La Terre n’a jamais peut-être autant été malmenée qu’en ce vint-et-unième siècle. Si bien que des milliardaires fous se font construire des bunkers pour les protéger d’une apocalypse qui serait à venir, d’autres mettent sur la table une partie de leur fortune et celle d’états pour envisager un voyage lointain, très lointain vers Mars ou vers des villes de l’espace, à l’instar du physicien américain Gerard K. O’Neill, mentor de Jeff Bezos. Alors peut-être faut-il repenser notre rapport au monde, pour inverser quelques courbes désastreuses pour le devenir de notre Terre…

Quand, dans les années 80, les ordinateurs commencèrent à pénétrer peu à peu chaque foyer, les croyances les plus folles commencèrent à alimenter les rêves. Et à vrai dire l’excitation et le génie de l’homme devait accoucher d’une multitude de nouveautés technologies : téléphone portable, connexion internet, développement de la robotique et des Intelligences Artificielles, excitation de l’exploration spatiale depuis le premier pas posé sur la Lune… Le développement du nucléaire civil devait quant à lui, malgré les peurs qu’il suscitait, permettre d’envisager une alternative aux vieilles ressources qui s’essoufflaient comme le charbon. L’entrée dans le vingt-et-unième siècle devait accentuer encore le phénomène, avec les délires du transhumanisme qui entend prolonger la vie et la réactivation de projets pourtant vains, comme celui de conquérir Mars et d’en faire une alternative à la Terre. Car oui c’est un peu là où le bas blesse, tous ces désirs un peu fous, tout ce désir de technologie possède un coût. Un coût qui se chiffre en ressources nécessaires toujours plus nombreuses sur une Terre qui ne peut en fournir plus qu’elle n’en possède. Le revers de la médaille se fait alors, selon les degrés, de palpable à terrible : dérèglement climatique, pollution, artificialisation des sols, acidification des océans, chute de la biodiversité… Autant de maux qui deviennent au fil des ans peu contrôlables et entraînent le monde vers sa perte. Et la solution, contrairement à ce que beaucoup pense ne passera pas par la technologie. Le techno-solutionnisme, qui affirme que tout problème technique se résoudra pas la technique, trouve ses limites dans un effet rebond qui se fait toujours plus désastreux. Dans ce contexte, que penser du futur ? Des rêves développés par la SF comme autant de promesses ou comme autant d’alertes sur un monde qui perd peut-être le bon cap, celui qui doit permettre de redonner à la vie, une vie soucieuse de la bonne santé de son environnement et consciente de la finitude de ses ressources, une place première.

L’ingénieur spécialiste en transition énergétique et ardent défenseur des low tech Philippe Bihouix et le dessinateur Vincent Perriot, que l’on sait intéressé par la SF utilisée comme un moyen d’interroger notre futur, proposent dans Ressources une réflexion sur le devenir de notre planète. Un regard nourrit par nos modes de vie contemporains, mortifères et aliénants, et les études scientifiques les plus récentes. Des réflexions soumises à celle du lecteur notamment sur les limites planétaires. Car oui le monde actuel vit à crédit sur le dos d’une planète bleue chaque jour toujours plus égratignée. Un livre indispensable qui complète pour ceux qui veulent en savoir plus sur le sujet, le superbe Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici et le plus récent Comment les riches ravagent la planète : Et comment les en empêcher d’Hervé Kempf et Juan Mendez. La lecture des trois est bien sûr vivement recommandée.

Philippe Bihouix et Vincent Perriot – Ressources – Casterman