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L’univers de Stefan Wul croqué par la fine fleur du neuvième art…

Ankama poursuit son travail d’édition des adaptations des œuvres de l’auteur majeur de SF français Stefan Wul. Le premier tome de Niourk avait ouvert la voie il y a à peine un an suivi d’OMS en série et du premier volet de Piège sur Zarkass. Sortent en ce mois d’octobre deux nouveaux opus et pas des moindres de ce monde décalé qui garde en lui son côté visionnaire qui fait l’intérêt des adaptations d’Olivier Vatine sur Niourk et de Denis Lapière et Mathieu Reynès sur La peur géante… Indispensable !

Peur géante

 

Niourk t2Après avoir traversé des contrées pas toutes hospitalières, l’enfant noir revient vers les siens. Le voyage n’a pas été facile et ce qu’il a vu a changé en lui bien des choses. Le vieux aperçu mort alors qu’il lui avait prédit le pire et la découverte de cette ville étrange au-delà de la montagne enneigée, passerelle vers un ancien monde aujourd’hui évaporé ont changé la donne. D’un côté l’oppression entretenue par le sage ne sera plus, de l’autre la preuve de l’existence d’une civilisation oubliée, qui laisse les traces de sa puissance et de sa perte passées, donnent à l’enfant un nouveau champ de vision, et une nouvelle puissance représentée par ce bâton de feu qui le protège du monde sauvage qui l’entoure. Accompagné d’un ours surpuissant qui le préserve du froid le soir venu par son pelage dru, l’enfant noir découvre en lieu et place des huttes qui formaient jadis son village un immense brasier et la désolation alentours. Les hommes et les femmes ont semblent-ils fuient vers une destination lointaine…

Niourk cette cité des Dieux jadis prospère est devenue un lieu où le gibier se ferait plus dense. C’est tout du moins ce qu’indique ce Dieu volant à l’enfant noir. New-York (Niourk), la vallée de l’Hudson, lieu de toutes les perspectives pour un peuple qui se meurt d’avoir ingurgité goulument la chair des poulpes géants combattus avec vigueur et qui maintenant laisse échapper de leurs estomacs des lumières incandescentes… Le voyage n’est pas sans danger mais se résumera pour l’enfant noir à une quête formatrice qui lui révèlera les secrets d’un passé bien trouble dont l’avenir porte encore les marques…

Vatine arrive à sublimer Wul et c’est peu de le dire. Peut-être partage-t-il cette compréhension d’un monde désorienté, qui survit plus qu’il ne vit, et assure assez peu sa survivance future. Vatine reste proche de l’œuvre originale par respect mais aussi par cette envie de prolonger les idées entre’dessinées par Wul. Le New-York apocalyptique livre un paysage effarant dont le point d’orgue peut se voir dans cette statue de la liberté devenue support d’une antenne satellite ou du réservoir dégurgitant de Central park qui sépare la ville en deux. Tout n’est que désolation dans cet univers où déambulent encore des robots de surveillance, mais la nature qui reprend doucement ses droits peu laisser présager d’un nouvel ordre à venir. Dessin sublime et poétique d’un grand Vatine, magnifié dans ces pleines pages d’ouverture de chapitre, qui poursuit son travail de redécouverte en laissant au lecteur l’envie de revenir au texte original. Essentiel !

Vatine – Niourk Tome 2 – Ankama – 2013 – 13, 90 euros

 

La_Peur_Geante_01Dans un futur pas si lointain, la Terre porte les traces de certains dérèglements déjà aperçus au XXIème siècle lorsque la fonte des glaciers s’accélérait au point de menacer les villes et les régions côtières. Tout aussi étrange la déraison de l’homme qui, fort de connaitre les risques qui fragilisaient toujours plus notre belle planète bleue, jouait la politique de l’autruche pour mieux servir des intérêts individualistes et pécuniaires opaques. Rien ne sera plus comme avant. Cela est une certitude et la donne parait pour le moins irréversible. Aussi, lorsque l’éminente communauté scientifique de notre monde découvre que l’eau ne gèle plus mais qu’au contraire elle prend une fâcheuse tendance à fondre à vitesse pour le moins accélérée, un vent de panique vient secouer les évidences qui auraient pu laisser croire que rien ni personne ne pouvait venir perturber le bel agencement des choses. Faisant fi de toute logique, et de manière inexpliquée, le pire arrive donc sur Terre. Ce pire prendra la forme d’une vague immense venue frapper les côtes et laisser s’afficher un paysage de désolation. Le plus grand tsunami de l’histoire venait faire son œuvre de grand nettoyage, mais cela pourrait-il changer les hommes, au moins autant que cette vague qui redessine un paysage urbain trop lissé ? Bruno Daix, sorte de héros des temps modernes, ancien champion de natation, employé par l’armée, va jouer un rôle clef dans la mission censée éviter le pire. Il sera épaulé par la belle universitaire et archéologue Kou-Sien Tchei et son ami de longue date Pol Nazaire. Ou comment essayer de sauver le monde d’un ennemi difficilement identifiable. Car le « grand dérèglement » pourrait à notre grand dam non pas avoir pour origine le laisser-aller de l’homme mais celle d’une intelligence extrahumaine, remontée à la surface depuis les abysses…

La relecture contemporaine de La peur géante révèle sans conteste le côté visionnaire de Wul. L’auteur a toujours voulu explorer le futur pour mieux comprendre et dessiner les éventualités d’un monde dont il devinait la sortie de route prochaine. Les écrits de Wul possèdent sans aucune ambiguïté une portée politique, comme pouvait et peut l’avoir encore cette SF française d’auteurs. Les thèmes récurrents : écologie, dominance de l’homme sur l’homme, pertes de valeur et de repères structurants… venaient compléter la vision poétique dessinée tout au long de son œuvre par Wul qui excelle dans un style très pictural, qui suggère sûrement autant qu’il montre. Qui laisse surtout se construire des extrapolations chez le lecteur bien après la lecture de l’œuvre. Pour le duo Lapière/ Reynès, se fondre (sans jeu de mot) dans l’univers de Wul n’en devenait que plus confortable. Au regard de l’œuvre mais aussi de l’observation du dérèglement actuel de notre monde, le duo d’auteurs s’en donne à cœur joie. Si le début en matière se fait volontairement linéaire, la tension monte vite grâce à un rythme qui va crescendo pour ne jamais faiblir. Le dessin de Reynès, décidément un superbe auteur, enchaine les effets, les plans, les plongées, les contre-plongées, les panoramiques le tout avec l’utilisation densifiante des fonds perdus. Un album qui ne livre pas encore tous ses secrets mais qui présage déjà d’une fin à la hauteur du talent de Wul…

Lapière/Reynès – La peur géante T1 – Ankama – 2013 – 13, 90 euros

 

Pour compléter ce dossier Tof nous livre ses souvenirs de lectures de Niourk… Un roman marquant que l’on peut retrouver dans une superbe édition de poche chez Castelmore

Niourk RomanNiourk, ce roman m’a beaucoup marqué. Peut-être parce que je l’ai lu dans mes jeunes années. Peut-être tout simplement parce que l’histoire, bourrée de thèmes chers à notre contexte social, sait aller droit au but, dans le coeur. Le destin de cet enfant est bouleversant, lui qui va aller à la découverte d’un monde dévasté. Les vestiges de la civilisation passée sont autant de témoignages de la folie des hommes. Sa vie change alors, irrémédiablement.
Le style est simple et direct. D’ailleurs le roman avait été édité au sein d’une collection jeunesse. Et pourtant le fond est assez violent, le voyage initiatique ne se fait pas sans douleur mais c’est là toute la richesse du propos. Laissez-vous entrainer dans cette histoire qui n’a pas pris une ride.

Stefan Wul – Niourk – Castelmore – 2013 – 5,90 euros 


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