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Une couverture, un récit : ‘Black Monday Murders’ (Urban comics)
Un récit saisissant de Hickman, Coker & Garland...

Un homme lit un journal économique, assis dans un fauteuil, jambe gauche croisée sur son genou droit. Une lecture attentive qui se devine à la manière dont l’homme tient son journal. La veste de son costume, impeccable, laisse apparaître, sur son revers, une agrafe boutonnière qui semble le distinguer aux yeux d’une quelconque institution ou état.

Chemise blanche, cravate. Le parfait homme d’affaire. Du fauteuil où il est assis, dans un club ou chez lui (l’arrière-plan sombre ne donne aucune indication), l’homme a accès à un cendrier sur lequel repose un large cigare à peine entamé. Juste à côté de lui un verre à whisky complété d’une bonne rasade du liquide qui provient de la carafe en cristal posée pas très loin sur la table ronde qui lui fait face. La scène a déjà été vue et ne laisse rien deviner de précis à ce stade. Par contre, et le regard du lecteur s’y est intéressé en premier, avant de lire les autres informations contenues dans la scène, la tête de l’homme est celle d’un bélier. Un bélier décharné aux longues cornes spiralées.

Le bélier laisse entrevoir une riche symbolique, comme le notent à juste titre Jean Chevalier et Alain Gheerbrant dans leur monumental et essentiel Dictionnaire des symboles : « ardent, mâle, instinctif et puissant, le bélier symbolise la force génésique qui éveille l’homme et le monde et assure la reproduction du cycle vital, au printemps de la vie comme à celui des saisons. C’est pourquoi il allie la fougue et la générosité à une obstination qui peut conduire à l’aveuglement ». Attachée à l’homme d’affaire, cette symbolique trouve un sens particulier celle d’un acharnement, d’une obstination de tous les instants pour parvenir à ses fins. Fins qui ne sonnent pas forcément le bien pour tous.

Les informations graphiques ne laissent rien paraître de plus. Mais le texte qui complète la couverture se fait, lui, bavard. Le mot Murders qui apparaît sur presque toute sa largeur ne fait appel à aucun doute possible. Le lecteur notera juste le pluriel qui lui est attaché. Le sous-titre (ou titre du premier volet de cette série) Gloire à Mammon apporte les dernières informations qui nous fallait avant de débuter la lecture. Mythologica, le site des mythologies, apporte des informations intéressantes sur le personnage de Mammon : « Dans le Nouveau Testament Mammon, représente la richesse matérielle souvent personnifié comme le démon de l’avarice et parfois inclus dans les sept princes de l’Enfer (…) Ainsi, Peter Lombard (II, dist. 6) dit: «Les richesses sont appelées par le nom d’un diable, à savoir Mammon, car Mammon est le nom d’un diable, par lequel les richesses appellent la langue syrienne ». Piers Plowman considère également Mammon comme une divinité. Nicholas de Lyra, commentant le passage de Luc, dit: « Mammon est nomen daemonis » (Mammon est le nom d’un démon) ».

Argent, pouvoir, meurtres, mythologie, démons. Black Monday Murders se fait riche de promesses. Des promesses qui se confirment à la lecture des premières pages qui posent un cadre, celui de Wall Street, et une époque et une date 1929, le 24 octobre, celui du fameux jeudi noir, alors que la bourse commence à s’agiter et à dévisser. Ce contexte n’a pourtant rien d’inquiétant pour Charles Ackermann, un banquier rôdé aux affaires qui s’est construit seul. Mais peut-être que les coulisses se feront, elles, bien plus sombres…

Dans la senteur vespérale de bureaux aux portes capitonnées desquels s’échappent, tard le soir, des halos de lumières blafards, se jouent des choses qui échappent au commun des mortels. Plus de 80 ans après le krach boursier de Wall Street, Daniel Rotschild est trouvé assassiné dans une mise en scène ésotérique. L’enquête est confiée à Théodore James Dumas, un inspecteur réputé, qui sait s’effacer pour mieux observer les preuves et lire ce qui se cache derrière les témoignages qui lui parviennent. Saura-t-il défaire les nœuds d’une enquête labyrinthique menée au sein d’une société occulte qui sévit depuis près d’un siècle et régule les marchés de manière parfois audacieuse et radicale ?

Jonathan Hickman livre un scénario comme il les aime, qui peut d’abord paraitre opaque et dans lequel le lecteur doit entrer, mais qui dénoue, au fur et à mesure des pages et des scènes, les fils d’un récit dense où les pièces sont imbriquées, posées, comme peuvent le faire les meilleurs joueurs d’échecs avant de lancer leur attaque sur le roque adverse, de manière précise, savamment reliées, entrelacées entre elles pour se faire implacables. Un récit jouissif sur l’argent, le pouvoir, teinté d’une saveur âcre de sang… Indispensable.

Jonathan Hickman, Tom Coker & Michael Garland – Black Monday Murders – Urban Comics – 2018


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