Le 5 décembre 2013 au soir, l’Afrique du Sud apprend la mort de son ancien président : Nelson Mandela. Quelques jours avant sortait dans le pays (ainsi qu’aux États-Unis) l’adaptation sur grand écran de son autobiographie Long Walk To Freedom. Aujourd’hui, le long métrage fait son arrivée dans les bacs en DVD & Blu-Ray. Pour l’occasion (et afin de rendre hommage à l’homme), voici une critique du film lors de sa sortie dans les salles obscures – critique proposée par un auteur invité qui a gentiment accepté de livrer ses impressions.
Né et élevé à la campagne, dans la famille royale des Thembus, Nelson Mandela gagne Johannesburg où il va ouvrir le premier cabinet d’avocats noirs et devenir un des leaders de l’ANC.
Son arrestation le sépare de Winnie, l’amour de sa vie qui le soutiendra pendant ses longues années de captivité et deviendra à son tour une des figures actives de l’ANC.
À travers la clandestinité, la lutte armée, la prison, sa vie se confond plus que jamais avec son combat pour la liberté, lui conférant peu à peu une dimension mythique, faisant de lui l’homme clef pour sortir son pays, l’Afrique du Sud, de l’impasse où l’ont enfermé quarante ans d’Apartheid. Il sera le premier Président de la République d’Afrique du Sud élu démocratiquement.
Afrique du Sud : quarante ans d’apartheid.
« Il est tout à fait logique qu’un système légal injuste et immoral fasse naître le mépris pour ses lois et ses règlements ».
Nelson Mandela in Un long chemin vers la liberté.
Je n’avais pas l’intention d’aller voir ce film. Que peut le cinéma contre l’injustice ? L’oppression ? Le racisme ? La misère ? On le nomme le septième art, au mieux il nous renseigne, nous émeut, nous amuse, nous interroge… Il sort le 18 décembre… Non, non, je n’irai pas au cinéma !
– Mais Mandela tout de même !
– Non vous dis-je !
– Si, vous irez.
– Qui m’y obligera ?
– Vous-même.
– Moi ?
– Oui, vous.
– Moi-même, voilà qui est bon !
– Allez, Papa, laisse là le Théâtre, tu as lu la biographie, écris-moi un papier sur le film s’il te plaît, j’ai du boulot, plein de trucs en retard… Allez, quoi !
– Bon d’accord mais je n’irai pas seul et je te fais une synthèse.
Bandes annonces, publicité… Déjà, ça m’énerve !
Film (VF), premières images bucoliques, nature, enfance, chants profonds, ancestraux… Premières larmes. J’ai prévu les mouchoirs en papier.
Bon début, le cinoche serait-il en train de vaincre mon préjugé ?
Johannesburg ville « occidentale », Nelson jeune avocat roule en Chevrolet, s’intéresse aux filles, fréquente les bars et… Quatre boules de cuir boxe ! Boxe !!
La BO nous propose du jazz, tiens me dis-je « les noirs américains, descendants des esclaves ont inventé cette musique et elle revient en Afrique riche de rencontres, de mélanges… Irrésistible ! »
Tout semble normal dans ce pays colonisé ; l’avocat Mandela déstabilise une femme blanche en procès avec sa domestique, cette femme est sincère elle ne doute pas un instant de la supériorité de sa race… Bien vu.
Je guette le moment où le réalisateur va mettre la lumière sur l’injustice. Et c’est Mandela qui nous dit l’évidence : « Un homme, une voix ». Il va s’appuyer sur cette certitude pour faire triompher sa cause… Trente ans plus tard !
Ça continue. Réunions de militants, prise de conscience, manifestations. Et répression, violence, clandestinité. Le pouvoir blanc est le plus fort, Mandela et bon nombre de ses camarades seront arrêtés. Alors débutera le long procès où les accusés risquent la peine capitale, ils y sont résignés.
Ce sera la prison à perpétuité.
Le film change de rythme après une première partie très elliptique, trop aux yeux de mes « adjoints ». Il s’installe dans une narration plus souple qui souligne la détermination et le sens politique de Mandela. À noter le très bon traitement des autres personnages, ses camarades de l’ANC, les membres du gouvernement, sa famille et en particulier celui de Winnie son épouse.
Les cheveux ont blanchis. A Robben Island, Nelson fait pousser des tomates. Va-t-on l’oublier ?
On connaît la suite : libération, rencontre avec De Klerk. Dans le bouquin ce chapitre s’appelle « Parler avec l’ennemi ».
La fin est proche, il me reste quelques kleenex. Je me surprends à « écouter » la salle. Rien ne bouge, nul ne tousse. Il y a de la retenue, une sorte de respect.
Générique. Confirmation. Peu se lèvent mais des yeux brillent.
Nelson Mandela vient de quitter ce monde. La couverture médiatique de ses obsèques provoque chez moi un sentiment étrange : mélange d’indignation, de colère et d’apaisement.
Le président US serre la main de Raul Castro… C’est le Che qui doit se marrer !
Finalement j’ai préféré le film à cet « événement planétaire ».
– Alors ?
– Alors, nous avons bien fait d’aller le voir.
Une crainte cependant : pourvu que Barbelivien ne fasse pas une chanson !