Sortie il y a quelques mois sur nos petits écrans, cette série créée par l’un des scénaristes de Baron Noir trouve une résonance toute particulière depuis l’onde de choc du 9 juin 2024.
« Peu à peu, il devint impossible d’échanger avec quiconque une parole raisonnable. Les plus pacifiques, les plus débonnaires étaient enivrés par les vapeurs de sang. Des amis que j’avais toujours connus comme des individualistes déterminés s’étaient transformés du jour au lendemain en patriotes fanatiques. Toutes les conversations se terminaient par de grossières accusations. Il ne restait dès lors qu’une chose à faire : se replier sur soi-même et se taire aussi longtemps que durerait la fièvre. » Le Monde d’hier, Stefan Zweig.
Une soirée de remise de trophées du football français. Un coup de tête. Une insulte : « Sale Toubab ». Et le monde médiatique s’embrase. Mise en place d’une stratégie de communication de crise pour les uns, instrumentalisation politique pour les autres. Tandis que les premiers cherchent à faire redescendre la fièvre, l’objectif des seconds est de l’alimenter.
Diffusée entre la mi-mars et la mi-avril, La Fièvre faisait figure de série politique d’anticipation. Depuis le soir du 9 juin 2024, la réalité a rejoint la fiction. Certes, le scénario diffère quelque peu. D’un côté l’agression d’un entraîneur d’une équipe de football par son joueur fétiche, de l’autre la dissolution par le Président de la République de l’Assemblée nationale. Les deux scénarios mènent pourtant à un seul et même résultat : l’embrasement de la société. Éric Benzekri, le scénariste de La Fièvre, expliquait d’ailleurs dans une interview à la sortie de la série que quand « on n’arrive plus à voir le réel, alors il faut de la fiction ». Notre réalité actuelle, mise en exergue très justement par La Fièvre, est que nous vivons dans une société au bord de la guerre civile. Une guerre civile en mesure d’être déclenchée à la moindre étincelle. Le milieu des communicants joue ici un rôle central, car il est tout aussi capable d’éteindre la naissance de l’incendie que de l’alimenter.
Tout comme Baron Noir, La Fièvre interroge les pratiques politiques d’hier et d’aujourd’hui, autant que la fabrique de l’opinion par les médias et la montée des mouvances identitaires. Surtout, elle met en avant un concept, celui de la « fenêtre d’Overton » dont le principe est qu’une idée, selon le contexte, peut devenir plus ou moins politiquement acceptable. Ou comment faire évoluer la question du droit du port d’armes en France de totalement impensable à radical, puis acceptable, raisonnable, populaire… et finir par en faire une politique publique.
Difficile de ne pas faire le parallèle avec l’idéologie d’un parti politique dont les initiales sont les 18e et 14e lettres de l’alphabet. Impossible de ne pas penser aux mots de Philippe Rickwaert venant conclure ces six épisodes : « On en est où ? Avant ? Juste avant ? Longtemps avant ? Ou alors ça a déjà commencé ? La guerre civile. Est-ce que vous pensez qu’on peut s’en sortir ?« . Réponse dans les urnes les 30 juin et 7 juillet prochains.
La Fièvre, créée par Éric Benzekri. Avec Nina Meurisse, Ana Girardot, Benjamin Biolay, Alassane Diong, Xavier Robic, Kad Merad, … Disponible depuis le 18 mars sur Canal+.