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Une BD sous le bras : Le Western en BD, actualité oblige !

Le western reste un genre prisé des auteurs de bande dessinée. Même si l’ombre faite par des séries phares telles Blueberry, Bouncer ou autres ont pu faire craindre une désaffection de nouveaux projets, force est de constater qu’il n’en est heureusement rien pour notre plus grand plaisir. L’homme qui n’aimait pas les armes à feu vient donner une claque au genre en mêlant humour, richesse du détail graphique du à Paul Salomone sur un scénario du remarqué Wilfried Lupano. Avec Pinkerton, Rémi Guérin s’offre aussi une virée dans le grand ouest en s’attachant à retracer le destin de la dynastie Pinkerton. Enfin Christophe Bec livre un diptyque dense soutenu par un dessin de Daniel Brecht efficace dans la thématique. Attention aux ombres et aux balles perdues, elles n’annoncent que trop rarement de bonnes choses !

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L'homme1Un homme de la « haute » prend un thé en plein désert avec un sourire un peu benêt. A ses pieds gît un mexicain dans toute sa splendeur, pistolet encore en main. Scène cocasse que de mêler la fragile porcelaine travaillée et les traces d’un combat ayant indubitablement entrainé la mort… Et que dire de l’agitation en arrière-plan ? Que dire de ces Mexicains a priori pas facile qui s’excitent sur leur monture (leur cheval, n’y voyait rien de lubrique) pistolets et carabines pétaradantes ? La couverture du premier tome de L’homme qui n’aimait pas les armes à feu laisse présager d’un sérieux décalage de ton, un peu comme si le western spaghetti revivait de ses cendres en poussant encore plus loin les moyens mis à sa disposition pour nous surprendre et surtout nous entrainer dans une virée jubilatoire.

L’homme au thé, un certain Byron Peck, nous le retrouvons dès le début de ce récit à bord d’une carriole qui traverse le sud du pays. Accompagné d’un certain Monsieur Hoggaard, dont la masse physique colossale le classe d’entrée dans le genre des bipèdes à éviter dans les querelles de saloon, il devise du temps lourd qui sévit dans le désert. M. Hoggaard, lui, semble ne plus avoir les idées claires, nous découvrirons plus tard pourquoi, et s’exprime visiblement avec quelques difficultés méritant des séances d’orthophonie avancées. A l’arrière un mexicain mort fait la joie de quelques mouches de passage. Peck et son compagnon de route se débarrasseront du corps de manière pas forcément très catholique. Pas très loin de là un train sillonne la contrée. A son bord un passager sans ticket est débusqué et se trouve prié de descendre illico presto. La tentative de négociation s’avère vite vaine et le jeune homme se trouve à valser par-dessus bord dans une chute du plus bel effet. A vrai dire la raison de la montée à bord de Tim, c’est son nom, est dû à la présence dans les voitures de la belle et pulpeuse Margot dont il est tombé amoureux. Un amour qu’il paye donc au prix fort. Sitôt débarqué le train se trouve la proie d’une attaque des plus efficaces menée par un groupe de Mexicains plutôt rôdés à l’exercice. Invités à se détrousser les passagers, malgré leur résistance, alimentent les sacs de ces bandits de chemin. La distinguée Margot, elle, se rapprochera du leader de la bande afin de lui proposer un marché… Que cache cette improbable proposition ? Et au-delà ne faut-il y voir un lien direct avec la présence du non moins distingué Byron Peck ?

l_homme2]Avec cette série il est vrai particulièrement jubilatoire, Wilfrid Lupano nous mène sur un terrain pas forcément inconnu, celui du western spaghetti revisité avec un médium tout terrain, celui de la BD. Le récit tourne autour des trois personnages clefs de Margot, de Byron et de M. Hoggaard dont on apprendra qu’il a été l’amant de la dame, Byron lui, étant modestement son mari corné. Ces trois-là possèdent chacun des ambitions qui tournent autour d’un fameux document détenu, avant qu’il ne soit volé, par M. Hoggaard. Ce document de la plus haute importance pourrait changer le cours de l’histoire des Etats-Unis, d’où les moyens déployés pour y remettre la main dessus. Nous ne déflorerons pas plus le scénario pour vous en laisser la surprise… Paul Salomone, qui est pour la peine une vraie découverte, excelle dans la mise en situation, dans la description détaillée des scènes qui possèdent souvent plusieurs niveaux de lecture. Il arrive à densifier chaque case en mêlant un style semi-réaliste, qui permet de pousser plus loin les expressions des personnages, à un style plus réaliste dans la description des décors qui reposent sur une documentation fournie. Dans le second volet de l’album Wilfrid Lupano reviendra par le biais d’un long flashback sur l’origine de l’intrigue et poussera dans le background des personnages. Dans L’homme qui n’aimait pas les armes à feu, on retrouve une ambiance, une musique, un son, une odeur propre au western. Les personnages sont tous de sacrées crapules, même ceux que l’on pense propres sur eux. Bref on jubile jusqu’à regretter la fin de chaque épisode !

Lupano/Salomone – L’homme qui n’aimait pas les armes à feu T1 & 2 – Delcourt – 2012 & 2013 – 13,95 euros

 Interview de Paul Salomone

Pinkerton [1600x1200]

Pinkerton fleure bon le western d’antan, avec son lot de violence, de lutte de pouvoir et de poursuites effrénées. Avec ses gueules carrées et cassées, mal rasées qui font partie du décor ambiant. Les longues étendues de désert – véritables no man’s land où personne ne semble vouloir s’aventurer ou élire domicile tant la terre, martelée par une aridité qui sévit sans discontinuité, fait office de repoussoir – sont les lieux idéaux de retrouvailles souvent fort peu amicales. Dans les villes, les parquets des saloons surchargés grincent sous le poids des hommes en bottes de cuir lourd qui exposent leur six coups à qui veut bien, pour freiner les ardeurs des plus farouches ou des plus imbibés, et leur suggérer d’aller chatouiller des gredins moins regardant. Les chopes se percutent souvent dans des éclats de rire gras seulement nuancés par le tintement aigu de voix de filles de joie, enrubannées de froufrous bon marché, qui laissent entrevoir leurs douces cuisses aux quelques chanceux de la partie de poker qui se joue dans l’arrière salle enfumée.

Ce paysage traditionnel laisse galoper nos imaginaires tel un cheval lancé sur les chemins terreux alentours. Il offre un canevas dans lequel Rémi Guerin construit son récit. Un récit documenté, qui s’affiche comme une photographie du grand Ouest, avec ses personnages haut en couleur qui ont fait la véritable histoire dans les années 1860/1880. Jesse James a construit sa légende dans le Missouri et le Mid-Ouest des Etats-Unis en s’inspirant de Robin des bois. Il s’attaquait aux trains et aux diligences chargées d’or ou de richesses diverses et reversait le tout aux pauvres des campagnes qui mouraient souvent de faim. Il s’attira ainsi, avec son frère Franck, les faveurs de journalistes mais aussi de politiques qui demandèrent finalement que les poursuites en son encontre soient levées. Le gouverneur du Missouri ne voyait pas la déambulation de Jesse James et de ses hommes sous le même angle et dans un contexte de défiance (le congrès vota contre la proposition du gouverneur de lever une troupe contre la bande de Jesse James) les Pinkerton entrèrent en jeu. Si Allan possédait encore des valeurs dans la façon de traiter ses affaires, cela était moins le cas de son fils William qui n’hésitait pas à utiliser des moyens peu conventionnels pour arriver à ses fins. C’est ce qui se passa en cette sombre soirée du 26 janvier 1875. Informé de la présence des James dans la ferme familiale, William décide de les encercler afin de les forcer à se rendre. Tout ne se passe pas comme prévu et adepte de la manière forte le fils Pinkerton décide de lancer un sac de poudre dans la maisonnée qui explose littéralement. Archie, le petit frère meurt et la mère est grièvement blessée. Cet épisode ne va pas plaire au shérif local qui trouve ce déploiement de force totalement disproportionné et les conséquences désastreuses sur l’image de la justice. Allan Pinkerton, désireux d’en finir au plus avec cette mission, va mettre un nouveau plan en place pour essayer de coincer les bandits.

Un album dont le rythme ne faiblit pas et qui fait honneur au genre. Rémi Guérin arrive à mêler l’histoire véritable et la fiction pour offrir un récit de bonne facture. Le dessin de Damour trouve ici un véritable terrain propice à son expressivité. Dans la dynamique, la densité graphique et l’expressivité des personnages il arrive à pimenter une histoire déjà forte en épices. A suivre !

Rémi Guérin et Sébastien Damour – Pinkerton T1 – Glénat – 2013 – 13,90 euros

  

L.10EBBN001703.N001_DeathMOU1_C_FR Dans l’Amérique des années 1840 les indicateurs économiques et sociaux ne sont pas foncièrement au vert. Touchés par une vague de choléra et de malaria, nombre de paysans et de petits notables décident de franchir le pas pour se diriger vers l’Ouest où l’air semble bien plus sain et les perspectives économiques réelles. Cette période de l’histoire des Etats-Unis, juste avant les premières découvertes d’or qui engendrèrent la fameuse Ruée, demeure moins connue de nous. Le pays est en proie à des tensions palpables avec le Mexique qui s’étendait alors sur le sud des Etats-Unis actuels (Texas qui vient juste de tomber, Californie, Arizona et Nouveau-Mexique). Une guerre ouverte opposera les deux pays avec un déploiement de force impressionnant (100 000 soldats mobilisés au total des deux camps). C’est aussi dans les années 1840 que l’idée du « destin manifeste » voit le jour. Les Etats-Unis seraient destinés à s’étendre jusqu’au Pacifique afin de relier les deux océans. Alimentée par la presse, l’idée fait des émules et de nouveaux colons s’improvisent chaque jour. Christophe Bec nous livre le récit romancé de l’un de ces voyages tourmentés qui restèrent dans l’histoire des Etats-Unis pour la tournure tragico-macabre qu’il prit.

Eté 1890, dans une école de Californie, une vieille institutrice explique aux enfants attentifs le parcours emprunté par les colons pour gagner, à partir du Mid-ouest, les terres riches et prometteuses de Californie. En fin de récit elle semble vaciller par la résurgence de souvenirs qui lui remontent en tête. Elle se nomme Mary Graves et a participé elle aussi à l’un de ces voyages de plusieurs milliers de kilomètres à travers les Etats-Unis. Alors qu’elle sonne la cloche annonçant la fin des cours, un homme se présente à elle. Il dit être le petit-fils de James et Margaret Reed qui ont pris part eux-aussi au même voyage qu’elle, une épopée devenue tristement célèbre, la Donner Party. L’homme souhaite évoquer avec Mary ce douloureux moment pour comprendre avec les mots de la vieille femme ce qui s’est joué presqu’un demi-siècle plus tôt.

Tout a commencé en juin 1846. Des colons se regroupent à fort Laramie avant d’effectuer le long périple à travers les Rocheuses. Le temps est peu propice à ce genre de voyage. La pluie qui tombe sans discontinuer embourbe les chemins qui deviennent vite impraticables pour les lourdes carrioles qui doivent effectuer le L.10EBBN001709.N001_DeathMOU2_C_FRchemin vers l’ouest. Parmi eux Mary et sa sœur qui accompagnent leur père, ainsi que d’autres charrettes dont celle du riche James Reed, de Stanton, placé à la tête du convoi et de John Snyder. Si des incidents émaillent le parcours, le plus dur reste à venir car le temps se fait de plus en plus menaçant à l’approche de l’hiver et les Rocheuses semblent interminables. Poussés dans leurs derniers retranchements, le morbide et le macabre se trouveront liés au point de faire vaciller les âmes…

Avec cet album documenté tiré d’un épisode réel de l’histoire de la traversée des Etats-Unis vers l’ouest, Christophe Bec livre un récit dense qui excelle dans l’analyse psychologique des personnages. Tout l’intérêt réside non pas dans l’histoire elle-même de cette tragédie mais dans les répercussions qu’elle occasionne, aux différents stades de l’aliénation, chez les protagonistes de cette traversée des Rocheuses. Les dialogues, au fil du récit, se font plus rares, notamment dans le second volet – publié conjointement au premier – pour accompagner les acteurs de ce drame dans leur repli sur soi et dans leurs doutes. Le lecteur devient de fait traversé par les images de ces terres hostiles parfaitement restituées par Daniel Brecht qui arrive à déjouer les pièges des longues étendues en leur donnant le caractère et la pression qu’elles suggèrent à celui qui les parcourt. On sent l’humidité suinter, le vent se frayer un chemin entre les cols, la froideur se faire plus prégnante. Si le cadre change peu, notamment dans le second volet qui peut se lire comme un huis clos montagnard, l’album arrive à restituer l’effet recherché. Recommandé !

Brecht/Bec – Death Mountains – T1 & 2 – Casterman – 2013 – 12, 95 euros

 

Pour finir ce long focus sur le western, nous vous laissons admirer cette belle dédicace de Paul Salomone ! grand merci à lui…

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