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Le Coin du Polar : Ténèbres prenez-moi la main de Dennis Lehane

Ténèbres prenez-moi la main est le deuxième livre de Dennis Lehane, que j’avais déjà rapidement évoqué ici dans ma chronique Polar(s) de la semaine.

Voici un rapide résumé de son histoire :

A Boston, une psychiatre reçoit par téléphone des menaces apparemment liées à l’une de ses patientes, suivies quelque temps plus tard d’un courrier anonyme contenant une simple photo de son fils dans sa vie quotidienne, sans le moindre commentaire. Elle charge les détectives privés Patrick Kenzie et Angela Gennaro, deux amis d’enfance, d’enquêter.
Parallèlement, une lointaine connaissance de Patrick, qu’il avait croisée peu de temps auparavant, est retrouvée assassinée dans d’horribles circonstances, la carte de visite de Patrick dans sa main. Ce dernier commence également à recevoir chez lui d’étranges courriers…
Peu à peu, ces évènements vont se révéler liés entre eux, et les deux détectives vont être amenés à affronter un redoutable tueur en série et entamer une plongée dans l’horreur qui va faire resurgir les fantômes de leur enfance.

 

« Nous devrions nous sentir soulagés de ne pas voir les horreurs et les dégradations qui traînent dans notre enfance, au fond des placards, sur les rayonnages de livres, partout. »
Graham Greene,
La Puissance et la Gloire.

C’est par cette phrase qu’il porte en épigraphe que débute Ténèbres prenez-moi la main et elle résume bien les principaux thèmes abordés dans ce livre.
Car au-delà de l’enquête policière, du suspense, du tueur en série particulièrement retors, ce sont bien les thèmes de l’enfance, de la violence, du mal qui sont traités.

Passons rapidement sur l’intrigue : elle est excellente.
Que ce soit sa mise en place, son déroulement ou bien son dénouement, tout est parfait.
Lehane met en branle une mécanique implacable, bien huilée, et le suspense est omniprésent, étouffant.
Et dites vous bien que la personne qui écrit ces lignes vient de lire ce livre pour la seconde fois et connaissait donc l’identité du tueur…
Au niveau des personnages, comme je l’ai écrit dans ma précédente chronique, Kenzie et Gennaro sont aujourd’hui des personnages emblématiques du roman noir, et la dynamique qui existe entre eux est particulièrement intéressante.
Le personnage du tueur est également très réussi, tout comme les personnages secondaires, flics ou truands (mention spéciale à leurs amis Oscar, Devin, Bubba).

Mais ce sont bien les thèmes abordés, et surtout la qualité avec laquelle ils le sont,  qui confèrent à ce roman une place à part non seulement dans la bibliographie de Lehane, mais également dans l’univers du roman noir en général. Lehane n’est évidemment pas le premier (ni le dernier) à aborder ces sujets… Mais il le fait avec un talent que l’on retrouve rarement.
Pour ceux qui ont lu son excellent livre Mystic River (ou bien qui ont vu son adaptation cinématographique) les thématiques des deux ouvrages se rejoignent, et dans les deux cas leur lecture se révèle particulièrement éprouvante.

L’enfance, et notamment l’enfance abîmée (le fait que Lehane soit un ancien éducateur n’y est certainement pas étranger) est le thème principal du livre.
Que ce soit celle du narrateur Patrick Kenzie, celle d’une enfant dont il est proche, ou bien celle des différentes victimes du tueur, l’évocation de l’enfance, de l’innocence bafouée sert de fil conducteur au livre.
A travers l’enquête, et cela bien malgré lui, Kenzie se retrouve obligé de regarder droit dans les yeux les démons de son enfance, et réalise à quel point celle-ci a façonné l’homme qu’il est devenu.

La violence et la façon qu’elle a de contaminer, d’abîmer ceux qui comme Kenzie et Gennaro y sont confrontés au quotidien est également une thématique forte du livre.

Un autre sujet de réflexion majeur de l’ouvrage est donc le mal, ou pour reprendre les propres mots de Dennis Lehane dans la dédicace du livre : « la nature de la ruse et la nature de la bête ».
Le tueur auquel les deux héros sont confrontés est l’un des plus glaçants, sadiques, qu’il m’ait été donné de voir dans un roman policier. Tout autant que ses méfaits, la façon qu’il a de rester sournoisement terré dans l’ombre, de dissimuler sa nature tout en s’en délectant, nous fait, en même temps que les détectives, nous interroger sur les « origines » du mal.
Pour l’auteur, le mal n’est en aucun cas un concept abstrait, un concept religieux mais est au contraire inhérent au genre humain. Et comme les personnages de Lehane, nous en arrivons à l’horrible conclusion que même si nous aimerions pouvoir dire de certains crimes qu’ils sont inhumains , ils ne le sont pas, ils sont même tout ce qu’il y a de plus humain.


 

Ténèbres prenez-moi la main est un livre très sombre et, de par la qualité de son intrigue, de ses personnages et la richesse des thèmes abordés, un classique du roman noir.


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