Un défi simple, détourner un quadra à la vie semble-t-il bien rangée, faire fuir sa petite femme et s’ouvrir le chemin d’une vie facile aux côtés d’un homme friqué et assez beau gosse. Tel sera le challenge proposé par Anna à Calista, son amie qui officie comme baby-sitter pour le couple en question. Mais peut-on jouer avec la vie des gens sans conséquences ?

Les années étudiantes sont souvent bercées par l’insouciance du lendemain. On navigue dans cet entre-deux parfois troublant et déstabilisant qui, au sortir de l’enfance et de la perte progressive de la « niaiserie » et dans l’attente d’une vie sérieuse et bien cadrée avec son lot d’obligations, pose des questions sur un avenir incertain mais pas pour autant sans perspectives. Calista fait partie de ses jeunes filles qui essayent de tendre vers l’autonomie qui sonne comme un premier pas vers l’âge adulte. Elle complète l’argent offerte par ses parents par des petits jobs qui la responsabilisent. Serveuse au McDo le jour, c’est surtout au travers de son activité de baby-sitter le soir venu, que la jeune femme assure ses arrières.

Car garder la petite Emma, véritable ange qui se berce des histoires de Grosse crotte, s’avère lucratif. En effet le couple de quadra qui lui confie la garde de la fillette se révèle plutôt généreux envers elle une fois revenu à l’appart haussmannien dans lequel il vit. Un appart sympa de 160 m² lové dans un quartier calme de la capitale et doté de toutes les technologies modernes, de l’écran plat surdimensionné, à la cave privée copieusement garnie de grands crus classés. Anna, l’amie de Calista, ne calcule pas sa vie de la même manière, préférant profiter de son corps et de ses charmes pour arriver à ses fins et ne pas se soucier de son avenir. Car rien ne saurait être trop difficile à celle qui sait manipuler les hommes et arriver à leur faire tourner la tête. Pour prouver ce principe ou cet adage, qui fait partie de sa philosophie de vie, Anna va lancer un défi de taille à Calista : essayer d’être la première à détourner Jean le père d’Emma…

Avec ce récit graphique qui s’avère au final un tantinet cruel, Jim et Grelin nous offrent une histoire ancrée dans notre époque. Tout à la fois léger et rythmé, le récit repose aussi sur un jeu sexy qui dope son canevas. Subtilement séquencé, il instaure un climat qui va s’avérer de plus en plus pesant, comme si la déraison des deux jeunes filles permettait au moins à Calista d’entrer de plain-pied dans l’âge adulte. Jeu de manipulation, cruels et non sans conséquences, le défi lancé par Anna permet aussi de révéler les faces cachées de chacun des protagonistes, tous particulièrement creusés, faisant d’Une petite tentation une histoire très visuelle presque cinématographique, à la Larry Clark, grâce au dessin très vif de Grelin qui sert le propos et lui offre sa densité. Un album qui pose des questions tout en refusant de se faire donneur de leçon…

Jim & Grelin – Une petite sensation – Vent d’Ouest – 2013 – 23,45 euros