Suspense haletant dans une maison abandonnée dominée par une IA particulièrement revêche. C’est ce que nous propose Martine Arkady dans un petit roman où le huis clos devient peu à peu angoissant…

Martine Arkady avait surpris son monde avec ses deux premiers romans, Un souvenir nommé empire et Une désolation nommée paix, respectivement prix Hugo en 2020 et prix Hugo et prix Locus en 2022. Un dyptique de SF pure décrivant une lutte de succession dans l’empire teixcalaanli suivie d’une guerre contre des aliens.

Elle nous revient avec une novella de 128 pages composée autour d’une étrange maison, Rose House, dirigée par une IA. Nous sommes dans le désert de Mojave, dans l’Ouest des États-Unis, quelque part dans une localité nommée China Lake. Un bled pour faire simple dont les effectifs de police se résument à peu de choses. Un soir l’inspectrice Maritza Smith reçoit un coup de fil sur le poste du commissariat. A l’autre bout l’IA de Rose House. Peu commun pour capter l’attention de la jeune femme : « Ici Rouse House. Inspectrice Smith, êtes-vous habilitée à recevoir des notifications liées à l’obligation de diligence définie par la loi fédérale de surveillance des intelligences artificielles, article 4A ? Ceci est une notification d’obligation de diligence, inspectrice Smith. Dans les limites de Rose House (…) se trouve une personne décédée. Cette personne décédée n’a reçu aucune attention funéraire depuis vingt-quatre heures. ».

Une affaire de meurtre, cela n’a rien de classique à China Lake. Et d’autant plus lorsque le principal témoin (et suspect) se trouve être une maison dirigée par une IA. Cette maison, Rose House n’est pas n’importe quelle maison, construite par un architecte de renom, Basit Deniau, considéré comme l’un des plus grands architectes de sa génération, elle constitue sa grande œuvre, autrement dit la quintessence de ses recherches et de ses travaux en architecture. Lorsque l’homme est décédé, il a d’ailleurs souhaité y être lié trônant désormais dans l’une de ses pièces sous forme de diamant. La maison, parmi ses autres particularités, possède celle de contenir en ses murs l’ensemble des archives de l’architecte. Des archives gérées par son assistante Selene Gisil aujourd’hui la seule à pouvoir pénétrer dans le domaine de Rose House. Lorsque l’inspectrice Maritza Smith est jointe par l’IA, elle sait quelle va devoir mettre la main sur cette ancienne assistante afin que celle-ci lui ouvre les portes de la propriété. Mais tout ne va pas se passer comme prévu, notamment dans la relation de l’inspectrice et de l’IA…

Récit court habilement construit, Rose House met en avant tout le potentiel d’une autrice particulièrement inspirée qui fait montre d’une maîtrise totale des effets notamment dans cette relation humain/IA. Une relation improbable autour d’un meurtre et d’une enquête qui s’avèreront vite n’être pas l’essentiel. A partir d’un nombre réduit de personnages, Martine Arkady construit un huis clos particulièrement anxiogène dans lequel s’effacent les certitudes et où les repères intangibles vacillent jusqu’à produire un véritable vertige. Une très belle surprise !  

Martine Arkady – Rose House – Nouveaux Millénaires