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La BD du jour : L’appel des origines T1 & 2 de Callède & Séjourné

Une jeune femme noire métissée dans une Amérique en proie à un racisme sans précédent. Un père qui surgit de nulle part pour soudain disparaître, peut-être à jamais. L’envie d’en savoir plus sur ses propres origines pour pouvoir enfin se découvrir. Tels sont les sujets évoqués en substance dans cette série, l’une des meilleures découvertes de l’année écoulé…

 

New York courant des années 20. Une ville en pleine effervescence. Des immeubles poussent comme des champignons dans les bois au début de l’automne. L’urbanisation galopante se met en route avec pour effet un accroissement significatif de la population et de tout ce qui va avec. Car la Grande Pomme draine chaque jour un flux de population sans commune mesure. Les hommes et femmes viennent d’Europe pour obtenir le fameux sésame d’entrée, via Ellis Island, vers le rêve américain. Les populations noires quittent aussi massivement le sud du pays où leur condition de vie ne possède rien de l’eldorado envié mais s’apparente plutôt aux vieux reliquats d’esclavagisme sanglant. Des quartiers bourgeonnent donc et transforment le paysage de cette ville protéiforme qui accomplit la plus grande mue depuis sa fondation par des colons néerlandais au début du XVIIème siècle. Les noirs se regroupent dans Harlem et amènent du sud cette musique qui déjà sévit à Chicago, pour le plaisir de quelques riches blancs, le jazz. Harlem, c’est donc le jazz, ses honkytonks ou speakeasy enfumés qui font swinguer les sous-sols de la ville jusqu’à une heure avancée de la nuit, c’est aussi ses musiciens, transpirants par l’effort et la passion, qui donnent tout pour le sourire d’une fille se trémoussant juste devant eux. Harlem sera aussi l’enjeu d’une lutte d’influence en pleine prohibition, quand le mal de vivre recherche un soulagement dans quelques gouttes d’alcool interdits. Enfin ce borough de la grande ville sera marqué à jamais par le racisme ambiant qui n’a jamais totalement quitté les esprits et qui trouvera dans ce microcosme urbain, les raisons de renaître et de se renforcer.

Anna vit dans cet environnement. Serveuse dans le bar de son oncle et de sa tente, Le Benny’s, elle vivote avec un manque apparent, celui de ses parents. Orpheline, tout du moins le croit-elle, jusqu’au jour où sa grand-mère lui révèle la triste vérité, celle de ses origines. Cette histoire débute pourtant bien. Sa mère esclave travaille dans une plantation de coton de la famille Whitmore. Au milieu des champs frappés par un soleil de plomb elle resplendit de beauté à un tel point que le fils du maitre des lieux en tombe farouchement amoureux. Une relation cachée, interdite et risquée s’en suit durant plusieurs mois. Jusqu’au jour où nait une petite fille. Mais, comme dans beaucoup d’histoires idylliques, un grain de sable vient souvent s’immiscer dans le bonheur fragile qui s’instaure et dérange ceux qui ne le comprennent pas. Lorsque le patriarche des Whitmore apprend cela, il entre donc dans une colère sans nom et fomente une vengeance terrible. A la tête de quelques membres du Ku Klux Klan, qui revit depuis quelques années après un déclin dû en partie au départ massif des noirs des terres du sud, il mettra fin à ce qui s’apparente pour lui à une parenthèse fâcheuse de son existence.

Anna est donc née de l’amour d’une mère noire et esclave et d’un père blanc, fils d’un esclavagiste meurtrier. Cela explique son métissage qui se lit jusque dans sa couleur de peau. Pas noire comme il faudrait pour certains et déjà trop pour d’autres. Elle assumera cette distinction. Cette révélation sur ses origines va la bouleverser au plus haut point. Car le père qu’elle croyait mort et bel et bien vivant. Il fait même la une des pages centrales du journal local, dédiées aux grands récits d’aventures. Clarence T. Withmore. En photo illustrant un article sur des explorateurs disparus dans l’Est de l’Afrique. Sitôt retrouvé ce père est déjà perdu. A-t-il était enlevé ? tué ? s’est-il égaré dans des régions inhospitalières ? Où est-il ? C’est ce qu’Anna va chercher à comprendre. Car le doute subsiste et elle n’a jamais été aussi proche de lui. Le premier volet de ce triptyque pose le cadre. Anna va essayer de retrouver son père. Mais aller en Afrique lui est impossible faute d’argent. Alors qu’elle cherche à en savoir plus sur son père elle se liera avec un homme, paléontologue de son état, qui va lui ouvrir une piste. Le cinéma, Hollywood, en pleine effervescence recherche des histoires à vendre. L’Afrique passionne par ses dangers et son côté exotique. Cela suffit à un producteur pour avancer l’argent nécessaire à ce projet. Arrivée en Afrique, début du second volet. Les choses ne sont pas aussi simples. La contrée fourmille de dangers. En essayant de retrouver son père réussira-t-elle aussi à se découvrir ?

Cette série initiée par Joël Callède possède un fond, un cadre. Le New York des années 20, l’Afrique y sont décortiqués avec une précision chirurgicale. Le récit quant à lui suit une trame/un objectif simple mais se trouve dopé par les intrigues secondaires, le background des personnages qui s’épaissit au fur et à mesure qu’ils avancent. Le dessin de Gaël Séjourné relève le défi. L’osmose avec le texte se décline à un niveau rarement atteint. Les couleurs de l’Afrique, les soirées enlevées à Harlem nous font pénétrer dans cette histoire avec délicatesse. Le tout possède un côté très cinématographique qui n’est pas inintéressant du tout. L’appel des origines avec ce second volet, qui nous fait déjà saliver sur le dénouement, s’impose comme une série d’une densité rare. Un plaisir qui se lit jusque dans le plaisir qui nous habite à tourner les pages de cet album qui fera date…

Callède & Séjourné – L’appel des origines T1 & 2 – Vent d’Ouest – 2011 & 2012 – 13, 90 euros l’un


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