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Cinéma scandinave – Le Dogme95
Ils sont fous ces danois !

Au milieu des années 90, plusieurs cinéastes danois lancent un mouvement cinématographique : le Dogme95. Mais quèsaco ?

La naissance du Dogme95

Le 13 mars 1995, les réalisateurs danois Lars von Trier et Thomas Vinterberg rédigent à Copenhague un manifeste annonçant la création d’un collectif qu’ils nomment Dogme95 en référence à l’année de sa conception (pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?). Ce dernier est proclamé officiellement et publiquement une semaine plus tard (le 20 mars 1995) au théâtre de l’Odéon à Paris lors d’une rencontre dans le cadre du centenaire du cinéma français.

Pourquoi un tel manifeste et quel est son objet ?

Le manifeste du Dogme95 a été imaginé par ses auteurs en réaction aux superproductions, principalement anglo-saxonnes, et à l’usage d’artifices et autres effets spéciaux qui se développe dans le milieu du cinéma. Les signataires du manifeste considèrent en effet que l’utilisation de ces techniques – qu’ils jugent abusive – aboutit à un formatage des oeuvres, qu’ils voient plutôt comme des produits aussi lénifiants qu’impersonnels.

Le Dogme95 est ainsi considéré par ses auteurs comme « un acte de sauvetage » ayant pour finalité de « s’opposer à certaines tendances du cinéma actuel » en revenant à un cinéma sobre. Cette sobriété formelle, expressive et originale que souhaitent les signataires de ce mouvement est, selon eux, plus apte à exprimer les enjeux artistiques contemporains (ça va les chevilles les gars ?).

Le voeu de chasteté

À ce stade de la lecture, vous devez sans doute vous dire – comme certaines personnes à l’époque – que cette histoire est un canular, ou du moins une provocation de la part des cinéastes. Eh bien figurez-vous que non ! Outre la rédaction de ce manifeste et la proclamation du collectif du Dogme95, il faut savoir que le mouvement dans son ensemble a établi un certain nombre de règles, cela afin d’en finir avec l’artificialité et l’illusion au cinéma.

Ces mesures, au nombre de dix, répondent à l’intitulé très sobre de « voeu de chasteté » et comprennent, entre autres, le respect absolu des unités de temps, de lieu et d’action (qui furent pendant longtemps les trois règles incontournables du théâtre) ; l’obligation de filmer caméra à l’épaule ; ou encore l’interdiction formelle de créditer le réalisateur au générique. Enfin, l’ensemble de ces règles se conclut sur le texte suivant : « De plus, je jure en tant que réalisateur de m’abstenir de tout goût personnel. Je ne suis plus un artiste. Je jure de m’abstenir de créer une « œuvre », car je vois l’instant comme plus important que la totalité. Mon but suprême est de faire sortir la vérité de mes personnages et de mes scènes. Je jure de m’y employer par tous les moyens disponibles et au détriment même de tout « bon goût » et considération esthétique. Et ainsi je fais mon Vœu de Chasteté. » Le tout est bien évidemment signé Lars von Trier et Thomas Vinterberg.

Pour les plus curieux (ou pour ceux qui veulent simplement rire un peu), vous trouverez l’intégralité des règles du Dogme95 en suivant ce lien.

Les films du Dogme

Si les fondateurs du Dogme95 sont danois et que beaucoup de réalisateurs s’y étant associés sont scandinaves, on y trouve également des cinéastes français, américains ou encore coréens tels que Jean-Marc Barr, Hyuk Byun et Harmony Korine. Au final, une cinquantaine de films ont été labellisés Dogme95 (oui oui, vous n’avez pas la berlue en lisant, il existe bien un label !). Les deux premiers, Festen et Les Idiots, sont tous deux sortis en 1998 et ont été respectivement réalisés par les créateurs du mouvement, Thomas Vinterberg et Lars von Trier… qui ne signèrent aucun autre film sous ce label ! Un peu paradoxal, vous ne trouvez pas ?

Parmi tous les films labellisés Dogme95, l’un d’entre eux fut primé au Festival de Cannes. Il s’agit du tout premier film du Dogme : Festen, de Thomas Vinterberg, qui reçu en 1998 le Prix du Jury.

L’après Dogme95

En 2005, soit dix ans après la proclamation du manifeste, Lars von Trier annonce officiellement la fin du mouvement. Il faut dire que Vinterberg et lui-même se sont rapidement détachés des règles qu’ils avaient initiés. Dès 2000 en effet, Lars von Trier réalise Dancer in the Dark, film grâce auquel il reçoit la Palme d’Or lors du Festival de Cannes de la même année. À partir de ce moment, sa filmographie n’aura de cesse de tendre vers un esthétisme beaucoup plus recherché et surtout aux antipodes du Dogme95, comme en témoigne notamment Melancholia que Tof avait chroniqué dans nos colonnes.

Quant à Vinterberg, il réalise en 2003 un film de science-fiction –  It’s All About Love – alors que les films de genre sont interdits par son Dogme. Viennent ensuite des oeuvres très travaillées visuellement, telles que sa magnifique Chasse (2012) mettant en scène l’excellent Mads Mikkelsen, ou encore le film d’époque Loin de la foule déchaînée (2015), adaptation du roman d’un autre Thomas (Hardy, pour ne pas le nommer) et dont MaXoE vous avait proposé une critique à quatre mains.

Lorsque l’on voit la qualité des films produits par ces cinéastes en dehors du Dogme, difficile de ne pas les remercier d’en avoir abandonné les règles. Toutefois, il est possible de reconnaitre à ce mouvement la volonté de préserver le 7e Art de l’aspect commercial qui touche ce milieu et qui entraîne, malheureusement, des difficultés du côté d’un cinéma indépendant qui peine à se faire financer. Heureusement que certaines sociétés de production, moins frileuses que d’autres, ont offert aux spectateurs la possibilité de découvrir ses oeuvres, telles que Melancholia.

Une anecdote pour finir : bien que labellisés Dogme95, aucun des cinquante films reconnus par le mouvement n’applique l’ensemble des règles du manifeste ! Pas même ceux de leurs initiateurs ! Quelle ironie.


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