Le festival Quai des Bulles entame son dernier virage en cette journée de dimanche.
Hier soir, comme à l’accoutumée étaient dévoilé les prix du festival. Si nous en connaissions déjà l’un des lauréats, la soirée d’hier nous a livré ceux qui rejoignent Aniss El Hamouri.
Je vous laisse découvrir le communiqué de presse transmis par l’organisation du festival et vous propose une petite chronique en fin du Prix coup de cœur, que nous n’avions pas encore présenté dans le cadre du festival !
Le communiqué du Festival
Samedi soir, le festival Quai des Bulles a décerné ses cinq prix. Découvrez les lauréats de cette 38ème édition :
Grand Prix de l’affiche : Marion Montaigne
Le Grand Prix de l’Affiche récompense un auteur que l’équipe apprécie particulièrement. Salué et reconnu pour son talent d’illustrateur, il a l’insigne honneur de réaliser l’affiche de l’édition suivante !
Prix Coup de cœur : Cinq branches de coton noir de Steve Cuzor et Yves Sente
Le Prix Coup de Cœur est un coup de projecteur. Il est attribué à un ou plusieurs auteurs dont l’œuvre nous a agréablement surpris et réjouit.
Prix Ouest France / Quai des Bulles : Ailefroide, Altitude 3954 de Olivier Bocquet, Jean-Marc Rochette
Le Prix des lecteurs Ouest-France/Quai des Bulles désigne un ouvrage paru dans l’année et vient récompenser ses auteurs. Ce prix construit en partenariat est décerné par un jury de lecteurs. Un prix populaire bâti dans l’esprit d’un soutien concret à la création.
Prix Révélation ADAGP / Quai des Bulles : Comme un frisson, d’Aniss El Hamouri
Le prix Révélation de l’ADAGP/Quai des Bulles vise à valoriser et à encourager le travail des jeunes auteurs de bandes dessinées. Il récompense un auteur complet (scénario+dessin) travaillant ou résidant en Europe et Suisse, ayant publié au maximum trois albums, dont un dans l’année.
Prix Jeunes Talents : Quentin Heroguer
Le Prix Jeunes Talents est décerné au grand lauréat du concours jeunes talents, organisé à destination des auteurs non publiés.
Chronique du Prix coup de coeur
Yves Sente / Steve Cuzor – Cinq branches de coton noir – Dupuis
Mai 1944. Dans le camp militaire de Douvres en Angleterre, à quelques encablures des côtes françaises, une unité de l’armée américaine aligne de faux blindés pour faire croire aux forces de l’Axe que le fameux débarquement dont tout le monde parle depuis quelques mois pourrait subvenir dans le Nord de la France et non pas en Normandie. Cette tâche est assignée à une unité composée d’une très large proportion de soldats noirs.
Des soldats, qui, en raison de lois ségrégationnistes ne peuvent prétendre participer directement aux combats. Ce statut de soutien lasse trois d’entre eux, Lincoln Bolton, Aaron Johnson et Tom Conor qui se rapprochent de leur commandant pour lui demander une mutation dans une unité de combat. Une fin de non-recevoir leur est aussitôt signifiée. Au même moment, à Raleigh en Caroline du Sud, Johanna, la sœur de Lincoln, apprend la mort d’une tante qui n’avait pas laissé de descendance et qui lègue à ses deux neveux la maison dans laquelle elle vivait où l’ensemble de ses biens est contenu. Des biens a priori modestes sans grand intérêt. Pourtant, en ouvrant un vieux coffre, Johanna découvre à l’intérieur un très vieux manuscrit daté de 1777.
Un manuscrit qui se révèle être le journal d’Angela Brown, une femme qui a travaillé dans la maison de couture de Betsy Ross à l’origine de la confection du premier drapeau des Etats-Unis d’Amérique destiné aux armées du général Washington. Un drapeau sur lequel elle aurait remplacé une des treize étoiles blanches par une étoile noire, rendant cette première bannière unique pour la cause et la reconnaissance des droits des afro-américains. Par jeu de relations interposées Johanna parvient à faire délivrer par le haut-commandement américain un ordre de mission aux noms de Lincoln Bolton, Aaron Johnson et Tom Conor pour retrouver le fameux drapeau qui serait détenu en Allemagne…
La seconde guerre mondiale a donné lieu à de nombreux récits graphiques, notamment dans l’univers du comics. Jamais pourtant n’avait été mis en avant de façon aussi nette le rôle joué par les unités afro-américaines et surtout les « restrictions » dont ses soldats étaient frappés. Cantonnés à des rôles de soutiens, il fallut attendre les derniers mois des combats et le manque cruel de soldats blancs pour que 2500 volontaires afro-américains soient intégrés dans des unités existantes. Scénarisée par Sente, pointure s’il en est du neuvième art, cette histoire s’immisce au plus près des hommes pour exposer de manière criarde le racisme latent au sein même de l’armée américaine, qui n’est que le reflet exacerbé de ce qui se joue sur les terres mêmes des Etats-Unis dans les années 30, 40 et suivantes.
Lincoln, Aaron et Tom, les trois soldats noirs missionnés pour retrouver le primo drapeau étoilé américain sont d’ailleurs ici encadrés par un lieutenant blanc qui seul pouvait, aux yeux du commandement des forces américaines, mener à bien cette tâche symbolique. Récit de guerre avec les codes attachés au genre, cette histoire se voit superbement dessinée par Steve Cuzor, révélé notamment sur la série O’Boys construit autour du personnage d’Huck Finn qui traversait, dans un road-movie qui transpirait le blues, le Sud des Etats-Unis dans les années 30, marquées par de forts relents ségrégationnistes. Un album à ne pas rater !
Sente / Steve Cuzor – Cinq branches de coton noir – Dupuis