Le samedi c’est désormais deux albums sur lesquels nous portons notre attention. Deux livres qui font l’actualité, deux conseils de lecture, dans une diversité de genre et de format, pour aiguiser la curiosité de chacun, en complément des trois titres présentés le mercredi !
Louis Barthas était un poilu comme un autre, caporal d’une guerre qui aura marqué les esprits et les corps. Instruit, antimilitaire de gauche, le jeune homme entre dans le conflit avec une certaine aversion mais un respect des règles. Très vite il sent que ce conflit ne sera pas la balade de santé dont parlent un peu tous les soldats engagés volontaires ou pas qui l’entourent. Il se décide donc à prendre des notes, pour se souvenirs des instants, les transmettre aussi aux jeunes générations pour pouvoir crier haut et fort : Plus jamais ça. Au sortir de la guerre il retravaille ses notes qui donneront au final dix-neuf cahiers d’écoliers. Le récit très bien écrit, hyper-documenté aurait pu tomber dans l’oubli ou se voir réduit à une audience familiale.
Pourtant un choix de textes est publié en 1977 à l’initiative de son fils. Un an plus tard François Maspero en propose l’intégralité dans une édition à la diffusion plus large. Fredman, auteur de La vie secrète chez Casterman, décide d’en proposer une version dessinée augmentée d’extraits de textes. La fusion de l’image qui retrace le parcours de Barthas des tranchées jusqu’à ses permissions, regorge de détails qui donnent parfois froid dans le dos. Des généraux ou colonels dépassés, des lieutenants ou capitaines qui agissent en chefaillons, sans souci de préserver la vie de leurs hommes, des ordres et contre-ordres qui parviennent à quelques heures d’écart. La première guerre mondiale est celles des sacrifiés, de ces jeunes hommes encore sans expériences qui découvrent la peur, tapis dans des tranchées gorgées d’eau, de rats et de poux. Un témoignage dont il faut prendre connaissance pour ne pas oublier.
Fredman – Les carnets de guerre de Louis Barthas – Ed. La Découverte
Milieu des années 70 à New York dans un parc de la ville situé dans le Queens en plein Sunnyside. Un homme d’un certain âge dort sur un banc public et un agent de police tente de le réveiller pour savoir si tout va bien. Les deux marchent quelques pas dans la rue avant d’entrer dans un Dinner. Là l’agent de police lui offre un repas. L’homme âge accepte et répond à ses questions notamment celle sur son travail d’avant, quand il n’était pas encore marginalisé. L’homme lui répond alors qu’il dessinait des bandes dessinées et se propose de lui offrir un dessin de Superman tout en avouant qu’il en est le dessinateur originel…
C’est bien connu le talent n’est toujours pas perçu quand il est là. La littérature regorge de ces auteurs passés à la postérité qui ont essuyés des années durant des refus d’édition. Joe Shuster, le créateur du personnage de Superman, est l’un d’entre eux. Et si la carrière de son héros a été riche et foisonnante, si ceux qui décidèrent finalement de l’éditer y ont gagné des sommes considérables, le créateur et son scénariste n’ont jamais véritablement pu connaitre la prospérité et la reconnaissance. Dans une biographie émouvante qui parcourt la carrière de Joe Shuster, Julian Voloj et Thomas Campi mêlent habilement faits réels et documentés avec un récit lisible et agréable dans lequel le lecteur sent toute la tension des instants et la fragilité du statut d’auteur. Une biographie qui deviendra incontournable.
Julian Voloj & Thomas Campi – Joe Shuster – Urban comics