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Pensées sombres pour soirées dansantes où l’entrée dans l’univers de Jérôme Noirez

Jeune auteur français de fantasy et de littérature de l’imaginaire, Jérôme Noirez construit patiemment un univers où le poétique croise souvent le macabre. S’il est l’auteur de L’Encyclopédie des Fantômes et des Fantasmes et de Féerie pour les Ténèbres, deux ouvrages majeurs qui marquent les esprits et les médias spécialisés en univers sombres, c’est avec Leçons du Monde Fluctuant (Prix Bob Morane en 2007) qu’il entre dans le cercle fermé des auteurs français qui comptent. La réédition de cet ouvrage chez J’ai Lu cette année tombe donc à pic pour vous parler de cet auteur…

 

Leçons du monde fluctuant et Le Diapason des mots et des misères (J’ai lu et Griffe d’Encre)

Comme nous le dira plus loin Jérôme Noirez, Leçons du monde fluctuant, paru chez Denoël en 2007 permet au jeune auteur français de revenir sur un personnage énigmatique et complexe, Lewis Carroll. Si nous connaissons tous, de près ou de loin, les histoires d’Alice au pays des merveilles, il est un aspect de l’auteur britannique qui échappe peut-être à certains : son intérêt pour la photographie et plus précisément la photographie de jeunes filles. Leçons du Monde fluctuant part de là. Même si Charles Dogson (le véritable nom de Lewis Carroll) se défend d’une quelconque perversion en réalisant les photos de jeunes modèles, son discours ne convainc pas la société de son époque et encore moins ses employeurs d’Oxford où il enseigne. Dès lors la solution pour écarter le professeur indésirable passera par l’exil forcé. A Novascholastica, au fin fond de l’Empire britannique rien ne va plus, les morts n’en font qu’à leur tête ! A force de fréquenter les esprits des sauvages, ils s’égarent sur des chemins de traverse où échouent dans des hôtelleries post mortem propices au vice. Et rien de pire que le vice des morts !  Alors lorsque le recteur décide d’envoyer le noir percepteur Jab Renwick sur ces terres lointaines pour essayer de reprendre en main les esprits égarés, l’idée de le faire accompagner par Charles Dogson se révèle comme une évidence.
Les morts n’en font qu’à leur tête ? Peut-être ont-ils tout simplement du mal à trouver le « chemin » et qu’ils s’égarent en route ou que leur volonté de rejoindre le Lankolong, ce pays des morts dont parlent les anciens, n’est pas aussi affirmée… Kematia, fillette morte depuis peu se questionne sur les raisons pour lesquelles elle se retrouve sur ce chemin, elle s’interroge aussi sur les mutilations qu’elle a subies. Au fur et à mesure de ses « errements », accompagnée d’une équipe hétéroclite, elle sillonnera Lulunruntu, une auberge à la taille démesurée. Peut-être trouvera-t-elle des réponses à ses questions ?
Dans ce roman sombre qui se teinte parfois de passages irrésistiblement comiques (je pense notamment à quelques-uns mettant en scène le noir percepteur Jab Renwick), on se délecte de l’écriture fine et poétique de Jérôme Noirez. L’auteur excelle dans la description d’univers riches et tumultueux. Leçons du monde fluctuant reste pour moi la porte d’entrée vers l’œuvre de cet auteur incontournable.
Le Diapason des mots et des misères quant à lui réunit plusieurs nouvelles qui alternent macabre, fantastique et épouvante. Là aussi les enfants sont à l’honneur, car peut-être possèdent-ils cette force de l’innocence. Peut-être aussi sont-ils des messagers qu’on ignore… Je ne vais pas vous résumer ici chaque histoire car le Diapason n’est pas un patchwork de textes juxtaposés au petit bonheur la chance. Non, Jérôme Noirez nous distille ici un recueil exigeant, d’une construction savamment élaborée dans laquelle ressurgissent parfois certaines de nos peurs et de nos angoisses. Une réussite !


 Entretien avec Jérôme Noirez 

 

J’ai Lu a décidé de rééditer en poche plusieurs de tes ouvrages. Comment as-tu pris cette nouvelle et que cela représente-t-il pour toi ?
Ah, je l’ai très bien pris. C’est d’abord de l’argent, puis une meilleure visibilité et accessibilité de mes bouquins. Thibaud Eliroff qui dirige les collections d’imaginaire chez J’Ai Lu aime mon travail et le défend, ce qui ne coule pas de source étant donné que je ne suis vraiment pas ce qu’on peut appeler un auteur bankable. Mais, bon, ses patrons vont bien finir par s’en apercevoir.

J’aimerais revenir sur Leçons du Monde Fluctuant. L’histoire est construite autour du personnage de Lewis Carroll. Ton intérêt pour cet auteur est ancien. Pourquoi avoir choisi de construire l’histoire autour de ce personnage ? Qu’est-ce qui t’a attiré dans la personnalité ambiguë de Lewis Carroll ?
Je ne suis pas certain qu’ambigu soit ce qui définisse le mieux Lewis Carroll. Je dirais plutôt paradoxal, complexe, en cela assez représentatif de son époque et de sa culture. Je le fréquente depuis longtemps. Je l’apprécie en tant qu’auteur, que photographe, que logicien, qu’homme plein d’humour et de mélancolie… J’aurais vraiment aimé prendre le thé avec lui. C’est assez naturel pour moi de timidement me couler dans ses pas, comme je l’ai d’ailleurs aussi entrepris avec Céline, comme je l’entreprendrai peut-être un jour avec Rabelais.

Comme tu le développes dans ton livre, Lewis Carroll, Charles Dogson de son vrai nom, était photographe. Il aimait particulièrement prendre des poses de jeunes enfants. Même si le portrait est un sujet de photographie classique – des photos d’enfants ont d’ailleurs eu un rôle essentiel dans l’histoire de cet art, comme l’enfant juif de Varsovie par exemple, même si la thématique abordée n’est pas la même car il s’agit pour Lewis Carroll de portraits – n’avais-tu pas peur d’entrer dans une sorte de polémique ou que la portée de ton histoire soit mal interprétée ?
S’il y a bien un rare domaine où la peur ne me domine pas, c’est l’écriture. Et je ne vois pas en quoi cette histoire pourrait être mal interprétée (ou bien interprétée du reste). Parce que je ne jette pas l’anathème sur ce personnage qui a des désirs coupables ? En sommes-nous arrivés à un point de déliquescence intellectuelle tel que la seule pensée deviendrait criminelle ? Je donne dans la rhétorique, là, car je sais que tel est le cas. Charles Dodgson pense, rêve, fantasme et culpabilise puisque sa culture l’exige. Voilà tout. Moi, ça m’inspire plutôt de la tendresse.

Une photographie peut cacher de nombreux secrets et renferme souvent plusieurs niveaux de lecture. Il y a tout d’abord le point de vue du photographe, il y a aussi notre perception et notre propension à construire l’imaginaire, il y a aussi ce que renvoie le modèle. Est-ce cette complexité des perceptions qui t’attire dans la photographie ? et peux-tu nous parler des photos et photographes qui te marquent ?
Ce qui m’attire dans l’art photographique ? Le rapt du réel par la chimie et l’optique. La photographie prénumérique est un art chimique, toxique, corrosif, oxydant. C’est assez fascinant, je trouve. J’aime aussi l’idée qu’il ne s’agit pas strictement d’un art d’ornement, que l’on n’est pas obligé de le suspendre au mur, qu’on peut le conserver dans un cahier, dans une boîte. Je déteste les tirages XXL que l’on voit fleurir dans la photographie actuelle. En fin de compte, j’aime surtout la photographie « primitive ». Mes photographies favorites. J’en citerai trois. Les vues du boulevard du Temple de Daguerre où le temps de pose interminable transforme la ville en un espace fantôme, à l’exception d’un cireur de chaussures et de son client qui sont restés assez longtemps à la même place pour exister sur ces clichés. La photographie d’Alice Liddell en petite mendiante prise par Lewis Carroll, évidemment. Trop de choses à en dire. N’en disons rien alors. Une magnifique et très célèbre photo de Walker Evans montrant une cuisine dans une ferme; Un torchon blanc pendu au premier plan. Un pur condensé de macabre.

Dans le roman et dans ton écriture en général tu poses, çà et là, sans que l’on ne s’y attende forcément, quelques traits d’humour, voire des passages franchement « poilants » par leur démesure. Est-ce une nécessité pour toi ? Une façon peut-être de faire réagir le lecteur ? un ingrédient de ton style tout simplement ? Parle-nous de Jab Renwick. Lui est un personnage qui te laisse une grande liberté dans ton approche d’écrivain. Tu pouvais (presque) tout imaginer avec lui ?
Tout simplement parce que j’aime me poiler ! Et que je ne vois pas pourquoi un récit sérieux, dramatique, effrayant, ne pourrait pas être également bien poilant. Je ne suis pas un parodiste, non, je n’aime pas ça, les parodies. Mais quand je peux pousser quelqu’un dans l’escalier, surtout s’il porte un plateau avec du thé brûlant et une assiette du porridge, je ne m’en prive pas. Je sais qu’on n’aime pas trop ça en France. Il y a la comédie et la tragédie, deux genres réputés non miscibles, l’un sérieux et mature, l’autre léger et immature. Ainsi en ont décidé les grandes personnes. Mais bon, ce qu’on aime ou pas en France, je m’en balance…  Jab Renwick, c’est un mélange de Jack l’Éventreur et de Buster Keaton. Le genre de type qu’on voudrait inviter à la table d’un interminable repas de famille. Des décès suspects sont à prévoir.

Dans tes romans ou tes nouvelles, des enfants jouent souvent des rôles clefs. Dans Leçons du Monde Fluctuant il y a Kematia, dans Le Diapason il y a par exemple cette petite fille Ninon Külm (Maison-Monstre) qui est fascinante. Toutes les deux jouent en quelque sorte des rôles d’adultes ou se retrouvent projetées sur le devant de la scène. Kematia est choisie pour mener un cortège hétéroclite, tandis que Ninon se trouve remplacer son père pour essayer de chasser les esprits qui peuplent une maison. Qu’est-ce qui t’attire dans la mise en scène d’enfants dans tes histoires ?
J’aime les enfants, j’aime leur compagnie, elle me pèse moins que celle, tellement ennuyeuse, des adultes. Ils ont toujours été présents au long de ma vie. Je souffre d’une empathie chronique à leur égard, et c’est donc assez naturel qu’ils occupent une place importante dans la plupart de mes récits. Notre époque, notre culture laisse à penser que nous sommes pleins de bienveillance pour les enfants. Je crois que c’est un pieux mensonge. Je vois sans cesse se manifester le mépris, la détestation, l’indifférence envers les gosses. Regardez à quel point leur parole est absente des médias ou seulement présente à la condition qu’elle corresponde aux attentes, en bien ou en mal d’ailleurs, des aînés. Notre horrible et égoïste désir d’immortalité se construit aux dépens des enfants. L’ombre de notre longévité les recouvre, les étouffe. Pour eux, nous devrions réapprendre à mourir.

Venons-en à ton recueil Le Diapason des mots et des misères. Tout d’abord félicitation puisqu’il vient de recevoir le Grand Prix de l’Imaginaire 2010. Le livre est construit autour de nouveaux textes que tu as complétés par quelques anciens. Comment as-tu travaillé pour ce recueil ?
Très simplement. Je n’ai pas écrit de nouveaux textes, je les avais déjà tous en stock. J’en ai exclu quelques-uns, j’ai regretté de ne pas pouvoir en mettre certains pour des raisons de droit. On a un petit peu discuté de l’ordre du sommaire, et voilà.

La nouvelle est souvent considérée comme une école d’apprentissage. Beaucoup de jeunes auteurs passent par elle avant de publier des histoires plus longues. Qu’est-ce qui t’attire dans ces « histoires courtes », le rythme que tu es obligé d’imposer dans tes scénarii ?
La nouvelle n’est pas plus une école d’apprentissage que n’importe quelle autre forme d’écriture. La brièveté de cette forme laisse supposer le contraire, comme si la difficulté de l’écriture résidait dans son abondance. Rien n’est plus facile que l’afflux. Rien n’est plus difficile que la retenue et la concision. Ce que j’aime dans la nouvelle, c’est sa dimension allusive. Et puis, comme le genre est totalement mésestimé en France par les lecteurs et les éditeurs, je peux vraiment tout me permettre sans en avoir rien à foutre de savoir si ce que j’écris est ou non « publiable ». Un luxe que je ne peux hélas pas me permettre avec un roman.

Dans la postface du recueil Catherine Dufour se pose la question de savoir où tu puises tes sources pour construire tes histoires. Que peux-tu lui répondre ?
Qu’elle peut se brosser pour avoir accès à ma bibliothèque secrète.

L’écriture de nouvelles, nous l’avons dit, suppose un rythme différent du roman. Y’a-t-il dans certains textes de ton recueil des histoires que tu aurais aimé développer plus en avant ?
Non. Je n’ai jamais écrit une nouvelle qui soit un embryon de roman. Seul le personnage de Ninon que tu mentionnais plus haut avait été initialement conçu en vue d’un roman.

On le sent aussi ici, Jérôme Noirez garde toujours un intérêt certain pour la musique…
J’ai surtout un intérêt pour le domaine du sensible, dont le sonore fait partie. Évidemment, comme la musique, que je ne pratique plus qu’avec de très jeunes enfants du reste, est un aspect important de mon parcours artistique, j’en profite pour l’exploiter çà et là dans mes histoires. Il est vrai que je porte une attention particulière à la rythmique dans mon écriture, mais je suis incapable de dire si cela a quelque chose à voir avec ma pratique musicale. Il me semble que cela a plus à voir avec l’oralité. Je suis un écrivain de la voix haute.

Enfin pour finir peux-tu nous en dire plus sur ce que tu prépares actuellement ?
Un gros roman du genre tordu, mais sans une once de fantastique, pour lequel je ne cache pas l’influence de Witold Gombrowitz. Il y est beaucoup question des relations destructrices qu’entretiennent les adultes et les gosses. Un conflit à la fois effrayant et grotesque entre la maturité et l’immaturité, formellement copié sur les 120 Journées de Sodome de Sade. Mais rien à voir dans le fond. Je ne conserve que le cadre et la structure pour raconter toute autre chose. Ensuite, je vais de nouveau écrire pour les plus jeunes (deux séries de romans pour les 9-10 ans, un road trip américain pour les ados). A un moment ou à un autre, je pressens que j’arriverai à un stade où je ne ferai plus que ça. Je sais à quel point les « littérateurs » méprisent les écrits pour la jeunesse, et je me sens tout à fait partant pour me dissoudre avec sérénité dans ce mépris.

Propos recueillis en septembre 2010

A lire :

– Jérôme Noirez – Leçon du Monde Fluctuant – J’ai Lu – 319 pages – 7 euros.
– Jérôme Noirez – Le Diapason des mots et des misères – Griffes d’Encre – 236 pages – 16 euros

A consulter sur internet :

Le nouveau site de Jérôme Noirez : http://www.jeromenoirez.fr/


 

Autres lectures, Autres écoutes… Notre sélection…


Abymes – Le guide de la Cité des Ombres (ill. Gérard Trignac) – Mnémos – 240 pages – 36 euros

 Plonger dans Abyme c’est tout d’abord entrer dans l’univers d’un auteur, Mathieu Gaborit en l’occurrence. Avec son cycle des Royaumes Crépusculaires, le parisien a posé les bases d’une nouvelle approche de la fantasy où le baroque côtoie l’analyse fine des personnages. Un monde poétique qui captive. Alors lorsque les éditions Mnémos, qui ont révélé l’auteur, se lancent dans l’ambitieux projet d’Abyme, la description soignée, exhaustive et imagée de la Ville du farfadet Maspalio – personnage central du cycle d’Abyme – nous ne pouvons que jeter un regard curieux, puis admiratif à un tel projet.
D’entrée de jeu il faut souligner l’audace de Mnémos de proposer ce guide d’une ville imaginaire, néo-guide du routard à l’usage des lecteurs et des protagonistes des Royaumes Crépusculaires. Car il faut le dire, Abyme n’est pas un livre à la construction « classique ». Pas de déroulé narratif à proprement parlé mais un luxe de détails qui impose le respect. Bien sûr il faut vouloir se laisser prendre dans les toiles de cette ville tentaculaire pour profiter pleinement de ce travail élaboré par Muriel Algayres, Raphaël Bardas, Nathalie Besson et Raphaël Granier de Cassagnac pour les textes et Gérard Trignac pour les illustrations. Passée cette appréhension le lecteur se laisse transporter par quatre personnages qui vont être nos guides pour ce voyage vers la cité. Le premier, Maximilien d’Outrevent nous ouvre les portes de la quadrature des Diplomates, quartier nord-est d’Abyme. Ainsi du Pont des Murmures au jardin démoniaque, des arènes des Trabouliennes au musée du Cryptogramme, qui révèle certains secrets de magiciens, tout ce qui participe à la compréhension de la ville est ici décrit. Second quartier décrypté pour nous, la quadrature des Pénitences nous est dévoilée par le biais de la main du diacribe Raskolnig sous la dictée du maitre Arminius Malach. Outre la description de cette zone de la ville, le texte est complété d’une série d’articles qui participent à une meilleure compréhension d’Abyme… Les propos recueillis de Mathieu Gaborit, auteur abymois, le 23 Phénix de l’an 1453 en disent long sur le projet global : Abyme tient du huis-clos utopique. Avec le recul, je suis intimement persuadé qu’elle est née pour nous permettre de résumer le monde entre les quatre murs d’une cité. Une ville en miroir du monde, une ville de la différence et de la mixité où tous les mélanges seraient à portée de mains. L’analyse du troisième quart de la ville relève de Steffa Oulazym, ogresse keshite, enquêtrice et écrivaine. Celle-ci essaye, en nous contant l’histoire de son arrivée dans la cité où elle s’est rendue pour y étudier la littérature, de nous faire parcourir toute une série de lieux atypiques telle la demeure de l’alchimiste fou ou le pont des Désirs Enflammés… Il faudra garder toute son attention pour ne pas sombrer dans les entrailles de la cité ! telle est la devise à garder en tête avant de pénétrer dans le dernier quart d’Abyme car la quadrature des Démons abrite les mystères les plus sombres de la cité…


Ce guide d’une ville protéiforme regorge de vie, d’histoires sombres et de légendes dont le lecteur se délectera au fil des pages. Abyme, plus qu’une réussite représente une véritable ouverture vers la description de cités imaginaires. Un livre trace…



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