Avec le second volet d’Ambulance 13 Cothias et Ordas, accompagnés par une mise en scène riche au dessin de Mounier, donnent à voir la Grande guerre par l’œil de la lorgnette, via un service médical des armés encore désorganisé mais qui assure l’essentiel pour sauver d’une mort probable des soldats jetés sur les champs de bataille tels des pions d’un échiquier grandeur nature…
Mis à pied pour avoir conclu un intermède afin de rapatrier des soldats blessés sur le front, Louis-Charles Bouteloup, chirurgien fraichement débarqué en première ligne des combats attend la décision qui doit soit le conduire directement devant le conseil de guerre, soit le « réhabiliter » malgré les suspicions qui pèsent sur lui. Grâce à l’intervention de sœur Isabelle, le jeune lieutenant pourra retrouver ses hommes. Mais une véritable boucherie humaine l’attend en raison d’une offensive allemande qui se fait plus prégnante au point d’infléchir le moral des quelques hommes laissés dans cet enfermement définitif. Au cœur de ce charnier à ciel ouvert dans lequel tombent les corps par dizaines, par centaines, le lieutenant Bouteloup reprendra son poste avec le même sens du service et de la vie, honorant son serment d’Hippocrate. Blessé lors d’un pilonnage de ses lignes avant, des pensées l’envahiront peu à peu lui faisant opérer les soldats mutilés qui arrivent sur sa table d’opération de façon mécanique, « scolaire » mais efficace. Il sera secondé par un colonel allemand, lui aussi chirurgien, fait prisonnier par les troupes françaises.
Avec ce second volet d’Ambulance 13, Cothias et Ordas parviennent à évoquer les travers de la guerre sans virer dans le trop plein émotionnel : Nous sommes commandés par des vieillards orgueilleux que servent des gamins embrigadés, formés à la haine de l’autre. Si les guerres devaient être faites par de vrais adultes, elles n’éclateraient même pas, dira l’officier allemand, révélant au passage l’incapacité des dirigeants à œuvrer pour la paix autrement que par la guerre. Une guerre dépeinte en un condensé de scènes fortes à base de soldats étêtés, de boyaux extirpés à l’air libre, de membres arrachés, de peur aperçue dans les regards des hommes se sachant condamnés dans le plus grand désintérêt d’un état-major en charentaises s’agitant plus pour le devenir de leur carrière que pour éviter de grossir le rang des veuves et des orphelins. Par le biais de cette section médicale, préfiguration du Service de Santé des Armées, les scénaristes exposent la guerre en se plaçant dans un registre parallèle. Une guerre faite pour la vie et non pas pour inverser le sort des nations depuis trop longtemps désabusées et qui laissaient entrevoir leurs faiblesses et leur lâcheté. Ambulance 13 devient déjà un incontournable, tout à la fois romancé et documenté, efficace et passionnant. A suivre !
Cothias/Ordas/Mounier – Ambulance 13 – T. 2 – Grand Angle – 2012 – 13, 90 euros