Le samedi c’est désormais deux albums sur lesquels nous portons notre attention. Deux livres qui font l’actualité, deux conseils de lecture, dans une diversité de genre et de format, pour aiguiser la curiosité de chacun, en complément des trois titres présentés le mercredi !
Aspirine (dont nous vous parlions dans cette news de présentation lors de sa sortie en juin 2018) s’ennuie d’une adolescence qui se prolonge depuis plus de 300 ans.
Bloquée dans un corps en formation, la jeune fille, vampire de son état, revit sans cesse les mêmes moments de sa vie, des cours à la fac mortifères en passant par la découverte, au petit matin, dans l’appartement qu’elle partage avec sa sœur de 23 ans, des amants qu’elle rend saignants de son ainée.
Ydgor, un jeune ado déboussolé, avide de sensations fortes, et des écrits d’H.P. Lovecraft, va pourtant changer la donne et bouleverser ce quotidien devenu par trop lénifiant… Joann Sfar – Aspirine – Rue de Sèvres – 2018
Qui n’a jamais plongé dans le giallo se doit de se procurer de vieux DVD ou leur version remasterisée pour s’imprégner de l’ambiance que délivrent ses films. La noirceur des cadres, les regards effrayés des victimes, la beauté des femmes qui portent une atmosphère savoureusement érotique, l’horreur de certaines scènes pivots, et, au-delà, dans la forme, cet amas de bric et de broc, dans les décors, les costumes, qui supplante parfois de peu les séries Z, mais avec plus de conviction, d’amour du cinéma aussi et cette idée que le spectateur se voit lui aussi piégé dans le fauteuil de la salle de cinéma où il est si bien calé. Dario Argento, Mario Bava, Umberto Lenzi, des noms qui évoquent quelque chose pour les plus de 40 ans, mais pas forcément au-delà. Des cinéastes besogneux, connaisseurs, passionnés par l’image, qui ont marqué le cinéma italien des années 60 et 70.
Dans Midi-Minuit deux journalistes passionnés de cinéma, François Renard et Christophe Lemaire se voient offert le privilège de rencontrer Marco Corvo, un cinéaste italien oublié, appartenant à ce cercle fermé du giallo. Un cinéaste qui a subitement arrêté de produire pour disparaître totalement de la scène. A peu près au même moment des crimes atroces se produisent la nuit avec, pour victimes, d’anciens chroniqueurs spécialisés en cinéma qui avaient en leur temps sali les films du maître. Ce qui interpelle le plus c’est que ces crimes semblent étrangement liés à la rencontre qui s’engage, dans une villa isolée en périphérie de Bologne, entre Corvo et les deux journalistes français. Pour quelle raison ?
Avec Midi-Minuit le scénariste Doug Hedline et le dessinateur Massimo Semerano livrent un vibrant hommage à ce cinéma alternatif tout comme ils offrent un clin d’œil plein de nostalgie à ce cinéma de quartier, le Brady, qui attirait jadis les amoureux d’un autre 7ème art, plus populaire et moins grandiloquent. Avec des touches d’humour et parfois de légèreté, avec les références posées ici ou là, à partir d’images tirées de films oubliés, les deux auteurs nous plongent dans un cinéma de genre, en tentant de donner vie à ce personnage intriguant qu’est Marco Corvo, fictif mais parfaitement mis en scène et à la biographie documentée. Ils doublent l’intérêt pour le giallo d’une série de crimes troublants et de la disparition, jamais élucidée, de la muse de Corvo, la belle et pulpeuse Luisa Diamanti. Un album réjouissant qui donne l’envie indéniable de se plonger dans cette période du cinéma italien, avec frisson et plaisir !
Doug Hedline et Massimo Semerano – Midi-Minuit – Dupuis – 2018