Rien ne va plus à Bourg-Saint-Guillaume, le père Lucas vient d’être hospitalisé et les villageois voient poindre le malin. Un remplaçant est donc dépêché sur place pour maintenir la parole de Dieu. Et lorsque cette parole conseille de prendre grand soin des paroissiennes du village, la parole divine se trouve vite remplacée par une action moins spirituelle et beaucoup plus pratique. Les curés doivent parfois savoir donner de leur personne pour le bien de tous…
Comme il existe des profs remplaçants habités par la soif du service public à destination de nos chères têtes blondes aux cheveux bouclés, les curés peuvent aussi avoir leur remplaçant. Car ici-bas, le lot de pêcheurs ne se réduit pas forcément de façon drastique et la nécessité de porter la bonne parole ne peut souffrir d’une interruption prolongée. Les évêques répondent donc souvent à ce besoin de continuité du service divin et envoient donc sur le terrain des curés itinérants. Tel est le cas dans la paisible et rurale commune de Bourg-Saint-Guillaume où le père Lucas, hospitalisé pour une durée indéterminée, trouve en Père Guillaume un remplaçant de choix…
A peine arrivé le jeune homme de foi est « pris en charge » par Suzanne, l’assistante de père Lucas, véritable cordon-bleu qui remet du cœur à l’ouvrage à notre néophyte prêt à assumer sa tâche quotidienne dans une paroisse en proie, comme bien d’autres, au Vilain qui rôde alentours et perturbe les bonnes intentions de ses membres. Mais le père Guillaume manque un peu de pratique, d’un manque évident de contact avec le réel et de mise en situation. Son premier passage dans le confessionnal où il entend absoudre les pêcheurs repentis, se révèle être plutôt déroutant pour lui… Une femme lui révèle en effet la nature exacte et très imagée d’un rêve érotique qui revient régulièrement la perturber et dans lequel elle se fait prendre par plusieurs hommes du village. Pour le père Guillaume ce témoignage circonstancié de cet égarement nocturne n’est pas sans effet sur sa libido qui se trouve très vite ravivée. Mais de telles pensées ne peuvent l’habiter et il se résout donc à se flageller pour chasser de lui ces pensées impures qui se lisent jusque sous sa soutane. C’est à ce moment-là que le Divin apparaît, lui adjurant de veiller non pas à faire le mal en lui mais plutôt de répandre le bien autour de lui, et notamment envers les paroissiennes qui se doivent d’accéder, délaissées qu’elles sont par des maris trop occupés aux travaux des champs, à une plénitude sexuelle méritée… Comment refuser ?
Avec cet album de poche qui mêle cul et religion, Bouzard aurait pu déchainer certaines passions au point de faire de son récit une véritable diatribe remuant les esprits. Pourtant son intention est autre et ce récit léger à souhait se lit pour ce qu’il est, ni plus ni moins, un pur moment de fiction décalée. Père Guillaume y joue le rôle d’un curé un peu benêt qui accomplit la parole divine avec un grand dévouement et n’hésitant pas à assouvir les fantasmes de ses paroissiennes. La soutane ne cache pas l’homme et l’homme n’est pas exempt d’émotions ou d’envies. Bouzard le sait et joue sur ce créneau avec dérision mais sans jamais virer dans le malsain. Au final il parvient à surprendre sur un sujet pas si tabou, car Dieu n’est-il pas tout simplement amour ?
Guillaume Bouzard – La bibite à bon dieu – Les requins marteaux – 2013 – 12 euros