des grands. Tout est juste dans le ton, les teintes, les cadrages et la manière de mixer les intentions et leur réalisation. Eldorado, qui se veut révéler la passion amoureuse d’un héros coupé de sa belle, et qui va tenter de conserver, par l’envoi journalier de lettres enflammées, le lien fragile qui les réunit encore, alterne espoir et résignation. Résignation d’une femme abandonnée, d’indiens qui ne peuvent qu’observer les ravages de la colonisation, d’hommes qui n’envisagent même plus de demander des comptes à un employeur qui les exploite bien loin d’un pays de droit. Un superbe récit sur la plongée progressive d’un homme dans une irrémédiable aliénation.
Damien Cuvillier & Hélène Ferrarini – Eldorado – Futuropolis – 2018

 

La bande dessinée sud-américaine d’auteur bénéficie en France d’un coup de projecteur depuis quelques années poussée par quelques maisons d’éditions curieuses et exigeantes comme peuvent l’être l’Agrume (Powerpaola, Maria Luque, Jesus Cosio…), Insula (Natalia Nova, Pedro Mancini, Gervasio Troche…) ou encore çà et là (Marcelo d’Salete, Marcello Quintanilha…). C’est cette dernière qui nous présente aujourd’hui Alberto Montt, auteur équatorien reconnu en son pays, au travers d’un album épais de 148 pages regroupant des mini-récits sur la vie de l’auteur.

Des situations souvent cocasses décortiquées au scalpel sous forme d’autodérision, avec un humour et un détachement constant. On flirte parfois dans les intentions avec un Derf Backderf mais avec un dessin plus épuré dans lesquels les décors sont quasi absent pour laisser apparaître, en arrière-plan, les narratifs de chaque histoire. L’auteur précise en préface que les brefs récits contenus dans Roucou sont issus de sa mémoire des évènements, avec, donc, l’altération que le temps a pu opérer sur leur réalité. Un album surprenant par les choix graphiques, de couleurs et la profondeur du propos qui se révèle au fil des histoires. Recommandé !
Alberto Montt – Roucou – çà et là – 2018


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