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La BD du jour : Les pieds dans le béton de Wouters & Ross

Peut-on vivre sans attache, en bousculant les préceptes établis et par trop structurants d’une société qui peut s’avérer être psychologiquement violente et de laquelle il est difficile de s’extraire ? Martin a choisi sa voie, Thomas la sienne. Les deux amis se sont éloignés mais se retrouvent aussi à travers le temps, à travers les lieux, à travers la vie déréglée et capricieuse qui leur renverra en pleine face leurs propres fantômes. Un récit coup de poing entre univers punk, amitié sincère et souffrance humaine…

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PDLBDes amitiés d’enfants faites pour durer des lustres, une vie peut-être avec cette résurgence de souvenirs pour venir doper le présent. Martin et Thomas son différents et pourtant ils se savent liés par une force difficile à percevoir mais bien palpable. Dans le Bruxelles des années 80, le jeune Thomas sonne à la porte d’une maison du centre-ville, une de ces vastes demeures à plusieurs étages reliés par un escalier en pierre. La porte s’ouvre et une femme lui souhaite la bienvenue en lui indiquant où se situe la chambre de son ami. Thomas admire Martin. Pour sa liberté, sa faculté à se déconnecter du réel, à tout envoyer balancer sans se soucier des conséquences à venir. Il se sent porté par cet espace de liberté, cette possibilité de construire un monde qui à défaut d’être balisé et rassurant se fortifie de toutes ses aspérités. Pourtant il connait le prix à payer pour rejoindre définitivement Martin dans cet ailleurs inquiétant mais terriblement stimulant dans lequel les obligations, contraintes de toutes sortes ne sont que des réminiscences d’un passé à jamais révolu. Thomas ne franchira jamais le pas. Peut-être parce qu’il est sensiblement différent de son ami, peut-être par pression familiale, qu’importe. De nos jours sa vie bien lisse se résume à ce cliché standard véhiculé par de vieilles revues américaines ventant l’American way of life : une femme belle et aimante, une fille bien éduquée attirée par le piano et la musique classique chère à sa mère, un pavillon sans âme, et sûrement un bon job et des beaux-parents souriants… Trop de rectitudes. Trop peu de sinuosités pour alimenter la vie, la piquer au vif, faire qu’on en sente toute la fragilité et toute la saveur. Briser la ligne. Martin et Thomas se retrouveront l’espace d’une nuit qui durera une vie.

Ce récit coup de poing, annoncé par l’éditeur Sarbacane comme LA découverte de l’année, frappe par sa faculté à toucher le lecteur, à l’interroger sur sa propre vie, ses propres espérances. Une violence transparait dans le corps meurtri de Martin, qui bourlingue à gauche et à droite pour trouver de quoi alimenter cet idéal de liberté fait d’absences d’obligations vécues comme autant de petites morts. Elle symbolise peut-être ce désir de fuite, ce masque pour cacher les afflictions passées qui ont définitivement coupées les liens. Que serait devenu Thomas s’il avait suivi Martin dans ses déambulations ? Aurait-il pu goûter cette vie qui lui a échappée et qu’il semble aujourd’hui regretter ? Pouvait-il inverser l’ordre établi ? Le peut-il encore alors que la fin approche ? Mieux vaut-il vivre libre et vite plutôt que l’inverse ? Peut-on franchir le pas si facilement dans une société de l’apparence, dans une société qui construit ses modèles dupliqués à l’infini et desquels il est difficile de s’affranchir ? Le dessin de Mikaël Ross fait de traits vifs et d’un jeu de couleurs atmosphériques tapissent cet album d’une ambiance qui vire parfois au rêve éveillé. Le texte et les dialogues se font rares, visent à l’essentiel, permettent aussi une lecture personnelle et charnelle d’un récit écorché vif qui atteint notre sensibilité et la bouscule parfois…

Wouters/Ross – Les pieds dans le béton – Sarbacane – 2013 – 24 euros


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