Une petite maison aux murs pales nichée dans un écrin de verdure. Un chemin d’accès fait de quelques pierres posées sur un gazon qui mériterait peut-être d’être rafraîchit. Un soleil qui vient éclairer cet espace que l’on devine idyllique. Un temps surtout qui semble arrêté. Un air de paradis. Le titre confirme l’impression offerte par le vert dominant de cette couverture au récit d’Arnaud Quéré.
Des souvenances d’un passé qui commence à s’éloigner, dans les années 80, où il se rendait, venu l’été, dans la périphérie de Lyon où, loin de la métropole, il pouvait entretenir un rapport plus franc et plus direct à la nature. Ceux qui ont goûté à cela, chez des grands-parents accueillants, fiers d’héberger pour quelques jours leurs petits-enfants à qui ils font découvrir tous les secrets d’une nature encore préservée, faites d’une flore et d’une faune propre à émerveiller les mirettes, retrouvent dans ce récit ce qu’ils ont pu connaitre. Rien n’est factice dans cette transmission de souvenirs, dans cette nostalgie portée à une époque où le lien, les liens, se fondaient dans des rapports chaleureux avec les hommes, avec un regard porté à l’autre bien plus sincère et désintéressé. Dans un temps qui semble figé, au moins dans les mémoires, la quiétude envahit l’espace. On pourrait rapprocher ce récit graphique du A Garonne de Philippe Delerm dans lequel le romancier se livrait entièrement en offrant à ses lecteurs le récit de moments passés dans une maison familiale du Tarn-et-Garonne, qui appelait à la simplicité des rapports et à une transmission de générations à générations.
Un air de paradis se construit comme un long témoignage dessiné accompagné de pavés narratifs dans lesquels l’auteur se souvient des lieux, des personnes rencontrées, des anecdotes savoureuses. De ce lieu aussi, qu’est cette maison qui s’affiche en couverture. A l’instar d’un Didier Decoin qui disait avoir écrit son récit Avec vue sur la mer « pour dire que je n’habite pas une maison mais que je suis habité par elle », Arnaud Quéré offre un lieu à notre vue, celle d’un paradis non artificiel mais qui respire bel et bien la nature, l’air frais d’une campagne avec ses effluves et ses senteurs de fleurs, de purins, d’animaux plus ou moins domestiqués, de caves garnies. Il offre aussi un temps, pas encore en transition, comme celui que nous dépeint William S. Merwin dans Les dernières vendanges de Merle, qui s’anime au travers d’habitudes mises à mal par de joyeux trublions venus goûter aux joies de l’espace et de la liberté. Une réédition salutaire qui vient percuter une époque envahit par le virtuel et les rapports décharnés.
Arnaud Quéré – Un air de paradis – Des ronds dans l’O – 2018