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MaXoE Festival 2023 : La Sélection BD Indépendant

Sans que cela soit une règle, les récits proposés par les éditeurs indépendants sont souvent plus libres de pousser la création et l’audace narrative et graphique, l’exploration et/ou l’improvisation que les propositions faites par les éditeurs établis, généralement plus soucieux de la rentabilité des projets qu’ils défendent. Les quelques récits que je vous propose ci-dessous en sont l’illustration parfaite !

 

Cela est particulièrement vrai dans Otto de Charles Nogier qui présente l’histoire d’un chien qui prend la tangente un soir d’orage. Cela donne lieu à un récit épuré fait de contemplation et de compassion pour ce héros canin qui découvre le monde avec ses yeux et sa naïveté. Un récit hors du temps, sensible qui propose au lecteur de voir le monde différemment. Seul un éditeur comme Les Editions de la Cerise pouvait sortir un récit de ce type, exigeant et à la fois nécessaire dans la production actuelle… 

 

Pourquoi nous sommes las le titre du récit proposé par Michael Jordan sonne déjà comme un constat amer sur ce que nous sommes, sur notre rapport à une société que nous avons du mal à comprendre. Le pitch de l’éditeur dit beaucoup en peu de mots, nous reprenons donc volontiers les mots du Frémok : « Angoisse, incertitude et sensualité insufflent une vie unique en son genre à ce récit erratique et mystérieux, où les oiseaux semblent tristes et les protagonistes sournois… Ainsi apparaît l’univers de Michael Jordan : des pierres sont léchées, au goût sucré, des stations de métro mènent au boudoir lascif, des expériences médicales douteuses vont être menées. Des questions demandent des réponses afin que notre examen physique puisse commencer, mais notre esprit, lui, erre, suit une fuite en avant dont le but même est inconnu. » Une proposition graphique choc qui marque longtemps après sa lecture

Dans Terre Rare, tout comme dans L’année de la comète, Clément Vuillier compose un récit sans texte ni personnage en plaçant le lecteur en spectateur d’un immense chaos planétaire. Une première différence néanmoins entre les deux récits, qui tient à la forme. Terre rare développe des images découpées principalement en cases (mais pas que) là où le précédent album exploitait le grand format en des pleines ou doubles planches. Le propos est lui aussi différent. Plus sombre, il peut se lire comme une alerte contre l’exploitation à outrance des matières premières qui défigure l’espace qui nous entoure. Particulièrement d’actualité si l’on considère par exemple les dévastations causées par l’exploitation des roches de schiste. Bluffant !

 

Si le récit de sorcières trouve de nouveaux développements depuis quelques années, Ils brûlent se singularise pourtant de la production actuelle par les thèmes qui s’y développent et notamment celui du traumatisme partagé par Ongle et Pluie, les deux personnages principaux de ce récit. Aniss El Hamouri par l’utilisation de dialogues ciselés, mais aussi par sa façon de transcrire les attitudes de chacun parvient à densifier la dramaturgie de son récit, aidé en cela par l’utilisation d’un trait fragile particulièrement efficace. Ils brûlent décline son sujet au travers d’anti-héros brisés par la vie, rebus d’une société qui ne veut pas/plus d’eux, chose d’autant plus difficile à accepter pour des enfants qui ne demandent qu’amour et attention. Développé sur 200 planches la première partie de ce triptyque se laisse le temps, sans lourdeurs, d’apprivoiser des héros qui ont beaucoup à dire. Le récit de la confirmation pour Aniss El Hamouri.

 

Premier roman graphique de Daniel Galasso, Sentinelles se place volontairement dans un futur proche donc familier, et déroule un film catastrophe pour l’humanité, qui, après avoir dénaturé et meurtri l’environnement qui l’entoure, doit réapprendre à vivre à son contact. Sans dialogue, dans une forme d’épure qui laisse la place centrale aux paysages naturels ou non, Sentinelles se veut le témoignage d’un auteur qui se pose des questions sur le devenir de l’homme qui a perdu peu à peu la complicité qui le liait à la nature. Travaillé au crayon de couleur et à la mine de plomb, le récit ne tombe jamais dans les travers d’un renoncement, ni dans celui d’une victimisation, il laisse au contraire la possibilité de s’émerveiller au contact de cette nature dans un autre rapport au temps…

 

Après Avant l’oubli déjà publié chez L’employé du Moi qui voyait la Lune se diriger de manière inévitable vers la Terre avec, en finalité une collision destructrice pour l’humanité, Lisa Blumen revient aux affaires avec Astra Nova un récit science-fictionnel dans lequel il est question notamment d’exploration lointaine. Une exploration qui doit permettre aux habitants de la Terre, en souffrance, de trouver un nouvel Eden. Mais nous le découvrons au fil des pages, l’enjeu est ailleurs… Une autrice inspirée qui a des choses à dire !

 

Adapter n’est pas la chose la plus évidente. Dans sa relecture de Frankenstein, Hernandez va plus loin que l’œuvre originale, puisque le professeur Frankenstein prend ici les traits d’une jeune femme. L’élément en soit pourrait paraître anodin, pourtant il faut y voir la volonté de la dessinatrice de changer de point de vue. Dans une société engoncée dans ses principes, où le patriarcat s’impose comme une règle jamais ou peu mise en cause, la liberté prise avec le texte de Shelley doit se lire comme un hommage fait à la romancière, femme libre de son temps, à la destinée tragique, dont l’œuvre fut fondatrice pour la science-fiction. Dans une proposition ciselée, aux couleurs riches et maitrisées qui apportent une touche poétique et détachée au texte, cette version de Frankenstein se fait des plus audacieuses.

 

Un homme dans le désert affiche sa peur d’une prolifération destructrice de criquets noirs. Des criquets qui, comme les sauterelles, peuvent faire de véritables ravages sur les environnements végétaux qu’ils parcourent. L’homme possède cette conviction intime qu’un grand cataclysme, une apocalypse que l’on pourrait rapprocher de la huitième plaie d’Egypte, va survenir d’ici peu. Il va tenter par tous les moyens de l’empêcher. Récit en forme de fable, Point Zéro développe plusieurs niveaux de lecture qui correspondent à plusieurs temporalités. Passé, présent et futur se percutent ainsi dans une réflexion sur le sens de la vie, tandis que la construction narrative alterne les journées qui offrent action et mouvement, et les soirées plus propices à l’introspection et au dialogue. Un récit intime et précieux.

 

A vos souris pour faire votre choix !


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