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La BD du jour : Souvenir d’une journée parfaite de Dominique Goblet (Frémok)

Le cimetière garde avec lui la mémoire de ses occupants que des proches viennent parfois interroger. Lorsque Dominique Goblet s’attaque à Souvenir d’une journée parfaite dans le cadre du projet d’artistes « Frigobox, Echangeur narratif », son père est décédé deux ans plus tard. La dessinatrice interroge ses souvenirs plus ou moins lointain dans une réalité-fiction d’une force émotionnelle rare.

Epuisé depuis quelques temps, le Fremok décide en cette année 2017 de rééditer Souvenir d’une journée parfaite de Dominique Goblet, initialement paru en 2000 dans le cadre d’une résidence d’artistes ayant pour thème la ville de Bruxelles. Pour ce projet l’auteure décide de partir d’une scène dessinée dans le cimetière d’Uccle qui va ensuite nourrir sa base narrative. Les cimetières, lieux de toutes les rencontres, parfois des plus improbables, celles des habitants de la ville qui viennent rendre hommage ou se « rapprocher » d’un être cher trop tôt disparu et qui se mêlent à des individus venus d’autres quartiers que le leur ou de plus loin encore, celle des morts placés dans des îlots séparés par des allées devenues rues qui construisent une nouvelle ville au sein de la ville avec son rythme, son paysage, sa toponymie.

Le cimetière renvoie aussi à des souvenirs, à des moments de vie qui composent, dans ce lieu, une nouvelle réalité. Dominique Goblet reconnait un penchant pour l’autobiographie qui lui permet de raconter un vécu, une sensation, un sentiment. Elle livrera d’ailleurs en 2008, à l’Association, après un travail mené en « fil rouge » sur plus de douze ans Faire Semblant C’est Mentir, une épaisse biographie devenue culte. Dans Souvenir d’une journée parfaite elle raconte un moment volé à son père, un instant fugace, un souvenir de l’homme disparu dont elle recherche la trace à travers les noms apposés sur des plaques du cimetière où elle se rend. Mais l’autobiographie se voile ici d’une fiction comme elle le reconnait dans un entretien donné à son éditeur pour la sortie de l’album : « Toutes les scènes de cimetière, dessinées de façon très réaliste, sans personnages, sont des scènes purement autobiographiques. Toutes les scènes qui partent dans le personnage sont une fiction. Mais la vérité, c’est que c’est une fiction uniquement nourrie par ma vie. » Le récit oscille donc entre réalité et fiction, mais aussi entre vie et mort, entre la figure du père et celle de cet inconnu au nom de Mathias Khan, entre disparition et prégnance de l’image qui renvoie à des souvenances d’une précision confondante.

D’un point de vue technique, Dominique Goblet, qui a déjà exploré le collage, le mélange des matières, utilise pour ce récit un crayon gras qu’elle plonge littéralement dans un additif de graisse pour créer un aspect jauni qui s’affirme au fil du temps donnant un aspect bichromique à certaines des planches. Là où la dessinatrice tend vers l’épure répond en écho des cases chargées de matières, littéralement noircies de traits vifs, d’une densité qui appelle le regard. Cela renforce cette idée d’entre-deux qui domine le récit et lui donne tout à la fois son mystère et sa force d’attraction mais aussi sa réflexion sur le temps, qui perd jusqu’à nos repères fondateurs. Un album trace comme il en existe peu.

Goblet – Souvenir d’une journée parfaite – Frémok


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