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Les BD du Mercredi : Bien normal (Cornélius), Mini VIP Super VIP (Soleil) et La terre de glace (Matière)

Le mercredi c’est désormais trois albums sur lesquels nous portons notre attention. Trois livres qui font l’actualité, trois conseils de lecture, dans une diversité de genre et de format, pour aiguiser la curiosité de chacun !

Il y a tout juste un an Jérôme Dubois nous avait séduit avec Tes yeux ont vu, une réflexion sur la fragilité des corps, sur le rapport et le regard porté à l’autre. Dans cet album figurait une scène d’aliénation au monde de deux jeunes gens rivés sur leur téléphone portable et qui ne semblaient plus dialoguer qu’à travers lui. Cette scène qui dépeint en quelques cases une société qui va de travers, dans laquelle les repères semblent devenir volatiles, l’auteur la poursuit en d’autres formes dans Bien normal son nouvel opus publié chez Cornélius. Dans ce petit livre en format à l’italienne Jérôme Dubois propose des strips en quatre cases qui sont autant de mise en scène des divagations de notre société que les membres éminents qui la composent semblent ne plus percevoir. Comme si les repères fondamentaux et structurants qui organisent la vie avaient volé en éclats sans espoir de retour. Là c’est un enfant fier de son nouveau jouet, un SDF, qu’il présente à un ami, ici c’est une femme jouant avec son chien vautré sur le canapé, chien que la femme dit sentir mauvais, et pour cause il est mort depuis des semaines. Là encore c’est un père abandonnant le chien familial devant les pleurs de son fils. L’homme hésite et dit à l’enfant d’aller rechercher le chien et en profite pour abandonner les deux… En multipliant les scènes cocasses Jérôme Dubois pointe le curseur sur les désordres qui envahissent le monde, avec acidité et une once de noirceur.
Jérôme Dubois – Bien normal – Cornélius – 2018

 

Sur la ranking-list des super héros fortiches et modernes, Mini VIP ne truste pas les premières places. Pas très haut sur pattes, le héros à lunettes, vêtu d’une combinaison rouge moulante, ne laisse pas apparaitre les bombements espérés d’une musculature impressionnante. Peu importe, sa grande force lui vient de l’énergie qu’il déploie pour créer des objets hétéroclites qui l’aideront dans la vie de tous les jours. Son frère Super VIP est son opposé parfait. Grand, musculeux il déborde d’un trop plein d’énergie et de pouvoirs plus ou moins bien maitrisés. Habitants d’une Terre polluée à 99,99% les deux héros vont devoir déjouer les plans machiavéliques de Sa Fertilité, reine d’une lointaine planète qui prend l’eau de toutes parts, dont le secret espoir est de parvenir à coloniser un nouveau terrain de jeu. Et peu importe si l’air y est vicié par les gaz nocifs déversés par des millions de voitures. Avec un humour et une créativité de tous les instants les deux auteurs de ce projet hors-norme parviennent à déjouer les pièges de la facilité grâce à de sympathiques héros et par le développement d’un axe thématique subtil autour de la différence, de l’écologie et de l’amour…
Bruno Bozzetto & Grégory Panaccione – Mini VIP et Super VIP – Soleil – 2018

 

Dans La terre de glace trois humanoïdes dont on ne sait s’ils sont hommes ou robots, partent à la recherche d’un homme sur une terre envahit par les glaces. On ne saura rien de leur but ultime, ni l’importance de l’homme qu’ils recherchent. Dans leurs parcours sur cette terre, ils rencontreront d’autres personnages avec qui ils échangeront peu, pour, au final, atteindre leur but et partir aussitôt. Les travaux de Yuichi Yokoyama ne parlent pas forcément à beaucoup. Edité en France aux éditions Matière son œuvre joue en grande partie sur la forme qui passe par une maitrise parfaite de la narration exprimée, dans La terre de glace, par un mélange subtil de cases ciselées tout en diagonales et par la multiplication envahissante d’onomatopées qui viennent percuter nos tympans, avec une violence à peine contenue, mise en exergue dans cette scène de bar où la musique est poussée à son maximum. Les visages sans expressions donnent un sentiment de détachement étrange, tout comme l’œuvre en elle-même qui se fait peu bavarde et qui, menée sur un rythme dopé par des zooms et dézooms sur les matières et les corps, demandent au lecteur une attention particulière. Une fois achevée la lecture de La terre de glace reste l’impression d’une œuvre construite d’une traite, sans reprendre haleine, en mêlant dans une virtuosité saisissante la géométrie des formes.
Yuichi Yokoyama – La terre de glace – Editions Matière – 2018


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