Récit poignant d’une aventure humaine tragique teintée d’onirisme. Avec Jacques a dit, les deux auteurs parlent de peu avec beaucoup d’a propos, avec aussi ce désir de donner du sens aux choses simples et de nous pousser à regarder la vie sous un autre angle…
Ancien militaire, Jacques a fait partie de ceux qui ont eu le triste privilège d’assister de près aux essais nucléaires français en Polynésie à la fin des années 60. A cette époque il était jeune et insouciant, chantonnait du Brel a qui voulait l’entendre, se baignait dans les eaux claires du Pacifique avec ses potes du régiment. Une vie pas forcément triste mais sans grand relief non plus. Une de celle qui laisse des photos cartes postales dans les albums mais qui lègue aussi des traces durables sur des organismes malmenés. Trente ans plus tard ces traces du passé remontent à la figure de l’ancien marin. Le verdict du docteur qui l’examine est sans appel, il vivra au mieux 6 à 8 mois, rongé qu’il est par le crabe qui fait tranquillement son office dans l’ombre. L’homme vie sans passion manifeste, mais le peu qui lui reste avant de rejoindre d’autres cieux, il compte bien le vivre à fond.
Stéphane quant à lui sort d’un épisode sentimental compliqué. Sa petite amie vient de la larguer alors qu’il n’avait semble-t-il rien vu venir. Largement imbibé d’alcool il marche dans les rues de Nantes donnant des coups de pieds dans les poubelles pour évacuer son chagrin. Lui aussi est marin et chemine vers le port où il entonne le Ne me quitte pas de Brel. Entonner reste un terme flatteur pour Jacques qui passe par là et qualifierait plutôt la prestation de pur massacre… Les deux vont s’approcher, partager, écouter le chagrin de l’autre, essayer de relativiser sur le sens des choses et pourquoi pas fomenter un plan pour faire renaitre le Maillé-Brézé, cet escorteur de la marine française devenu musée pour les grosses fesses molles des touristes qui dépérit dans les eaux douces du port de Nantes. Sous l’impulsion de Jacques Stéphane et quelques amis perdus vont essayer de redonner son heure de gloire au pavillon oublié et se rendre pourquoi pas sur la tombe du grand Brel aux Iles Marquises pour lui rendre un dernier hommage…
Récit poignant d’une amitié de circonstance dopée par les tristes pensées qui envahissent les personnages, Jacques a dit se décline comme un hommage à la vie, à l’amitié, à la déraison qui dope toute existence longuement endormie et qui appelle à relativiser sur le sens des choses. Jacques se sait condamner, il pourrait très bien s’apitoyer sur son sort et laisser couler. Mais la vie possède encore suffisamment de sel pour envoyer tout valser… Un récit tendre et poignant de deux auteurs à suivre…
Grolleau & Bedouet – Jacques a dit – Sarbacane – 2013 – 17,90 euros