A quoi ressemblera 2050 ? Difficile de le dire, la vitesse à laquelle la technologie transforme le monde ne laisse que peu d’indices au plus imaginatif d’entre nous. Des indices pourtant. Les IA seront bien présentes dans nos espaces de vie, le transhumanisme poursuivra quant à lui peut-être son travail de transformation de l’homme devenu augmenté (oui, mais de quoi ? et pour qui ?) tandis que l’absence de mesures prises pour lutter contre le climat, la pollution, la sixième extinction massive sans oublier l’acidification des océans et l’artificialisation des sols offriront des visages bien différents de nos cadres de vie. Et peut-être même que des hommes et des femmes auront déjà posé un pied sur Mars…  

Les éditions Philéas proposent depuis quelques temps déjà des recueils d’histoires courtes composées par une quinzaine d’auteurs autour d’une thématique commune. Ainsi après Le crime parfait en 2022 et L’alibi en 2023, l’éditeur invite un panel de dessinateurs et de scénaristes (Jean-Christophe Chauzy, Philippe Gauckler, Christian De Metter, Jean-Michel Ponzio, Mig, Jean-Baptiste Hostache, Stéphane Perger, Olivier Martin, Malo Kerfriden, Thibaud de Rochebrune, Guillaume Dorison, Aurélien Ducoudray et Laurent Galandon) à réfléchir sur un futur possible en plaçant le curseur en 2050, soit dans un avenir relativement proche. Cela donne des visions plutôt pessimistes en lien avec les inquiétudes du moment : l’omniprésence des IA, la guerre, les pollutions, le dérèglement climatique, la gestion des migrations, l’omniprésence des écrans… On assiste ainsi au travers de tranches de vie captées sur le vif à toute la détresse des hommes et des femmes, dépassés, parfois coupés entre deux mondes, dont un qu’ils ne comprennent pas ou tout du moins dont ils ne cernent pas tous les dangers. Si je devais retenir deux récits de ce recueil – ils sont tous bons, c’est un supplice de faire un choix -, je donnerai une mention spéciale à Lux Aeterna de De Metter qui met en scène un homme dans la soixantaine, dont la femme est hospitalisée mourante et qui, ne pouvant lui rendre visite pour des raisons administratives et sanitaires (il n’est pas à jour de ses vaccins), va combler son manque affectif auprès de son androïde domestique capable de modéliser son visage pour prendre les traits de n’importe quelle personne à tout âge de sa vie. Seconde mention pour Go to Mars de Thibaud de Rochebrune qui traite des migrations humaines venues frapper aux portes des pays riches. Si les Etats-Unis emploient la manière forte pour repousser les demandeurs d’asiles, l’Europe propose aux nouveaux arrivés de s’inscrire dans le prometteur programme spatial Go to Mars qui leur permettra de devenir les premiers colons de la planète rouge, à l’instar de ce que furent les premiers européens à établir des colonies sur le nouveau monde. Dans l’attente que le programme se finalise, les migrants se voient cryogénisés et « stockés » dans de vastes hangars qui s’élèvent à plusieurs endroits dans les campagnes vertes européennes. Sauf que Mars, c’est à peu près sûr aujourd’hui pour des raisons techniques et financières, ne pourra jamais accueillir de colons. Ou comment jouer avec la vie des gens sur un mensonge éhonté et repousser toujours plus loin les limites de l’horreur…

Un recueil parfois glaçant, sombre et inquiétant qui, même s’il ne servira pas de petit électrochoc à nos consciences – puisque les problèmes sociétaux évoqués dans les récits sont connus de la plupart d’entre nous sans que rien ne soit fait pour les solutionner – doit pouvoir à minima nous émouvoir sur un/des futur(s) qui ne s’affiche(nt) pas des plus apaisés et des plus glamours.   

Collectif – 2050 – Philéas