Il y a quelque chose de terrifiant au royaume de l’horreur. C’est qu’on ne sait jamais sous quelle forme il est le plus inquiétant. Au cinéma, et son effet grossissant, l’atout maitre réside dans le jeu des faux-semblants. Sa plus parfaite incarnation à l’écran : l’enfant maléfique. L’Exorciste (1973), Dark Water (2002), The Grudge (2004), l’époque importe peu tant elle gouverne par l’évidence. Esther, petit spectacle surfait produit par un spécialiste de l’action movie (Joel Silver et sa ribambelle d’Arme(s) Fatale(s)…) dessine le même visage de l’horreur : rose au rond des joues, chevelure ficelée et sourire d’ange. Une fillette à qui l’on donnerait le bon dieu sans besoin de se confesser. Ce que l’on regrettera d’ailleurs bien assez tôt…
Sournois, Le mal ne s’invite jamais, c’est vous qui le faites entrer. Sortie de son orphelinat, Esther (remarquable Isabelle Fuhrman) débarque avec en bouche son accent russe, dans la demeure à plusieurs étages de Kate (Vera Farmiga) et John (Peter Sarsgaard). Un couple loin des clichés feuilletonants : la femme, blonde certes, tête souvent la bouteille. Complètement névrosée avec ça, ce qui se comprend, depuis la mort de Jessica, enfant éteint à la vie alors qu’il couvait encore dans son ventre. A ses côtés, le mari. Bricoleur d’accord, mais coureur de donzelles invétéré. D’où les sursauts dans le couple, et cette libido assez démonstrative à laquelle eux deux se raccrochent. Les enfants enfin, pas encore ado. Une fille et un garçon, forcément : Maxine, frêle poupée sourde et muette, et David (Jimmy Bennett), son père tout craché, sans les hormones qui le titillent.
Le code de l’horreur
Esther dans tout ça ? C’est l’élément perturbateur qui vient semer le trouble. Ou plutôt le faire remonter à la surface. Les codes du parfait film d’horreur ont beau être respectés au mouvement près (une unité de lieu, isolé si possible, une musique anxiogène, le cadre pris souvent à l’épaule, fait de plans rapprochés pour saisir toute l’intensité de l’action), Esther de l’Espagnol Jaume Collet-Serra lorgne davantage vers le drame psychologique. Drame témoin qui évoque cet antagonisme latent, pourtant socialement mêlé, entre le monde des adultes, fait de non-dits, d’incompréhensions et de messes basses (voir les séances chez le psy entre Kate et John, qui tournent à la chamaillerie de cour de récré), et celui des enfants, espiègles et innocents, qui ont tant à dire pour peu qu’on veuille bien leur donner la parole. En cela, la surdité de Maxine n’est jamais un frein à son expression, puisque il s’agit du caractère auquel le script donne le plus de dialogues (en langage des signes, certes). Et par extension, le personnage passerelle qui sert de connexion entre tous les autres. Fille miraculée pour sa mère et son père (elle a failli mourir noyée), sœur de sang pour le petit David, alliée du silence pour Esther…
Et Esther dans tout ça ? On y revient. Parfois glaçante (l’offrande du bouquet mortuaire à sa mère adoptive…), souvent cruelle (elle tue, de ses mains, et pas pour de la fausse), notre pauvre petite fille triste relève pourtant plus de la sauvageonne, que du diable véritable en jupons. Ses nombreux passages à l’acte deviennent presque secondaire tant le mystère qu’elle évoque renvoie davantage aux stigmates d’un certain désordre social, qu’au champ du fantastique, clairement galvaudé ici. Preuve en est, cette séquence choc, quasi finale, où Esther passe ses froufrous pour vamper son père adoptif… Plus perverse que maléfique la môme. Le dénouement, quoi qu’invraisemblable (la fin alternative présente dans l’édition DVD ne rattrape rien), viendra confirmer, que, plus souvent qu’on ne le croit, l’horreur est humaine. Un visage hautement plus terrifiant.
Le contenu du DVD
L’encart consacré au contenu du DVD sera à son image : mince. Alors ? L’habillage : sommaire (une image en fond, aucune animation). Le chapitrage : prolifique. La technique : correcte dans l’ensemble, malgré un léger grain à l’écran. Passons direct au bonus, le seul, l’unique, façon deux-en-un, groupé dans une séquence de 4 minutes à peine.
La succession de scènes coupées (qui rabibochent les incohérences narratives du film) sert en fait d’intro à la fameuse fin « alternative »*. Autrement dit, une séquence censurée par l’armada habituelle des producteurs aux idées aussi molles que leur tour de taille. Un rien finaud et dérangeant, sans violence mais avec force, ce clap aurait sans conteste mérité de figurer sur la bobine, en lieu et place d’un final de winner, dont raffole tant Hollywood. Pas de quoi non plus mouiller son caleçon.
Publié le 04.06.2010